Dans la campagne

aile68

Dans la campagne humide les moutons, fidèles créatures du bon Dieu, font des taches de blanc maculé de terre et d'herbe fraîche. Des promeneurs font des bouquets des champs, des femmes surtout, d'une beauté surannée, à près de soixante ans, leurs gestes sont plus lents, d'une douceur gracieuse, et même langoureuse. Leur compagnon s'appellent Eugène, Simon ou Pascal, les joues rouges comme celles des enfants dans les batailles de boules de neige, ils tiennent le bras à leur belle dame, un pied devant l'autre, ils avancent tels de preux chevaliers, d'une fierté tranquille, de celle qui a longtemps combattu. De grands arbres dépouillés chatouillent un ciel nuageux, longent la promenade d'amoureux transis jusqu'au grand poulailler, un vieux car rabougri, plein de paille et de plumes qui volent. Ils se fichent de l'heure qui tourne, tout à l'heure ils boiront un thé au café du village plein de curieux sympathiques. Ils feront une halte devant le monument aux morts, la petite église romane toute en rondeurs. Et puis la journée aura passé, sereine, loin du tapage de la grande ville. Rentrer, cinq kilomètres à pied, rencontrer l'Anglais dans sa roulotte, le toit de sa maison est en réfection, discuter le bout de gras, l'inviter pour un brunch vendredi prochain, rigoler, faire un apple pie comme au collège, il y a si longtemps. La campagne offre des bonheurs qui se nourrissent d'air frais et de petits verres qu'on boit cul sec, autour de tranches de saucisson fait maison. Faire les choses soi-même, tuer le cochon est une véritable fête, plus qu'une tradition. On reçoit les voisins et la famille de la grande ville, pendant un week-end on vit hors du temps, dans la grange le foin est chaud et tendre, y a un goût de reviens-y et d'amour bucolique qu'on croyait perdu.

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