Désunion

Christian Lemoine

Qu'es-tu venue chercher ici ? Il n'y est plus rien pour réchauffer tes souvenirs. Il est trop tard pour cet aveu venu quémander le pardon d'une faute que tu n'as pas commise. Ne vois-tu pas les lourdeurs de l'orage amoncelées à tous les cardinaux ? Reprends ta route, retourne vers tes contrées joyeuses ; qu'ici ne grandisse qu'horde tressée de grêlons fracassés, et les têtes courbées sous l'averse. Tu semais des frairies d'orange et de miel, roulées dans tes rires vibrants, cependant qu'hérissée en ses appas rétifs la maussade colère nourrissait déjà des vengeances amères, venues croître sur les déchets obscènes d'un espoir trop naïf. Vois ! le ciel en ses en-deçà pèse encore par quelque blancheur, vite brouillée de l'eau lessivée ; à verse, averse, il n'en peut plus de s'écouler en thrène lamentable, ciel de la traîne liquide infinie. Mais va donc ! Tu sais qu'aucun discours oniromancien n'aura l'heur d'annoncer une aurore épuisée déjà, et tes embrasements lointains ne pourraient, ici, qu'éclairer le triste rictus de la défaite.

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