Dé-Lux

Christian Lemoine

Etouffement des yeux pris dans une obscurité fripée, bandeau de noirceur, tâtonnements des mains tendues dans un vide froid. Bruits, crissements, houle et vents. Qu'est cette pérégrination aveugle, ce chemin d'embuches jonché, cette itinérance sans but ? Des entrailles du sol sont venues flotter des rumeurs insolites, comme la psalmodie des âmes errantes croisée au secret des caveaux asphyxiés. De cette tombe insensée, le dialogue avec un crâne hermétique. Feu et eau, pour l'affolement de l'esprit sans repère. Et violence de la pierre brutale, et griffée d'arêtes saignantes, et fracas des aciers lourds. Nulle lueur dans la navigation nocturne. Aucun amer à la côté accroché. Aucun phare, ni balise, au milieu des cailloux aiguisés comme autant de rasoirs avides du sang des naufragés. Pourtant, l'esquif doit voguer encore, encore, sans choix autre que celui du risque, contre le choix du renoncement et de l'effacement. Des voix, des exhortations, des mises en garde à chaque parcelle du vent qui flagelle l'écume tancée. Et, dans un halo blafard, l'épave rouge attise l'embolie. Et cependant encore, encore, encre et sang versés, il se pourrait qu'un aube...

Etouffement des yeux agglutinés hagards sous le poids du bâillon. Puis, soudain, une grande lumière amicale, bienveillante. Et c'est dans cette lumière qu'elle est venue, plus lumineuse encore. Et brutalement, elle a tué la lumière.

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