D'aujourd'hui à demain

Dominique Capo

Texte sur notre devenir

Je ne sais pas si beaucoup d'entre vous ont déjà visionné le film « A.I., Intelligence Artificielle » ; de Steven Spielberg ? Au passage, j'en profite pour souligner que Steven Spielberg est l'un de mes cinéastes préférés. A part deux ou trois films qui ne m'ont pas enthousiasmé, parmi le reste se trouvent de véritables chefs-d'œuvre. Plusieurs d'entre eux, notamment « La liste de Schindler – pour moi qui étudie l'Histoire du Nazisme… -, « E.T. », « Rencontres du Troisième Type », « Les Dents de la Mer », « Indiana Jones », « Minority Report », sont des références dans le genre.

 

En ce qui concerne « A.I »., je sais qu'au départ, c'était Stanley Kubrick qui était sur le projet. Stanley Kubrick est un cinéaste à part, il faut bien l'avouer. Et beaucoup de ces films sont déroutants, étranges. Malgré tout, parmi eux, apparaissent également quelques long-métrages qui demeureront dans les annales : « Spartacus », « Shining », ou « 2001, l'Odyssée de l'Espace ». Enfin, c'est mon avis personnel.

 

Malheureusement, Kubrick est mort avant d'avoir pu mener ce film à bien. Et avant de disparaitre, il a demandé à Spielberg de le réaliser. De fait, ce n'est pas son meilleur. Je dois l'admettre. Mais si j'en parle aujourd'hui, c'est parce que ces vingt dernières minutes m'ont, dès la première fois où je l'ai vu, profondément marqué ; et surtout interpellé.

 

En effet, si vous vous en souvenez, le robot-enfant qui en est le personnage principal, plonge dans le sommeil durant des centaines ou des milliers d'années, au fond de l'océan. C'est là le terme de son périple afin de retrouver son identité.

 

Puis, au bout de ce laps de temps, il est découvert par hasard par une sorte de sonde robotisée qui le remonte à la surface. Or – et c'est là où je veux en venir -, entretemps, le monde qu'il a connu durant son existence antérieure a énormément changé. Il ne ressemble plus du tout à celui du 21e siècle qu'il a laissé derrière lui : l'Humanité a totalement disparue. Le monde n'est qu'un immense territoire vide et sans vie. Les cités humaines sont figées sous les glaces depuis une époque perdue dans les limbes de l'Histoire. Néanmoins, une autre espèce a remplacé la race humaine. Il s'agit, comme on le voit sur l'image ci-jointe, d'une créature « méta-organique ». C'est-à-dire qu'elle est composée de milliards de composants robotiques, informatiques, et de réalité virtuelle, microscopiques. Elle a une forme vaguement humanoïde ; ne semble avoir, ni besoin de dormir, de manger, etc. Toutes ces caractéristiques si humaines qui nous sont si chères. Elle détient des pouvoirs psychiques phénoménaux qui, lorsqu'on visionne le film, paraissent provenir des possibilités méta-organiques dont elle est constituée. Et celles-ci l'autorisent à reconstituer artificiellement pour une journée l'environnement familial du robot-enfant qu'elle a recueilli. Cet environnement où ses parents adoptifs le choyaient, l'aimaient, où il était en sécurité ; avant qu'ils ne s'en débarrassent dans une forêt. Cet environnement, ces personnes, dont il est en quête désespérée durant une bonne partie du long métrage.

 

J'ai dû revoir ce film il y a plus d'un an. J'ai dû le visionner deux ou trois fois depuis sa sortie en salles. Et pourtant, il se trouve à l'abri parmi les 1000 ou 2000 films de ma DVDthèque. Vous vous demanderez certainement pourquoi j'en parle aujourd'hui, alors que ce n'est pas l'un de mes films préférés, et que je n'ai pas revu depuis tant de temps ?

 

Il y a néanmoins une raison essentielle : c'est que, souvent, dans mes textes et mes articles évoquant le devenir de l'Humanité à plus ou moins brève échéance, je m'attarde sur les divers aspects qui peuvent résulter de la civilisation à laquelle nous sommes si fermement attachés. Notre futur, pour d'innombrables raisons que j'ai déjà développé dans maints exposés, est en pleine mutation. Et ces mutations auxquelles nous sommes confrontés – qu'elles soient climatiques, sociales, technologiques, philosophiques, etc. – vont bientôt avoir d'énormes conséquences sur ce que nous sommes en tant qu'espèce. C'est ainsi, que nous le voulions ou pas, que nous l'acceptions ou pas.

 

Souvent aussi, je concentre mon attention sur les aspects religieux auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui. Leurs origines remontent très loin dans le passé ; aux sources même de notre civilisation. Ils ont emprunté des cheminements extrêmement divers, prolifiques, et ont pesé lourdement – en bien et en mal – sur le regard que nous avons de nous-même, sur les grandes questions existentielles que se pose l'Homme depuis qu'il a conscience de ce qu'il est : Qui sommes-nous ? Où allons-nous ? D'où venons-nous ? Pourquoi sommes-nous là ? Quel est notre devenir ? Y-a-t-il autre chose après ?, au-delà de ce que nous ne voyons pas ?, au-delà de ce que nous ne comprenons pas ?, j'en passe…

 

Je m'interroge, je cherche des réponses. Cependant, au grand désarroi d'un certain nombre de gens qui « croient » et qui me lisent – qui me commentent et qui tentent vainement de « remettre la brebis égarée que je suis sur le droit chemin » -, je n'use pas de dogmes et d'enseignements théologiques pour tenter d'apporter des réponses à ces questions. Evidemment, je m'intéresse à la Religion, parce qu'elle fait partie intégrante de l'Histoire de l'Humanité ; elle imprègne en profondeur la visions que nous avons de nous-même, de notre monde, de notre univers ; et de la place que nous y tenons. Elle imprègne notre philosophie, notre modèle de société, nos comportements, nos valeurs, notre détermination de ce qui est bien ou mal, le bonheur et le malheur, etc. Or, à mes yeux, il ne s'agit là que d'une composante de ces questionnements. De plus, cette composante n'apporte qu'un fragment de la réponse ; parmi des myriades d'autres fractions de cette dernière. D'autant que cette réponse prend elle-même de multiples apparences en fonction du regard que l'on lui porte.

 

Le problème, avec notre manière de penser ces questions, et de tenter d'y apporter des réponses, c'est que nous nous référons à ce que nous connaissons de notre univers, de notre monde, de nous-même. Pire encore, nous nous référons à ce qui nous est familier, à ce qui nous rassure. A ce que nos traditions, notre éducation, notre religion, notre milieu social, etc. nous a appris à considérer comme vrai. Combien de fois, lors d'échanges avec des croyants, ai-je entendu : c'est LA Vérité ? La Bible, le Coran, la Torah, détiennent La Vérité.

 

Comment ces contradicteurs de mes articles pourraient-ils réagir autrement ? Leurs parents, leur communauté, leurs références, etc. leur ont inculqué depuis leur plus tendre enfance qu'en dehors d'eux, il n'y a rien d'autre ; qu'ils n'ont besoin de rien d'autre. Qu'il est même contraire à ce qu'ils sont de prendre appui sur d'autres aspects pour forger leur opinion, leurs valeurs. Et s'ils sont si vindicatifs envers moi parfois, s'ils désirent tant me rallier à leur vision du monde, c'est que ces aspects divergents des leurs les terrorisent au plus haut point. Ils ne sont plus en terrain connu, ce qui les rassure tant dans leur quotidien n'existe plus. Les références qui leur sont familières ont disparues.

 

Je conçois parfaitement que « regarder autrement » les choses – et surtout ces questions existentielles, ainsi que des fragments de leurs réponses éventuelles, est très déstabilisant. Je pense néanmoins – mais ce n'est que mon avis personnel – que c'est une nécessité vitale. Se contenter de s'appuyer sur ce qui nous est commun, justement parce que cela nous est commun, est une erreur. Nul ne peut apprendre de ce qu'il sait déjà ; ou de ce qu'il considère comme vrai. Or, le tort de la religion, justement, c'est cela : c'est qu'elle se suppose éternelle, immortelle, indéracinable, intouchable. Alors que l'Histoire de l'Humanité, au contraire, nous apprend que rien n'est figé, intouchable, inaltérable. Nier ce fait, est nier la réalité. Les civilisations, les religions, les sociétés, les pays, naissent, grandissent, vieillissent, puis meurent. C'est inéluctable. Des empires se sont bâtis par le passé ; des religions qui se croyaient éternelles - parmi lesquelles certaines ont perduré des milliers d'années -, ont aujourd'hui disparu. C'est dans l'ordre des choses.

 

Actuellement, l'Islam vit son Moyen-Age, alors que lorsque le Christianisme a vécu le sien, il vivait son Age d'Or. La religion pharaonique s'est perpétuée pendant 3000 ans ; deux fois plus longtemps que l'Islam ; et un tiers plus longtemps que le Christianisme. Malgré tout, elle a fini par s'éteindre ; comme l'Empire d'Alexandre, comme l'Empire Romain, comme la Perse de jadis, comme l'Israël d'autrefois, ou… comme le royaume de France.

 

Nous ne faisons que passer. Car nous ne sommes pas des dieux ; et même les dieux meurent ; lorsque plus personne ne croit en eux. Le monde, la vie, est perpétuellement en mouvement. Ils sont en mutation perpétuels. Ceux et celles qui se disent que parce que leur foi leur explique que Dieu est tout puissant, éternel, qu'il est vecteur de vérité, etc. se bercent d'illusions. Ils sont sourds, aveugles, et muets face aux réalités des faits. Ceux qui s'imaginent que notre civilisation basée sur l'argent, l'individualisme, la course à la consommation effrénée, etc. dansent sur un volcan.

 

Nous sommes présents sur Terre que pour quelques dizaines d'années, un siècle au maximum. L'Evolution, les modifications de notre environnement, de notre société, les transformations auxquelles notre espèce doit se préparer sont déjà présentes par bien des aspects. Certes, infimes, parce qu'ils ne se discernent que lentement et s'étirent dans le temps. Déjà pourtant, nous avons changé d'Ere. Les modèles d'il y a cinquante, trente ans, se sont éclipsés. D'autres les ont remplacés. Et ce n'est pas en s'arc-boutant sur des certitudes qui ne sont, en fait, qu'éphémères, que cela modifiera les choses.

 

C'est ce que je voulais souligner avec cet extrait de film de Steven Spielberg dénommé « A.I. ». Ce petit robot-garçon qui a dormi pendant des siècles dans les profondeurs de l'océan, croyant qu'il retrouverait ses parents humains, la maison qu'il a quitté, le monde qui l'a engendré, se rend compte que ce n'est pas vrai. Ce monde s'est métamorphosé durant des siècles et des millénaires, sans lui. Il ne l'a pas attendu pour évoluer, pour abattre ce qui l'Homme a construit durant l'Age ou il a dominé la Terre. Pire encore, une race différente – certains diront « supérieure » ; moi je dis uniquement « différente » - l'a remplacé. Et tout ce qui semblait être vrai, indéracinable, intouchable, s'est évanoui.

 

Je le répète, c'est l'erreur que fait la grande majorité des gens qui « croient en Dieu », ou qui « ont foi » en ce que notre civilisation actuelle nous apporte » font. Tout ce qu'ils contemplent autour d'eux, tout ce qui donne un sens à leur existence, tout ce qui a de l'importance – argent, voitures, maison, valeurs morales, etc. – est au cœur de leur préoccupations aujourd'hui. A juste titre, d'ailleurs. Mais, ce n'est qu'aujourd'hui. En partant de ce principe, donc, il est avéré que ce que nous est inconnu est plus démesuré que ce qui nous est connu. Et que c'est en explorant, que c'est en avançant au milieu de ce qui ne nous est pas familier, étrange, différent, que nous pourrons appréhender quelques-unes des réponses existentielles qui hantent notre mémoire depuis si longtemps. Ou qui pourront brièvement entrevoir le devenir de cette Race Humaine à laquelle nous appartenons…                       

Signaler ce texte