Disparue (39)

Louve

Camille, malgré quelques rechutes, retrouve son équilibre...


Après un séjour d'un mois dans cette unité, Camille retrouva ses repères et put ainsi regagner St-Palais au grand soulagement de Michel et d'Héloïse.

Michel avait profité de l'hospitalisation de sa belle-fille, pour retapisser sa chambre. Le matelas avait été naturellement remplacé, tout était redevenu comme avant, comme s'il ne s'était rien passé.

Mais la maladie, sournoise, guettait le moindre faux pas et Camille retourna plus d'une fois à l'hôpital mais un grand pas avait été franchi, car elle acceptait à présent de s'y rendre de son propre chef. Cependant elle resterait fragile, comme leur avait précisé l'équipe médicale.

Mais Héloïse était si heureuse de voir sa fille renaître à la vie.

Pourtant, un jour que Camille rentrait de la ville où elle était allée faire du shopping, sa mère la trouva blême et tremblante :

- Je l'ai aperçu près du syndicat d'initiative, en face de la plage !

- Qui ? interrogea Héloïse.

- Victor Briand !

Le cauchemar recommence, pensa Héloïse.

- Je sais ce que tu penses, Maman, mais je t'assure, tout va bien, je suis seulement secouée de l'avoir vu !

- Mais enfin, tu sais bien qu'il est emprisonné pour de longs mois, tu t'es certainement trompée ! Allons faire un tour demain en ville, si tu veux et si cela peut te rassurer.

La nuit parut bien longue à Héloïse. Elle se retournait et se retournait dans son lit sans parvenir à trouver le sommeil. Camille avait-elle vraiment aperçu Victor Briand ou retombait-elle dans ses délires ? Si le doute devait persister, elle avertirait l'inspecteur Bienvenu, elle savait qu'il prêterait une oreille attentive à tout problème rencontré.

Comme prévu, dès le lendemain, elles se dirigèrent vers le centre de St-Palais. D'abord le minuscule marché : odeurs de fruits, d'épices, puis, passé la place où des jets d'eau colorés rafraîchissaient l'air ambiant, elles flânèrent aux vitrines des magasins débordant de vêtements, de babioles en tous genres.

Malgré leur nonchalance apparente, elles étaient toutes deux anxieuses et tendues.

Elles quittèrent la rue commerçante et atteignirent la plage. Celle-ci n'était pas encore envahie par les vacanciers, c'était toujours un bonheur de retrouver ce morceau de mer, cerné, de part et d'autre, de maisons au charme suranné, dont les murs emprisonnaient, peut-être encore, en leur sein : des bonheurs,  intrigues, secrets de famille à jamais enfouis...enfuis.

Une petite crique bien protégée où la fureur de l'océan se calmait miraculeusement, séduit sans doute, par la beauté du lieu. Les quelques bateaux amarrés là, pouvaient clapoter en toute tranquillité, et les mères rassurées pour la sécurité de leurs bambins, s'abandonner pleinement à la caresse du soleil et de la brise marine, tout en gardant, bien sûr, un œil très protecteur sur eux.

Elles-mêmes rassurées par la quiétude de l'endroit, Héloïse et Camille laissèrent derrière elles le port lilliputien et, pieds nus, longèrent l'écume mousseuse, jusqu'à l'extrémité de la plage. Devant elles, débordant hardiment sur les rochers, un petit restaurant alignait ses tables et parasols pour attirer le promeneur.

Et si nous grimpions sur ses roches, nous rejoindrions le chemin des douaniers ? lança Camille.

- Pourquoi pas ! surtout que cela ne me paraît pas insurmontable, lui répondit Héloïse.

En effet, il n'y avait là aucun danger, les eaux étaient si tranquilles et la roche plate n'offrait aucune difficulté.

Elles rejoignirent sans problème le sentier où elles aimaient tant flâner. Là, commençait la rage sourde de la haute mer qui, à marée montante, se fracassait sur les rochers déchiquetés au fil des décennies. De gros troncs d'arbres échoués, enchevêtrés entre eux, en montraient toute la puissance. Mais, à cette heure de la matinée, le flot était encore bien doux et caressait d'une lame humble, le bois qui blanchissait au soleil.

Sur l'étroit sentier cerné de buissons, l'œil pouvait admirer l'immensité de la nappe bleue qui s'étendait à perte de vue. Là-bas, le ciel, d'une nuance plus claire, se noyait avec elle.

Camille et Héloïse ne se lassaient jamais de ce fabuleux spectacle que leur offrait gratuitement la nature. Il en était de même pour le monde entier. Riches et pauvres se trouvaient sur le même pied d'égalité lorsqu'ils y plongeaient leur regard ébloui.

Les deux femmes, conscientes de leur chance cheminaient tranquillement, simplement heureuses de goûter l'instant présent. Au loin, à demi-cachée par les pins, la villa bleue, comme elles la surnommaient, semblait leur faire signe. A flanc de rocher, la maison exposait ses murs agrémentés de volets bleus, aux rayons du soleil qui étincelaient sur sa blancheur.

Pourtant, depuis quelques instants, malgré la beauté de ce lieu idyllique, Héloïse,  ressentait comme un malaise...une sourde inquiétude. Elle s'était, de temps à autre, retournée. Derrière elle, le chemin en lacets n'offrait que sa verdure et son sol de terre battue. Rien, en effet, qui ne puisse troubler leur promenade.

- Qu'as-tu ? demanda Camille

- Je ne sais pas...je ne peux l'expliquer, mais j'ai une curieuse impression...comme un danger...

Camille se voulant rassurante :

- Et dire, que c'était moi qui m'inquiétais ! Je ne vois rien...si, cet homme là-bas qui photographie le paysage.

- Mais, il était assis sur les trois marches de bois qui descendent à la plage lorsque nous sommes arrivées !!

- Et alors, Maman, je ne vois pas où est le problème ? Nous ne sommes pas les seules à emprunter le même itinéraire !

- Ecoute, suggéra Héloïse, nous allons accélérer le pas et si nous ne le retrouvons pas juste derrière nous, c'est que je me serai fait des idées.

D'un pas nerveux, elles arrivèrent au fameux tronc marcotté qui annonçait l'entrée de la villa. Lorsqu'elles se retournèrent enfin, l'homme s'était rapproché et regardait droit devant lui, vers elles.

Sans se concerter, les deux femmes comprirent, et, d'un seul élan, se mirent à courir à toutes jambes. Quelques mètres encore et elles dévalèrent le grand escalier creusé à même la roche pour se retrouver sur un petit pont de bois. En bas, une minuscule plage qui devait être privée semblait inaccessible.

- Il nous faut sauter, Maman, c'est notre seule chance !

- Mais... c'est bien trop haut !

- Pas tant que cela, et le sable amortira notre chute, vite !

Héloïse n'hésita plus, suivie de Camille, elle sauta à pieds joints sur le lit de sable en ayant bien soin de plier les genoux. A part une frayeur dans le creux de l'estomac, aucune blessure, et sa fille atterrit, elle aussi, sans aucun bobo.

Elles s'accroupirent sous le pont et restèrent ainsi parfaitement immobiles.

A peine quelques secondes plus tard, elles entendirent le pas de leur poursuivant se rapprocher. Il passa en trombe, juste au-dessus d'elles, sans ralentir sa course, et, à leur grand soulagement, le bruit de ses chaussures se fit de plus en plus lointain.

Elles n'étaient pas hors de danger pour autant, il pouvait à tout moment réaliser qu'il avait été berné et rebrousser chemin. En effet, il n'y avait guère d'endroits où se dissimuler, et lorsqu'on atteignait la plage du Platin, le chemin qui surplombait l'océan se trouvait à découvert. La visibilité était très bonne et ceux qui s'y promenaient étaient parfaitement identifiables, même de très loin.

Camille avait partagé ses craintes avec sa mère, qui lui rappela que deux rues rejoignaient la piste cyclable menant à la ville, donc, que l'individu les emprunterait peut-être. Dans le doute, elles décidèrent de remonter et de retourner d'où elles étaient venues. De plus, la marée montait. Les vagues commençaient à perdre leur douceur. Bientôt, elles envahiraient le carré blond protecteur.

Elles s'apprêtaient à gravir les rochers, lorsqu'un visage menaçant se pencha au-dessus de la rambarde du pont :

- Ah ! Les petites malignes ! Je savais bien que vous n'étiez plus devant moi ! Allez, remontez vite-fait, où je descends vous chercher !

- Mais qui êtes-vous ? Que nous voulez-vous à la fin ? s'écria Héloïse.

- Monsieur Briand aimerait vous parler, mesdames !

Les deux femmes se concertèrent du regard, puis Camille, la téméraire, prit sa mère par la main et s'avança vers l'eau qui commençait à gronder.

L'homme, qui avait, bien sûr, deviné leurs intentions leur cria :

- Vous croyez que vous allez vous en tirer comme ça ! Si vous n'affrontez-pas Victor, la mer vous avalera !

Courageuses, Camille et Héloïse s'avancèrent dans les flots. Héloïse était terrifiée. Elle savait nager, mais peu entraînée, quelques brasses suffiraient à la fatiguer. Elle savait, qu'au contraire de Camille, elle ne tiendrait pas longtemps. De plus, elle ne supportait pas que son visage soit complètement immergé.

L'eau leur arrivait, à présent, aux aisselles. D'un commun accord, elles se mirent à nager. Camille qui savait sa mère peu hardie dans cet élément lui lança :

- Eloignons-nous juste un peu du rivage et puis laissons-nous entraîner par le courant. Normalement, il nous emmènera vers la plage de la ville. En effet, les vagues les poussaient du bon côté, mais il fallait veiller à ne pas se laisser dériver vers les rochers, elles risqueraient de se fracasser contre eux.

Là-bas, l'espoir ! La petite plage se dessinait peu à peu, mais contrairement à leurs calculs, le courant les entraînait à présent vers le large. Camille s'apercevait bien que sa mère commençait à sérieusement s'affaiblir.

- Faisons la planche, cela économisera nos forces !

Héloïse suivit son conseil, c'était une question de survie. Pour elle, c'était la terreur totale, mais il ne fallait surtout pas paniquer, sinon tout était perdu.

Mais il était écrit que leur dernière heure n'était pas encore arrivée. A quelques mètres de là, un petit bateau de pêche apparût soudain dans leur champ de vision et l'homme qui le gouvernait les repéra très vite. Il était temps !

Il leur jeta immédiatement une bouée accrochée à la coque par un filin.

- Je ne peux vous remonter ici, je vous remorque jusqu'à la plage, tenez-bon !


Une fois saines et sauves et en sécurité, elles purent enfin donner l'alerte.

Elles apprirent ainsi que le sieur Briand, grâce à la complicité de gardiens soudoyés, s'était échappé et avait entraîné avec lui son compagnon de cellule.  On l'avait heureusement vite repris, et l'autre homme, celui qui avait poursuivi Camille et Héloïse, également, dans la foulée. Et cette fois, ce serait l'isolement complet pour Briand dit "Igor Le Grand". Et avec tous ces crimes, à son actif, ce dernier ne sortirait probablement jamais.


Cette fois, c'était bel et bien fini, Camille et Héloïse allaient enfin retrouver leur sérénité et couler les jours heureux qu'elles méritaient bien après tant de péripéties !!


                                            F I N


Il n'y a vraiment que dans les films d'aventure que des histoires pareilles se vivent ! Merci d'avoir eu la patience de me lire !

  • Poignant, l'histoire nous tiens en haleine !

    · Il y a environ 7 ans ·
    14518257 183692295399174 2042325782 n

    ere

    • Merci beaucoup ere !

      · Il y a environ 7 ans ·
      Louve blanche

      Louve

  • Bravo !

    · Il y a environ 7 ans ·
    Cavalier

    menestrel75

    • Vraiment, vous avez apprécié ? Merci beaucoup ménestrel ça me touche !

      · Il y a environ 7 ans ·
      Louve blanche

      Louve

  • Avec plaisir! J'ai eu peur que ça se finisse mal!...

    · Il y a environ 7 ans ·
    Poup%c3%a9e des survivantes

    Natacha Karl

    • Tout est bien qui finit bien ! Merci beaucoup Natacha !

      · Il y a environ 7 ans ·
      Louve blanche

      Louve

    • Oh quel joli avatar !

      · Il y a environ 7 ans ·
      Louve blanche

      Louve

    • Merci Louve; c'est une peinture de Christian Schloe. J'ai toujours rêvé d'avoir les cheveux bleus!
      Sinon pour un prochain roman, je te verrai bien écrire un roman d'amour, un soupçon d'érotisme comme tu sais faire dans tes poèmes... En tous cas bravo pour cette histoire où tu as su ménager le suspense!
      Répondre · Supprimer · Il y a moins d'une minute ·

      · Il y a environ 7 ans ·
      Poup%c3%a9e des survivantes

      Natacha Karl

    • Je vais y réléchir alors mais il ne faut pas que ce soit à "l'eau de rose" surtout, mais pourquoi pas, merci du conseil Natacha. Très beau tableau, en plus j'adore le bleu ! Je vais visionner ses peintures.

      · Il y a environ 7 ans ·
      Louve blanche

      Louve

  • Oh mais non ! ne dit-on pas que la réalité dépasse parfois la fiction ! En tous cas tu as mené ton polar avec grand brio sans temps mort et je me suis délectée ! juste deux erreurs dans le premier dialogue "- je l'ai aperçu près du" et beaucoup plus loin "c'est que je me serai fait des idées" voilà c'est tout !! merciii pour cette lecture haletante et palpitante, envoûtante, émouvante, intéressante, pertinente et j'en passe ! CHAPEAU A RAS DE TERRE Louve !! gros bisous et douce journée loin des endroits glacés et à bientôt !! et encore BRAVOOOO !!

    · Il y a plus de 7 ans ·
    Epo avatar

    Christine Millot Conte

    • Fautes corrigées. La première faute de frappe, ça n'en fait qu'une, je triche, tu trouves ? En tous les cas, un grand merci à toi ! Douce fin de journée si froide, mais si belle !
      Ps : J'ai horreur d'avoir la tête sous l'eau, je panique. Cela dit, en vacances - avec ma belle-soeur - j'ai été littéralement retournée par une vague, et là, bizarrement, je ne me suis pas affolée. J'ai pourtant bu la tasse, et dans ces cas là je m'étrangle et l'eau de mer me pique les yeux. Et, bien là, rien de tout cela ! En fait, j'avais une présence à mes côtés, sinon, je m'enfuis au premier rouleau et je sais pourtant nager. On a bien ri, en attendant ! C'est même devenu un jeu pour nous deux ! Comme ça fait du bien de retomber en enfance !

      · Il y a plus de 7 ans ·
      Louve blanche

      Louve

  • Tu as mené ce roman de main de maître Martine, en me tenant en haleine jusqu'au bout... Bravo et merci pour ce partage et ton talent d'écriture ! Bisous

    · Il y a plus de 7 ans ·
    Version 4

    nilo

    • C'est moi qui te remercie, nilo ! Bises !

      · Il y a plus de 7 ans ·
      Louve blanche

      Louve

  • Je persiste à penser que c'est publiable :)

    · Il y a plus de 7 ans ·
    Coquelicots

    Sy Lou

    • <3

      · Il y a plus de 7 ans ·
      Louve blanche

      Louve

  • C'était plutôt de l'impatience à te lire plutôt que de la patience !!!! :)
    Quel magnifique roman tu nous as présenté là ! Pourquoi ne pas envisager de le publier ? Tous les ingrédients d'une réussite sont là ! C'est moi (et je pense pouvoir m'avancer en disant "C'est nous") qui te remercions pour ce que tu viens de nous offrir. Chaque jour, j'étais dans l'attente du prochain épisode, un but dans la journée... Merci encore !! Grosses bises, ma Louve !!

    · Il y a plus de 7 ans ·
    Coquelicots

    Sy Lou

    • Oh ! Non, Sy Lou, ce n'est pas publiable, c'est juste une petite histoire. Mais merci à toi, et tant mieux si elle t'a plu ! Et toi, continues à écrire parce que tu écris vraiment bien ! Des tonnes de bises !

      · Il y a plus de 7 ans ·
      Louve blanche

      Louve

    • Merci pour tes encouragements car en ce moment, je trouve nul tout ce que j'écris. A bientôt de te lire :) Des tonnes de bises pour toi aussi !

      · Il y a plus de 7 ans ·
      Coquelicots

      Sy Lou

    • Mais non, pas du tout, je t'assure ! C'est bizarre, on ressent la même chose.
      En plus, quand je lis tes commentaires à l'encontre d'auteurs, je ne serais pas capable d'en faire autant ! C'est adorable, chaleureux ! Bises !

      · Il y a plus de 7 ans ·
      Louve blanche

      Louve

    • Je crois que nous avons des points communs. A commencer par ce pseudo que je m'étais choisi et qui s'est révélé déjà "occupé" quand j'ai voulu m'inscrire sur ce site... C'est toi qui es adorable et moi qui ai de la chance de te connaître. Merci ! Bises poussées par le vent

      · Il y a plus de 7 ans ·
      Coquelicots

      Sy Lou

    • Ah bon, ton pseudo était Louve ? Bises poussées par le vent...quelle jolie expression ! J'en garde un peu et je t'en renvoie certaines !

      · Il y a plus de 7 ans ·
      Louve blanche

      Louve

    • Exactement Lou. Mais je n'ai pas voulu le maintenir pour ne pas te donner l'impression d'empiéter sur ton territoire. Et puis, ton avatar était si en accord avec ton pseudo ! Quel rapport entre des coquelicots et un Lou ? Pas cohérent tout cela... Donc, j'ai détourné le problème et adopté un autre pseudo.

      · Il y a plus de 7 ans ·
      Coquelicots

      Sy Lou

    • Ah ! Mais je suis une louve partageuse, je ris ! aucun problème ! Il y a d'autres loups sur le site, exemple : Lou gree.

      · Il y a environ 7 ans ·
      Louve blanche

      Louve

    • Je ne doute pas que tu sois partageuse, Louve. Le contraire m'aurait étonnée :)
      J'avais effectivement trouvé cet autre loup. Mais (orgueil ?), il fallait que je me différencie. :)

      · Il y a environ 7 ans ·
      Coquelicots

      Sy Lou

    • Non, c'est normal, on est tous différents !

      · Il y a environ 7 ans ·
      Louve blanche

      Louve

    • Ta réponse est sage. Merci :)

      · Il y a environ 7 ans ·
      Coquelicots

      Sy Lou

    • <3

      · Il y a environ 7 ans ·
      Louve blanche

      Louve

Signaler ce texte