Dans la chambre de Berlin

Jean Milossis

Extrait du roman " L'Allemande ", coup de cœur de l'émission Ex Libris de Patrick Poivre d'Arvor

    Dans la chambre de Berlin, souvent après le rock dehors, elle écrivait. Elle pensait qu'elle devait faire comme ça pour comprendre ses désordres. Alors elle pensait dans le contact automatique avec les mots, et elle les écrivait dans une grande rapidité. Sur la papier alors, il y avait toute sa profondeur qui se libérait. C'était écrit avec de la brutalité. Elle disait de cette manière: ''cracher l'instinct". Dans la langue allemande - Instinkt spucken - ça devenait une phrase de terreur, dite comme le langage d'avant, celui des ordres sur les corps en montagnes nues dessinées par les pelles des soldats.

   Le même qu'eux, d'avant.

   En pensant ça, elle se disait seule:

- L'Allemagne devrait se tuer.

   Mais aussi, après les soirs de rock , elle écrivait sans ces choses pensées de l'Allemagne terrifiante. Et il y avait alors, sur le papier trouvé partout, des lignes de jolie encre, qui lui mettaient des belles kermesses, lumineuses comme tout, dans les yeux.

   Sur le papier-là elle écrivait des ribambelles enfantines, où les mains se mettaient l'une dans l'autre pour ne pas interrompre le trait horizontal des rires, liés. Petite, dans la cour à petits, elle avait pensé que cet horizontal-là, ce trait de ribambelles tellement rigolées, serait toujours continué dans la merveille. Toute la vie.


Signaler ce texte