Des êtres en devenir

aile68

Jeunes, on refaisait le monde entre deux coups de pinceaux sur une toile anonyme qu'on appelait la vie. Celle-ci nous semblait si vide de sens qu'on avait besoin de composer une symphonie lyrique que l'on trouvait magnifique. On était curieux de tout, l'existence pour nous c'était des rimes et des alexandrins que l'on rêvait d'instiller goutte à goutte dans nos petites oeuvres d'artistes éphémères habités par un imaginaire qui fourmillait dans tous les sens. Avec nos palettes et nos pinceaux maladroits on était les indignes héritiers d'artistes inconnus d'une mémoire qui se trompait de combat ou de bonne cause. Enflammés, révoltés ou sur les starting-blocks on était prêts à dénoncer tous les maux de la terre qui nous faisaient rendre l'âme les soirs de grandes beuveries métaphysiques. "Ami, toi qui croit en Dieu, est-ce que Dieu existe?".

On était entre deux âges, deux étapes de notre vie, entre l'adolescence et l'âge adulte, à vingt ans on faisait nos kakous, on cherchait à attirer l'attention au risque de passer pour des m'as-tu vu. On ne voulait qu'être reconnu pour ce que nous étions, des êtres en questionnement en quête d'identité dans un monde virtuel. On avait rangé notre enfance dans des boîtes à Lego que nous ne voulions pas fermer. Dans nos têtes ça sentait encore le chocolat du matin avant d'aller à l'école. On avait choisi l'art pour se défendre, devenir des personnes responsables malgré le grain de folie qui poussait en nous, tel le désir de partir, larguer les amarres, mettre les bouts. 

Et puis un jour on revient, et là une nouvelle vie commence avec dans l'esprit comme un rêve oublié. Il n'y a pas de petits ou de grands hommes, il n'y a que des êtres en devenir.


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