Dérive

Christian Lemoine

Le lit suit en balance le lent rythme des algues et des planctons. Sous les franges qu'une tisserande appuya de son regard usé, sous cette vieille couverture des générations, dans l'ombre des sommiers grinçants, danse la danse sinueuse d'écailles vertes et bleues, les migrations en enfilade de sargasses insolentes. C'est l'occasion de voir les songes passer les murs, soulever les occiputs lourds, et transmuer en or les plombs acariâtres qui lestent les fils, autrement plus alertes que ces desseins emprisonnés. Ce rêve d'océan sans rives, sans rides, noyant les récifs mais bu de sables inertes. Ce rêve de mer étale délaissant l'amertume des saumures pour des rondeurs de lacs et des fougues de torrents. Le lit est un bateau, à la dérive consentie, plongeant son safran aux pollens des profondeurs pour deviner sous soi les tourments suaves des abysses.
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