Dimanche avant la rentrée

Christian Lemoine

Dans les ombres fraîches des feuillages encore verts – vert sombre, vert des profondeurs –, en taches impressionnistes s'allument des boules plus claires. Des chairs tendues, des peaux luisantes, des bogues hérissées. A cette distance, ce ne sont qu'ocelles parsemées, des secrets de fruits que divulgue une brise lorsqu'elle retourne en frémissement les jupes des feuilles. Vergers épars, châtaigniers de bord de plaine ouverte, les arbres dans les villes attisent déjà l'automne. Et quelque part, des cris, des bruits. Sous un soleil moins hautain montent des bruissements d'enfants. Pourtant, des jeux moins exagérés, des courses moins véloces, des épuisements moins insouciants. Une gravité dans la soirée qui s'allonge au seuil des maisons, une solennité imperceptible dans la main du parent sur le guidon frêle des apprentissages. Le partage de l'espace suppure déjà l'odeur des classes et l'entassement des savoirs. A cette distance, des impressions s'exhalent des pelouses froissées, de vagues évanescences qui troublent un peu l'arrière-plan des parcs. Entre les parfums d'une haie taillée et de l'herbe fauchée se glissent ceux moins solaires mais plus poignants d'encre et de papier, de craie et de colle. A cette distance, on surprend à travers la vitre la carte ancienne aux couleurs passées, d'une géographie intemporelle. L'enfant demain assis n'en sait pas encore l'empreinte.

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