Dionysos

Adèle Delahaye

"Tout peut basculer si vite, dans une vie, si vite que le passé s'efface comme un rêve."

Je me pose tout de même cette question : pourquoi moi ?

Tout allait pourtant bien : je rentrais chez moi, à pied comme d'habitude. Il devait être aux alentours de 16 heures 15. Le ciel était bleu, et l'air abominablement chaud et humide. C'était le 14 août, au beau milieu d'une canicule particulièrement sévère.

Je marchais lentement, profitant de l'ambiance si chaleureuse (c'est le cas de le dire) de mon quartier.

Je passais devant le marché de l'Estacade, où les commerçants rangeaient les cagots. Tout cela faisait un grand brouhaha dans lequel se mélangeaient les discussions, les bruits des raclements de caisses et de camions qui démarrent.

Je traversais la route, remerciais la voiture qui s'était arrêtée devant moi, puis continuais mon chemin.

J'arrivais enfin devant le porte d'entrée de mon immeuble, une porte de bois foncé et verni.

Je numérotais donc le code, poussais la porte et pénétrais dans une salle qui m'était inconnue. Elle était spacieuse, et le sol était en marbre blanc.

Un vrai feu crépitait au milieu de la pièce, répandant autour de lui des cendres et une odeur de barbecue.

À ma droite et à ma gauche se trouvaient deux statues de taille humaine.

La statue de gauche représentait un homme de l'Antiquité. C'était le plus grand des deux statues et il semblait être le plus important. Il tenait entre ses doigts une grappe de raisin.

Il avait des cornes légèrement ondulées et des cheveux bouclés. Il était habillé d'une toge et portait des sandales.

L'homme ressemblait à Dionysos, le dieu grec du vin, de la vigne, des excès, de la folie et de la différence.

Je m'approche, curieuse. J'effleure du bout des doigts cette statue à l'allure si réelle. Je ne rencontre que de la pierre, chaude, sûrement chauffée par le feu.

La statue de gauche représentait une jeune fille, habillée ce qui semblait être un short noir et un tee-shirt blanc, rien de plus basique. Mais c'est bien là qu'est le problème. Le statue de gauche me représentait moi.

C'en était plus que je puisse supporter. J'eus un violent haut de cœur. Ma vision se troubla, mon cerveau cessa de penser.

                                                  *

Lorsque je rouvris les yeux, j'étais allongée dans un lit. Mon lit. Ouf, ce n'était qu'un rêve !

Je tentai alors de me lever, mais j'eus soudainement une douleur cuisante au niveau du genou droit.

- Tu t'es fait mal en tombant.

C'était une voix grave et rassurante qui avait parlé. Je tournai la tête pour voir un homme qui marchait, d'un pas lent et d'une démarche souple vers moi.

Il était grand et avait des cheveux blonds et bouclés. Étrangement, l'homme avait des yeux violets et une toge assortie. Il portait des sandales en cuir et tenait entre ses mains une grappe de raisin.

Mais surtout, entre les fines mèches blondes, il y a avait deux petites cornes ondulées qui dépassaient.

Signaler ce texte