... Une histoire sans fin...

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(Délire)



Le petit renard polaire aux yeux azur s'assit docilement. A ses côtés, la lionne lapait délicatement sa fourrure cuivrée, tout en parlant par intermittence, en fonction de ses coups de langue.

 

-          Oui, vois-tu, c'est ainsi que je fonctionne, déclara-t-elle sans émotion

-          Je vois. Mais à quoi cela te sert, d'ôter l'espoir aux autres ? demanda timidement le renard polaire

-          Je ne saurais te l'expliquer, petit. Mais j'aime quand ils y croient et que soudain, le sol de dérobe sous leurs pattes… doucement les voir chuter, c'est quelque chose dont je ne me lasse jamais !

 

Le petit renard plissa les yeux face au soleil couleur émeraude. Ses yeux semblaient presque fluorescents, d'un bleu féerique, presque irréel. Sous un baobab glacé et nappé de givre, les deux animaux continuaient de discuter. Personne ne saurait dire comment il s'étaient rencontrés, il est vrai. Mais à présent, une drôle de discussion était entamée.

 

-          L'autre jour, un perroquet en noir et blanc est venu se percher au-dessus de moi. Il répétait les mêmes phrases en boucle, un vrai boulet. Ses soucis, ses problèmes, en une boucle infinie. Je l'ai consciencieusement écouté. Sa femme perdue en migration, ses œufs dévorés, le climat qui évolue. J'ai commencé à raviver l'espoir en lui, en parlant d'un avenir qui serait plus gai, et puis, sa femme était peut-être perdue, mais pas morte, tu comprends ? Il a reprit des couleurs, ses plumes se sont doucement ravivées de teintes chatoyantes.

-          C'était gentil de votre part.

-     Oui, ça l'était. Il est descendu de sa branche, s'est approché de moi. Et là, j'ai avalé son espoir tout entier, quel bien cela me fait, si tu savais. Sous mes pattes, de larges plumes turquoises. Comme celles de sa femme.

-          Non… voulez-vous dire par là que vous aviez mangé sa femme ?

-          Exactement.

-          Comment le perroquet a réagi ?

-      A ton avis ? Il s'est effondré. Je n'ai plus eu qu'à le croquer, lui aussi. Ses œufs avaient été un apéritif particulier, par ailleurs.

-          Je n'y comprends rien.

-       Tu es trop naïf, petit. Tu auras beau chercher, tu ne comprendras jamais, je le crains. Oublie ce que je viens de te dire, ça ne te sera d'aucune utilité de toutes les manières.

 

Le petit renard se releva. Il alla se coucher à l'ombre de l'imposant arbre gelé. Un soleil torride s'était levé ce jour-là et nappait la plaine de sa sueur électrique.

 

-          Et toi ? demanda la lionne

-          Moi quoi ?

-          Qu'espère-tu ?

-          Je ne dirai rien.

-          Tu as peur que je me délecte de tes espoirs ?

-          Oui. Je vous ai écoutée, et je ne dirai mot.

-          Très bien. C'est ton choix.

-          Merci. Je ne vais plus tarder, il faut que je rentre chez moi.

-          Où habite-tu ?

-          Au Nord.

-          Je vois. Tu n'es donc pas au courant ?

-          Au courant de quoi ?

-       Il n'y a plus rien au Nord. Le soleil a tout brûlé. Pourquoi serais-tu venu dans la savane sinon ?

-          …Comment savez-vous ?

-          Je sais tout, petit.

-          Qu'importe, je trouverai où m'installer. Le changement ne me fait pas peur.

-          Je te crois.

 

Doucement, les yeux vifs du petit renard perdirent de leur éclat. Ils se firent plus sombres, bientôt totalement noirs. Sa fourrure se hérissa. Du coin de l'œil, la lionne l'observait tranquillement, lapant sa fourrure qui étincelait de plus en plus, à mesure que les yeux du renard noircissaient. Bientôt, elle ne fut plus qu'or pur, se leva et s'en alla d'un pas lent vers les steppes aux alentours.

 

Le petit renard ferma plusieurs fois les yeux, persuadé d'avoir rêvé, disons, persuadé d'avoir raté quelque chose. Le monde lui paru plus sombre, soudain. La lionne venait de lui voler son âme, sa lumière, son éclat. Mais le renard n'avait pas peur. Il savait sa force. Cette différence qu'il avait toujours eue, et qui lui avait causé bien du tort...

 

Au loin, bientôt, le cuivre devint or qui devint flamme et la lionne fut immolée. Le petit renard l'observa mourir, silencieux, à l'ombre du baobab congelé.

 

Il savait désormais comment faire, comment agir, et quelle serait sa vie. Ses yeux enfin voyaient clair dans ce monde à l'envers, et les couleurs avaient changé. Ses yeux enfin distinguaient tout. La lionne l'avait volé, à ses dépens cela l'avait conduite à sa perte.

C'est ainsi que le petit animal grimpa à l'arbre et s'endormit sur une branche plus solide que les autres, loin d'éventuels prédateurs - chauds ou froids. Il sombra dans un sommeil gorgé de rêves, où les sirènes du lac voisin se noyaient, où le perroquet retrouvait sa promise égarée, sans parler des tournesols qui craquaient sous le coup du froid et s'écrasaient contre le sol, comme dans ce champ qu'il avait traversé pour gagner la savane aux températures contradictoires. Il manqua d'ailleurs souvent de tomber de sa branche à plusieurs reprises, puis glissa dans un léger coma sans cauchemars ni mauvais rêves…

 

Il savait, désormais. Le don lui avait été offert. Peut-être bien qu'il s'en servirait à l'avenir, telle la lionne qui l'avait volé, ce qui l'avait conduit à sa perte.

La lionne avait cru le voler, oui, sans nul doute. Mais elle avait tout perdu en s'appropriant sa flamme, son aura, ces lueurs en ses yeux. Elle ignorait que cela serait nocif et délétère.

Lui était libéré désormais. Il pourrait voir... voir vraiment, sans cet éclat qui faussait tout.


Au final, c'était sans doute mieux comme ça...


  • Quel conte, joli et cruel à la fois ! Mais le petit renard blanc qui a perdu sa belle couleur grimpe aux arbres à présent... peut-être est-il devenu le petit panda roux, qui ressemble, à s'y m'éprendre... à un renard.

    · Il y a environ 7 ans ·
    Louve blanche

    Louve

  • ah bah zut
    la suite

    · Il y a environ 7 ans ·
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    Hi Wen

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