Disparue (8)

Avant de reprendre la route, Héloïse décida alors de marcher un peu afin de reprendre ses esprits. Elle prit la première rue qui menait à la mer. Elle regarda à peine ces hautes maisons du siècle passé qu'elle avait pourtant tant de fois admiré avec Camille. Ses pas la menèrent ainsi jusqu'au pont du diable. C'était, en fait, une avancée de rochers dans la mer, qui pouvait faire penser à la construction d'un pont, qui avait été stoppée pour une raison inconnue. Mais il existait, à ce sujet, une très jolie légende :

Un jour, un pêcheur se trouva pris dans une terrible tempête. A tous moments, son bateau risquait de se fracasser sur les rochers. Désespéré, il implorait les cieux ! Alors, le diable lui apparût : - Si tu me donnes ton âme, je te construis un pont et tu pourras ainsi regagner la rive, sain et sauf. L'homme en péril n'hésita pas une seule seconde, et c'est ainsi que le pont fut construit et le pêcheur sauvé.

L'océan façonne ses rivages, au fil du temps, selon son bon vouloir et l'imagination des indigènes fait le reste.

Mais Eloïse ne voulut pas trop s'attarder en ce lieu pourtant magnifique. Elle allait reprendre le volant lorsque son portable sonna :

-Allo ! ...Madame Fontaine ! Je suis le commissaire Clément, je vous appelle au sujet de la disparition de votre fille !

Le cœur d'Héloïse se mit à battre la chamade :

-Vous avez du nouveau ?

-Disons que l'enquête a peut-être fait un pas.  Nous avons visité l'appartement de votre fille et avons relevé des empreintes. Il se trouve que certaines appartiennent à un homme bien connu de nos services : Victor Briand, dit "Igor Le grand", un bandit notoire. Il tient une boîte de nuit dans la banlieue de Bordeaux.

Héloïse eût l'impression que ses membres se liquéfiaient peu à peu. La bouche sèche, elle réussit à balbutier :

- Vous l'avez arrêté?

-Eh, là ! Ce serait trop simple. Bien sûr,  nous le surveillons depuis longtemps mais nous n'avons jamais réussi à le coincer. A part quelques uns de ses sbires pour des problèmes liés à la drogue, mais qui, incarcérés, étaient vite relâchés ; vous savez, ils ont de bons avocats ces gars là ! L'on pense - c'est même certain - que ce Victor peut être mêlé à d'autres trafics...

-Mais enfin que peut-on faire ? réagit Eloïse.

-On va, bien sûr, aller interroger l'individu en question, mais rien n'interdit à ce dernier d'avoir des contacts avec qui que ce soit, et de toute façon, il peut nous raconter n'importe quelle salade !

-En attendant, ma fille est peut-être entre ses sales pattes, prisonnière quelque part !

-Nous allons le surveiller, je vous assure, mais cela peut prendre du temps, soyez courageuse, Madame !

-Ecoutez, Monsieur le commissaire, je suis actuellement dans la région de Bordeaux, plus exactement à St-Palais, où je recherchais d'éventuels renseignements dans cette petite ville où ma fille a passé plusieurs années avant de revenir en Ile de France....Je pourrais peut-être me rendre à Bordeaux glaner quelques informations, vous ne croyez-pas ?

-Alors ça, Madame, je vous l'interdis, c'est trop dangereux ! Laissez-nous faire notre travail, s'il vous plaît ! D'ailleurs, je vous attends à mon bureau dès demain matin au plus tôt !

-Bien, Monsieur le commissaire...mais, je ne reprendrais la route que demain matin...trop fatiguée...mais je peux être au commissariat dans la soirée.

Après avoir raccroché, Héloïse resta comme hébétée suite à cette révélation. Elle s'efforçait de comprendre comment Camille avait pu faire la connaissance de cet individu si peu reluisant. Elle se rappela une petite phrase de son interlocuteur : "il peut être mêlé à d'autres trafics..." Que sous-entendait-il ? Un frisson d'appréhension courut le long de son échine à cette seule pensée...

Après avoir loué une chambre pour la nuit à St-Palais, elle envisagea bien de partir le lendemain matin, comme convenu, mais avant elle était bien décidée à faire un tour à Bordeaux, juste pour voir les lieux. Ce serait vite fait et le commissaire n'en saurait rien. Elle avait bien compris que ce dernier lui avait fixé rendez-vous pour être certain qu'elle n'irait pas "fouiner" où il ne fallait pas...