Dis-moi...

Hervé Lénervé

Ce que tu manges, je te dirai qui tu es. Oui, je sais, c’est con à dire, mais ce que l’on mange nous change.

Je ne vais pas rentrer dans des explications techniques des modifications biologiques de nos organismes, on n'y comprend rien. Je vais faire la démonstration de l'hypothèse «  Notre alimentation nous change » par des exemples concrets puisés dans un échantillon de la population mondiale.

Moi, par exemple, je n'aime pas les haricots verts, donc je mange des artichauts et maintenant j'ai une gueule d'artichaut. Bon, bien sûr, je mets une capuche, mais quand on couvre l'artichaut, il transpire et il pue. Si vous croyez que c'est plaisant d'entendre des minots dire de vous : «  Putain ! Il fouette grave, l'autre avec sa gueule d'artichaut, maman ! »

J'ai arrêté d'en manger. Je suis passé à la banane en pensant que ça ne pourrait pas me faire du mal, côté bite. Pensez-vous, j'ai une tête de banane à présent.

Bien sûr, ça ne se voit pas vraiment. Il faut être observateur. On est tellement habitué à voir une tête de bonhomme ou de bonne-femme  sur un corps d'homme, pour la femme on rajoute une perruque, qu'on ne remarque plus rien. Moi, quand je vais au marché, je suis attentif. Tiens lui, il a bien une tête à manger du poisson avec des ouïes pareilles. Je le suis discrètement et Bingo, direct à la poissonnerie. Il en achète en grossiste et part avec une palette de poiscailles pour la semaine.

Tiens, cette autre avec sa tête en R14, filature discrète. Ça ne rate jamais ! Direct à l'étale des poires.

Tiens, celui-là avec sa tête de ne pas y toucher. Direct au kiosque à journaux, rayon porno. Il parait que le papier cuit, ça a le même goût que les pattes.

Je pense que c'est suffisant pour affirmer que tout ce qui entre en nous, nous fait. Et là encore, on a vu que la bouche.

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