Crime rouge

Je fixe le sol, perdu dans cette immensité de non sens. Qu'ai-je fait ? Je passe une main dans mes cheveux comme si ce geste pouvait faire taire le tourbillon de clameurs qui résonne dans ma tête. Le mal est fait, irrévocable et tonitruant. Le problème c'est qu'au dessus du mensonge il plane toujours un nuage de vérité, prêt à verser ses larmes acides rongeant jusqu'à l'os le faux jusqu'au vrai. Je m'accroupis pour calmer mon cœur qui tambourine aux portes de ma cage thoracique.

Le crépuscule vient se poser à mes pieds, et la brise automnale me fait frissonner. Autour de moi s'élève une rumeur : l'herbe semble conspirer et murmure des messages aux feuilles qui se relèvent comme des morts vivants pour aller colporter la nouvelle. L'eau de l'étang habituellement endormi semble frémir en proie à de mystérieux spasmes venus des profondeurs. Les arbres se mettent à faire craquer leur vieilles branches, enrôlés par le vent. Les canards s'envolent en pagaille, et les grenouilles se terrent dans les roseaux. Ils savent.

Ces témoins sont gênants, mais je n'ai pas le choix. Quand on commet l'irréparable, il ne reste que des alternatives invraisemblables pour essayer d'ouvrir dans l'espace temps une version alternative de sa vie et poursuivre comme si de rien n'était. Se débarrasser du cadavre et tout ira bien.

Malgré son jeune âge, elle était pleine de promesse, somptueuse dans sa robe bordeaux. Et moi j'ai tout gâché. Parce que j'étais impatient et que je la voulais pour moi tout seul. Je ne voulais pour rien au monde la partager avec qui que ce soit. Mais elle n'a pas voulu s'ouvrir à moi, alors j'ai perdu mon sang-froid et tout m'a échappé.

Une silhouette se rapproche dans mon dos :

- «Je sais ce que tu as fait», murmure une voix d'homme.

- « Comment sais-tu ?»

- « Les pierres sont les yeux du sol et le sol a parlé. La teinte rougeâtre ne laisse pas de doute. Tu es un meurtrier ! »

Je baisse la tête, cerné et je capitule :

- « C'est vrai. J'ai laissé tomber la bouteille de St Emilion. »