Des Astres 15

nat28

Chapitre 15 : La domification va bon train

Travail : vous êtes un vrai panier percé. Votre générosité risque de vous coûter cher. Faites attention à vos dépenses, les tentations seront grandes. 

Amour : cette journée s'annonce forte en émotions.

Santé : belle énergie.

Léa était enfin arrivée à l'aéroport de Nice ! Mère et fille se sautèrent dans les bras au milieu du hall des arrivées, sous l'œil étonné des touristes qui venaient passer les fêtes de fin d'années sur la Côte D'Azur. Elles ne s'étaient pas vues « en vrai » depuis presque deux mois, et Stéphanie écrasa une larme en relâchant son étreinte autour de sa fille. Elles chargèrent les trois valises de Léa dans la Clio (qui fonctionnait toujours, malgré le froid et les petites routes de montagne) et elles filèrent jusqu'à la maison de Stéphanie, à Saint André des Roches.

-          Maman, c'est trop beau ici !

Pour une fille qui n'avait connu que la vie en appartement en ville, se retrouver dans un mas provençal, avec un jardin, c'était une petite révolution.

-          Le terrain est encore un peu sauvage, mais dès le printemps prochain, on se fera un petit potager et une terrasse !

Stéphanie avait dépensé presque toutes ses économies pour aménager la maison (le lendemain de la fin de sa période d'essai, prudence oblige). Elle a avait fait une descente chez le Leroy Merlin local pour s'approvisionner en peinture (et Thomas lui avait gentiment prêté le matériel qui lui manquait) et une razzia dans le centre commercial de Nice Nord (But, Conforama, Casa, Maison du Monde… aucune enseigne n'avait échappé à sa quête). Et le résultat était à la hauteur des efforts fournis.

-          Tu as fait venir Valérie Damidot ici, ou quoi ?

Le rez-de-chaussée du mas était composé d'une cuisine, d'un cellier, et d'une grande pièce à vivre qui servait de salle à manger et de salon. Stéphanie avait repeint tous les meubles en bois de la cuisine en violet pastel (après avoir passé trois jour à poncer le vernis, une véritable torture), et elle avait cherché tous les objets aux motifs « cigales » possibles et imaginables (le résultat final était un peu chargé, mais l'accumulation, c'est un style décoratif comme un autre). Elle avait aussi trouvé une vieille table de ferme et des chaises à l'assise en paille chez un brocanteur. L'ensemble donnait l'impression d'avoir fait un saut dans le temps, à l'époque de Marcel Pagnol. Dans le salon, un sofa à l'anglaise, recouvert d'un plaid beige, faisait face à une cheminée. Dans le coin réservé aux repas, Stéphanie avait placé sa table en verre et acier en la recouvrant d'une nappe aux motifs provençaux. Des housses fleuries avaient suffi à transformer ses chaises modernes.

A l'étage, il y avait trois chambres, une grande salle de bain, et une salle d'eau. Avec l'aval du mari de Gislaine, qui travaillait dans le bâtiment, Stéphanie avait fait un trou dans la cloison entre une des chambres et la salle d'eau pour créer une petite suite qu'elle avait ensuite repeinte dans les tons noirs et roses avant d'y placer les meubles de Léa.

-          Voilà ta chambre : ça te convient ?

-          Maman, elle trop classe ! C'est toi qui as tout fait ?

-          Tout à fait ! J'ai tout fait ! Même les coups de masses pour faire le trou dans le mur, c'est moi qui m'y suis collée !

-          C'est pour ça que le contour du droit n'est pas très droit ?

-          C'est rustique, ma petite !

Stéphanie s'était installée dans la chambre la plus proche de la salle de bain, et la dernière pièce de l'étage lui servait actuellement de débarras. Cette pièce fourre-tout n'avait pas été retouchée, mais dans sa chambre, Stéphanie s'était fait un petit cocon bleu pâle très apaisant.

-          Oh, je ne t'ai pas montré le garage !

-          La Clio aussi a eu le droit à sa décoration personnalisée ?

-          Non… Mais il y a là-bas une chose qui pourrait t'intéresser…

Stéphanie n'avait évidemment pas oublié, en cette période de fête, de faire l'acquisition d'un sapin de Noël (certifié Bio, produit local et développement durable de la forêt). Léa sauta littéralement de joie en le voyant et se jeta au cou de sa mère (ce genre de manifestation de joie avait disparu chez l'adolescente depuis trois bonnes années).

-          On le décore ! Hein ? On le décore !

-          Non, je pensais plutôt le brûler dans la cheminée…

-          Maman ! Elles sont toujours aussi nulles, tes blagues !

-          Et ça n'ira pas en s'arrangeant avec l'âge…

Malgré la fatigue due au voyage et à l'émotion des retrouvailles, Stéphanie et Léa passèrent la soirée et une bonne partie de la nuit à décorer le sapin (qui avait la fâcheuse tendance de pencher, mais vers le mur, ce qui limitait les risques) avec les décorations traditionnelles… familiales. Des boules « Tic et Tac » (Noël deux mille six) côtoyaient ainsi des décorations en verre soufflées artisanales (marché de Noël de Strasbourg, mille neuf cent quatre-vingt dix-huit) et des guirlandes or et rouge (promotion chez Leclerc de l'année dernière).

-          Il faut qu'on s'applique, car ce sapin sera encore là au nouvel an. Tout comme mes amies ! Je ne veux pas qu'elles soient déçues du voyage !

-          Ne t'inquiète pas maman, tu sais bien que nous sommes les reines de la décoration de sapin ! Quatorze ans d'expérience !

-          A l'âge de un an, tu étais plutôt dans une phase « décrochage d'anges scintillants », mais tu ne peux pas t'en souvenir…

-          De toutes façons, je fais un Twitpic et je demande l'avis de toutes mes copines…

-          Elles ne dorment pas, à cette heure là ?

-          Un samedi soir ? Le premier jour des vacances ? Je crois pas, non.

Quinze avis d'adolescentes connectées plus tard, le sapin était terminé.

-          Pour la crèche, on verra demain…

-          Tu as pris des Carbonel ou des Escoffier ?

Stéphanie était estomaqué par la science des santons de sa fille. Elle voulut en savoir plus.

-          Euh, ils n'avaient pas de marque, je crois. C'est mon père qui les achetés, en mille neuf cent soixante dix sept si mes souvenirs sont bon, alors pour ce qui est de leur traçabilité… Mais dis-moi, tu t'attends à voir qui, dans cette crèche ?

-          Bah, Marie, Joseph, le petit Jésus, le bœuf, l'âne, je crois qu'il y a un troupeau de moutons…

-          Et les bergers qui vont avec…

-          Les Rois Mages… L'ange Gabriel ?

-          Oui, oui, très bien…

-          L'Arlésienne… mais c'est une interro ou quoi ?

-          La Sainte famille et les marchands de galette des rois, je veux bien y croire… mais l'Arlésienne ! D'où tu sors ça ?

Léa rougit et tenta de cacher sa gêne en se roulant en boule sur le sofa.

-          Bah, comme je savais que j'allais venir m'installer ici… Je suis devenue amie Facebook avec le cousin de Cerise, qui habite à Nice. Il s'appelle Mathis et il est en seconde.

-          Et c'est avec lui que tu as parlé santons ?

-          Bah quoi, je m'intéresse à sa culture !

-          Il est mignon ?

-          Maman !

-          OK, j'arrête pour ce soir. Mais je n'en ai pas fini avec toi et ce Mathis. Et pour ton information, Cerise, c'est pas un prénom, c'est un fruit rouge.

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