Dialogue de sourds

laurencemarino

Parce que souvent les amoureux se parlent en dialogue de sourds...

Raconte-moi tes failles  …

            Mes failles ? Tu veux quoi ? La clé pour faire péter mon cœur ? T'as pas assez d'avoir mon corps et ma toute petite cervelle ? Tu veux encore plus ? T'es vraiment un mec pour toujours vouloir posséder les femmes.

Dis-moi tes peurs et tes crevasses…

            T'insistes, tu veux que je t'ouvre ma mappemonde ? Tu veux voyager dans mes pénombres ? Elles t'engouffraient tout entier, t'en crèverais, c'est sûr. Les gars, vous n'êtes pas éduqués pour résister aux turpitudes de nos élans. Mes larmes de sang noieraient ton pauvre regard et tu perdrais pied. Reste sans trop savoir, ne cherche pas à connaître mes frontières. Mes eaux troubles sont dégueulasses, elles sont souillées de toutes ces histoires sans lendemain. Moi ce que je veux, c'est une terre vierge. Une planète pour toi, un parterre de rien du tout, une semence de belle histoire et des vertiges de débutant.

Je t'écoute, je n'en ai pas assez…

            Mais bien sur que c'est suffisant ! T'es cinglé, tu m'entends pas ? Mon âme est un    no man's land. J'ai perdu ma boussole et tout est en apesanteur. Rien ne tient     debout. Je suis un ridicule cataclysme en désordre de tout. Mes pieds touchent à peine ton sol. Mes mains ne sentent ni le froid ni la faim. Ma langue est rêche et mes yeux sont de glace. Ta présence me réchauffe. A ton contact, les particules de  mon être fondent et se rassemblent en une chose que tu nommes « ma femme ».             Tais toi, ne demande pas plus. Je veux que tu restes près de moi. Si tu apprends   ma chose, tu partiras.

Je t'aime…

            Mais oui. Tu aimes cette jolie enveloppe, tu aimes mes mains, tu apprécies mes seins et mes hanches. Tu te plais dans mon intime. Tu caresses mes courbes et tu es séduit par ma peau. Mes lèvres te rendent fou, mes baisers t'enivrent. Mais le      reste…le reste, tu ne peux pas l'aimer. Tu ne dois pas l'aimer. Vas t'en.

Viens ma chérie, viens dans mes bras, tu es belle…

            Belle ? Ouvre les yeux. Je suis noire, je suis sale, je suis laide, malade et sombre. Je suis loin, je suis aride. Sèche, sans vie, sans rose, sans concessions.

  Fin.

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