Droit de réponse à ma maman

Dominique Capo

Encore une fois, ma maman...

Si je me permets, aujourd'hui, de compléter mes textes précédents concernant les relations difficiles que j'entretiens depuis un certain temps avec ma famille, c'est pour faire suite au commentaire de ma maman de ce matin. En effet, elle a rédigé une petite phrase au bas de mon dernier récit évoquant ce sujet.

Je cite : « Comment pouvez-vous me juger sans me connaître si ce n'est par les écrits de mon fils ??? ».

Ma maman a tout à fait raison. J'abonde entièrement dans son sens vis-à-vis de ce propos. Et je l'entérine. Je le souligne mille fois, dix-milles fois, davantage si nécessaire. Je ne peux qu'approuver et qu'applaudir cette phrase pleine de justesse et de bon sens.

Qui de nous ne possède pas autant de qualités que de défauts, de forces autant que de faiblesses, de victoires autant que de défaites, de bon cotés comme de mauvais cotés de sa personnalités ? Qui n'a pas fauté, qui n'a jamais été à la hauteur, qui ne s'est jamais trompé ? C'est autant vrai pour ma mère, que pour moi, ou pour n'importe qui d'entre nous. Nul n'est parfait et ne le sera jamais. Croire cela est une illusion.

Moi-même, je ne suis pas dénué d'aspects sombres, d'erreurs. J'ai fait des bêtises, je continue d'en faire régulièrement. Je n'ai pas à en rougir. Je n'ai pas honte de l'avouer, de le dévoiler au grand jour lorsque cela advient. Jadis, j'ai été très dépensier. J'ai dilapidé des milliers d'euros en pure perte. J'ai accumulé des crédits qui ont failli me conduire au surendettement auprès de la banque de France. Aujourd'hui, je ne sors pratiquement jamais de chez moi, sauf lorsque c'est vraiment nécessaire ; que je n'ai pas le choix. Comme je l'ai expliqué dernièrement, je ne me joins presque jamais aux conversations lorsque je suis en famille. J'ai quelques kilos en trop et je devrai faire plus attention à ma nourriture pour que ma santé, déjà fragile, soit plus saine.

Tout cela est vrai, mille fois vrai. Ma mère, quant à elle, n'a pas que des défauts, loin de là. Ma grand-mère non plus, ma sœur non plus. Ce serait un mensonge d'affirmer de tels propos. Chacun fait ce qu'il peut avec les moyens qu'il a, en fonction de sa personnalité, de son parcours, de son éducation, des épreuves qu'il a remporté – ou pas. En fonction aussi de ses valeurs, de sa culture, de sa nationalité, et bien d'autres aspects encore. Tout cela est vrai.

Je ne suis pas l'homme le plus malheureux du monde. Je me sens contraint de le répéter régulièrement afin que ce soit bien compris. J'ai un niveau de vie décent. J'habite un appartement agréable. Mon handicap, s'il est difficile à endurer parfois à cause des crises de convulsions épisodiques qui se manifestent, m'autorise à être indépendant et autonome. La sclérose en plaques de la personne de ma famille dont j'ai la charge, si elle est lourde à porter, avec du temps et des efforts, j'ai réussi à l'accepter et à m'organiser pour qu'elle soit la plus facile à gérer possible. Parfois certes, il y a des épisodes exténuants, stressants, sources d'angoisse et de peur. Je suis conscient qu'à long terme, l'état de santé de cette personne ne peut que se dégrader. Et il y a de fortes probabilités qu'elle finisse son existence dans un fauteuil roulant. Je m'y prépare. Pas un jour ne s'écoule sans que j'en sois conscient et que je m'en inquiète.

De son coté, ma maman, comme ma sœur et ma grand-mère du reste, n'ont pas eu une vie des plus faciles. Je le sais parce que j'ai moi-même vécu à leurs cotés tous ces épisodes déflagrateurs. D'une façon ou d'une autre, j'y ai assisté, et je les ai moi aussi enduré : la mort de mon petit frère Aymeric, et la souffrance extrême qui en a résulté. Les déchirements intra-familiaux qui ont parsemé le parcours de notre famille depuis près de cinquante ans maintenant. Le fait d'avoir un enfant handicapé – moi – compliquant davantage encore les relations des uns avec les autres. Les rapports de soumission-domination à tous les niveaux de l'échelle familiale. Les soucis d'argent parce que mon père, en bon pied-noir qui se respectait, avait la mainmise pleine et entière sur les revenus du ménage. La découverte accidentelle en 2004, que celui-ci a toujours été un homosexuel refoulé et qu'il a mené durant quarante ans une double-vie. Cette mise au jour a fait exploser l'ensemble de la cellule familiale, et ma maman en a été la première a en être blessé au plus profond de son âme et de son cœur.

Tout cela, je le répète, je l'ai moi-même vécu et subi aux cotés de ma maman, de ma grand-mère, de ma sœur. Et ce ne sont que quelques exemples très brièvement rédigés ici. Vous n'imaginez pas les dévastations que l'ensemble de ces événements ont entraîné chez les uns et chez les autres. Je ne parle même pas de ceux que chacun, de son coté, a enduré en parallèle.

Chacun réagit à ce genre de situation en fonction de la personne qu'il est. En fonction de son caractère, de ses forces et de ses faiblesses, de ses failles, de ses blessures, de ses valeurs, de ce en quoi il croit, de son parcours, des gens qu'il ou elle a croisé sur sa route. Chacun, dans chaque famille, est confronté a des événements éprouvants, marquants, traumatisants, etc. C'est la vie. Et la vie n'est pas « un long fleuve tranquille ». Ce n'est pas une question de personnalité, de capacité à encaisser les coups qu'elle nous inflige. Bien portant, malade, âgé, jeune, riche, pauvre, à ce niveau-là, nous sommes tous logés à la même enseigne.

C'est le principal enseignement que je retire de ce que j'ai vécu tout le long de mon existence. Et celle-ci – je l'espère du moins – est loin d'être terminée. J'espère que j'ai encore quelques dizaines d'années devant moi.

Le second enseignement que j'en retire, et qui est, à mes yeux, tout aussi essentiel que le précédent, c'est que ce n'est pas en taisant, en cachant, en mettant des non-dits, qu'en transformant en tabous ce qui est le plus douloureux, le plus dur, que ça va les faire disparaître. Ça ne va pas nous permettre de les surmonter, de les oublier, ou d'en guérir – si c'est un minimum faisable ; ce qui est, là encore, une utopie. J'ai assez vécu entouré de mensonge durant mon enfance ; mon adolescence, et la première partie de ma vie d'adulte, pour avoir appris cette leçon. J'ai assez vécu entouré de tabous, de non-dits, de soumissions-dominations, etc. pour avoir réalisé qu'il n'y a rien de plus terrible, de plus destructeur au sein d'une famille.

C'est pour cette raison que, dans un sens, je comprends ma maman lorsqu'elle dit « Comment pouvez-vous me juger sur les seuls écrits de mon fils ? ». C'est pour cela que je la comprends quand elle répète à l'envi qu'elle ne souhaite qu'une seule chose : sa tranquillité, son calme, son petit quotidien que nul ne vient perturber, ébranler, bousculer. Qui n'est pas en quête de ça ? En permanence ? Quoiqu'il advienne ? Qui n'a pas le désir d'être entouré de gens qui ne sont pas des obstacles à cet idéal ? Qui ne souhaite pas partager le meilleur avec ceux et celles qu'on aime ? Qui ne souhaite pas qu'on ait la meilleure image de vous possible ? C'est légitime, naturel.

Sauf que dans la vraie vie, cet idéal n'existe pas. Ce n'est pas une question d'age, comme ma maman me l'exprime tel un leitmotiv ? D'ailleurs, plus elle met cet argument en avant, plus il perd de sa substance. Par ailleurs, ma maman m'a régulièrement expliqué qu'on ne pouvait pas se protéger de tous les aléas de la vie ; qu'il y avait toujours des impondérables qui venaient la perturber, qui venaient la remettre en question. Généralement, au moment où l'on s'y attendait le moins, et d'une façon totalement inattendue. Elle me le souligne toujours épisodiquement du reste.

Cependant, là où je ne la suis plus, c'est quand elle me demande d'appliquer des règles qu'elle ne s'impose pas à elle-même. Elle est fatiguée, a envie de calme et de tranquillité certes. Sauf qu'elle a toujours un chronomètre dans la tète parce qu'elle s'investit dans une myriade d'activités diverses et variées. Elle me reproche d'être stressé, sous pression quand je suis en sa présence, en présence de ma grand-mère. Mais elle fait en sorte que je le sois parce que je dois impérativement, dans l'instant, répondre à ses exigences, ou aux exigences de ma grand-mère en matière d'horaires. Il y a tout de même là quelque chose de contradictoire, vous en conviendrez. Elle sait que je suis fragile, que j'ai vécu les mêmes expériences traumatisantes, blessantes, chaotiques, qu'elle, plus d'autres auxquelles elle n'a pas assisté, mais elle estime que je dois me montrer fort, que je dois apprendre à les dépasser pour aller de l'avant. Elle sait que je suis hyper-sensible, que j'ai besoin d'écoute, que j'ai besoin d'attention, que j'ai besoin de compassion. Mais elle n'en montre aucune. Pire encore, elle me reproche selon son mot « mon moi je » pour susciter un minimum d'intérêt à mon égard de sa part.

Par contre, lorsque ma grand-mère ou ma sœur parlent d'elles ou des sujets qui le préoccupent, là il n'y a pas de « moi je ». Sauf que ma grand-mère tient les cordons de la bourse de sa maisonnée. C'est elle qui finance tout parce que ma maman n'en n'a malheureusement pas les moyens. Dès lors, elle se soumet à ses diktats du fait que ma grand-mère à 92 ans. Dès lors, elle la laisse monopoliser l'attention, les discussions pour ne pas la contrarier. Pour ne pas la bousculer ou la heurter. Une question de respect de l'âge qu'elle me rappelle. Alors que nous savons très bien elle et moi que là n'est pas le véritable enjeu. Le véritable enjeu est que sans la pension de retraite extrêmement confortable de ma grand-mère, sa vie matérielle serait beaucoup plus difficile.

Ce qui est insupportable à mes yeux c'est que, bien qu'ayant 92 ans et étant partiellement diminuée, pour ce genre de choses ma grand-mère est tout à fait lucide. Elle est parfaitement consciente que ma mère est enchainée à son autoritarisme par les cordons de la bourse. Elle est consciente que nul ne viendra remettre en cause sa prééminence – sauf moi quand je n'en peut plus et que je craque. Evidemment, dans ces instants, même si sur le fond ma maman est d'accord avec moi, elle me reprochera d'être intervenu pour lui dire que je me soumets, mais uniquement jusqu'à un certain point.

Ce qui est incroyable, c'est que ma maman et ma grand-mère mettent en avant leur âge, mais quand elles partent en voyage à l'autre bout du monde, là, leur âge n'est plus un obstacle. Quand ma maman s'adonne à ses activités au club hippique de ma sœur, ou aux associations auxquelles elle contribue dans son village, son âge n'est plus une difficulté. Quand ma grand-mère prend le volant alors qu'elle conduit sans faire attention aux véhicules qu'elle croise, parce que son grand plaisir est d'aller faire des courses au supermarché, elle n'y voit pas d'inconvénient. Et tant pis si celle-ci est un véritable danger public sur la route. Tant pis si ma grand-mère – et ma mère – n'ont aucune conscience du privilège qu'elle a de pouvoir vivre à peu près autonome, indépendante. Alors que bien des gens à son âge seraient envoyés en maison de retraite sans lui demander son avis. Et que ses proches n'iraient alors la voir qu'une fois « tous les trente-six du mois ». Ma mère, et ma grand-mère sont des privilégiées à ce propos. Mais c'est tout à fait normal, naturel. Et nul n'a à remettre en cause leur prééminence, leur sentiment de supériorité, leur autoritarisme outrancier.

Par contre, moi qui suis malade, handicapé, la personne ayant la sclérose en plaques qui vit avec moi, ayant davantage de soucis de santé qu'elle(s) est trop contraignant à supporter durant les quelques jours ou les quelques semaines où nous nous côtoyons du fait de leur « grand âge ». Il y a là un paradoxe dans leur discours et leurs actions que je ne m'explique pas...

Le fait est que ma grand-mère s'est toujours sentie supérieure aux autres. Sa réussite sociale est indéniable. Elle a été assistante de direction dans une multinationale de forage gazier, aqueux, et pétrolier, en Afrique Noire notamment. Mes grands-parents ont longtemps vécu au Sénégal dans le cadre de leurs fonctions. Ils ont beaucoup voyagé dans ces contrées, et à travers le monde par la suite. Quand ils ont vécu au Sénégal, leur maison était payée par leur société. Leurs frais étaient totalement pris en charge par celle-ci également. Leur demeure était entretenue par ce qu'ils nommaient alors par « Boy ». C'est à dire un serviteur noir qui entretenait leur maison, faisait les courses, etc. Ma mère a aussi baigné dans ce climat de fin de colonialisme jusqu'à ce qu'elle d'abord, puis mes grands-parents, rentrent en France à l'issue de la décolonisation de cette région du monde.

Toutefois, ma grand-mère, et ma mère dans une moindre mesure – mais de plus en plus depuis un certain temps – en ont gardé la nostalgie. Ça, ça peut se comprendre. C'était leur jeunesse, l'enfance de ma maman. Une jeunesse dorée, privilégiée, d'entre-soi, où elles côtoyaient la notabilité française locale. Mais, surtout, et c'est là source de frictions, c'est qu'elles en ont gardé les habitudes et les réflexes. Je dirais même que, plus les années s'écoulent – disons depuis une demi-douzaine d'années -, plus cet aspect de leur personnalité est criant. Il se reflète dans leur comportement avec leur entourage plus ou moins proche.

C'est d'autant plus vrai que le timbre de la voix de ma maman se modifie légèrement quand elle agit ainsi. Elle parle plus fort, avec davantage de sévérité ; voire de despotisme. Perce derrière la femme qui n'a aucun scrupule à donner des ordres à qui que ce soit, qu'il soit de notre famille ou non. Et qui ne tolère pas que l'on ne lui obéisse pas au doigt et l'œil dans l'instant. Ainsi, par exemple, ma maman laisse tomber sa serviette par mégarde quand on est en train de manger. Systématiquement, elle me demande de la lui ramasser. Quand je suis debout pour aller chercher quelque chose, elle me dit : « Ah, Dominique, puisque tu es debout, veux tu faire ceci ou cela. Veux tu aller me chercher ceci ou cela; ». C'est régulier. Elle voit en cette façon de procéder quelque chose de normal, de naturel, auquel chacun doit se soumettre sans rechigner.

Bien entendu, je lui obéis. Je suis toujours prêt à l'aider quand elle a besoin de moi. J'estime que c'est de mon devoir. De mème que pour ma grand-mère lorsqu'elle est dans cette situation. Ce qui n'est pas normal, par contre, c'est quand elle se comporte pareillement avec des gens extérieurs à notre famille. Ainsi, lorsqu'elle va au club hippique de ma sœur ou au club canin auxquels elle participe, elle prend un ton équivalent avec les personnes qu'elle y côtoie. Elle leur demande de tenir son sac pendant qu'elle sort les chiens. Comme ma sœur, elle invective les gens qui ne font pas « comme il faut » ; c'est à dire comme elle le veut. Depuis plusieurs années, ma mère – et ma grand-mère – s'est liée d'amitié avec une jeune homme d'une trentaine d'années qui habite quelques maisons plus que la sienne. C'est un individu très doux, gentil, serviable, amical. S'il ne vient pas la voir quatre à cinq fois dans la semaine, c'est que son emploi lui demande plus de temps que d'habitude. Sinon, il vient prendre le café le matin. Il vient prendre l'apéritif le soir. Presque quotidiennement. Il s'est attaché à elles autant qu'elles sont attaché à lui. Car il leur raconte ses déboires amoureux quand il en a, ses soucis avec son ex-femme, etc. Ce que, par ailleurs, ma grand-mère trouve très distrayant, amusant, et dont elle se moque dans son dos.

Mais, qui plus est, au fil du temps, ce jeune homme s'est transformé en leur homme à tout faire. Que ce soit dans son domaine d'activité qu'est l'électricité, comme dans des travaux de jardinage, de transport d'encombrants, etc., il se dévoue volontiers à tout ce qu'elles leur demande. Bien-sûr, elle contribue financièrement quand il s'agit de charges particulièrement pénibles. C'est normal là aussi du reste. Mais c'est devenu systématique, quel que soit l'objet de leur demande.

Je mentionne ce jeune homme. Mais il n'est pas le seul. Par le passé, ou même actuellement, d'autres sont mis à contribution. Ma mère donne les ordres, et les autres s'exécutent. Et il ne faut surtout pas que ce soit à un moment qui conviendra à la personnes concernée. Il faut que ce soit à ses conditions, quand ça l'arrange, quand, elle, est disponible.

Qu'en est-il de moi, qui demeure le seul homme de la fratrie ; et donc le symbole de cette masculinité incarnée par mon père, et qui les ont tant fait souffrir. Sur lequel tant de mensonges, de non-dits, de tabous, se sont forgés au fil des décennies. Forcément, consciemment ou inconsciemment – je ne le sais pas et je ne le saurais peut-être jamais -, elle me le font payer. Elles ne le peuvent pas sur mon père puisque ce dernier est mort il y a quelques années. Donc, c'est moi qui doit expier.

D'ailleurs, en écrivant ces mots, un fait vient de me sauter aux yeux. L'attitude de ma maman a réellement commencé à évolué dans ce sens à partir de son décès. Ce n'est peut-être pas anodin.

Quoiqu'il en soit, ma grand-mère a de beaux sourires devant les gens qui viennent rendre visite à ma mère chez elle. Elle leur offre volontiers le café, des petits gâteaux. Elle converse avec eux – des sujets où elle se trouve au premier plan évidemment. Elle est aimable, heureuse qu'on l'entoure, qu'on lui prête de l'attention. Pour les repas où il y a des invités, elle « met les petits plats dans les grands », prépare des festins pantagruéliques jusqu'à l'overdose. Jusqu'au ridicule. Alors que la plupart des convives préféreraient généralement un repas « à la bonne franquette », sans ostentation. Mais là encore, elle s'accapare, sans demander son avis à ma maman, les menus, les courses à acheter au supermarché, etc. Au point que nul, si ce n'est elle, n'a le droit de toucher au réfrigérateur. Au point que le plus souvent, des monceaux de nourriture se perdent parce qu'il ne faut surtout pas qu'il y ait des plats équivalents le midi et le soir, voire le ou les jours suivants.

Bien entendu, cette nourriture finit par se perdre. Elle oublie fréquemment qu'elle encombre le frigidaire qui plus est. Et si ce n'est pas les chiens – c'est nocif pour leur santé mais peu importe – qui l'en débarrassent, ça finit à la poubelle. Il fait vite faire de la place pour rapidement retourner effectuer des achats de nourriture au supermarché, comprenez-vous !!!

Et ma mère laisse faire parce que ma grand-mère tient les cordons de la bourse. Et que, parce qu'il faut respecter le fait qu'elle nourrit la maisonnée, qu'elle dépense sans compter pour aider ma mère dans son quotidien, cette dernière se soumet.

Et, par la mème occasion, quand je m'y rends, il m'est expressément ordonné – pas besoin de le verbaliser, c'est de notoriété publique depuis que je suis enfant – de ne pas interférer dans ce mode de fonctionnement. Tant pis si des obligations autres monopolisent mon attention – par exemple quand je suis en pleine rédaction de texte nécessitant concentration, attention, réflexion, investigations, un minimum de temps pour stopper mon écrit à un endroit où je pourrais le reprendre l'esprit tranquille ultérieurement -, je dois être présent, aux ordres de ma mère et de ma grand-mère, sur un claquement de doigts. Et bien-entendu, je ne dois pas rechigner.

Ce qui est important, c'est ce qui les préoccupe, c'est ce qui les intéresse, c'est leurs impératifs. Ceux des autres – et les miens en l'occurrence – sont négligeables. Ainsi, ma mère lis volontiers mes textes. Elle est la seule qui a lu, jusqu'à aujourd'hui, la version primitive des 175 pages déjà rédigées de mon ouvrage sur les origines idéologiques et ésotériques du Nazisme. J'ai oui dire qu'elle est fière et heureuse de l'investissement que j'y mets, du travail qui est le mien dans ce domaine. Par contre, elle n'en fera jamais mention dans les conversations du quotidien. Ni en présence des autres membres de ma famille, ni devant des amis ou des connaissances. Ma grand-mère n'a mème aucune conscience des efforts phénoménaux que je déploie chaque jour, en énergie, en investigations, en écrits, pour mener ce projet considérable à terme.

Ma sœur, n'en parlons mème pas. Pour ma sœur, si ce n'est son club équestre et tout ce qui tourne autour de ce thème, elle ne sait mème pas à quoi j'emploie mon temps. Quand elle est chez ma maman, avec son compagnon ou ses enfants, cette fois, c'est elle qui monopolise l'attention et les discussion – ainsi que son compagnon qui est éleveur de poulets de Loué. Je dois m'intéresser à ce qui est leur vie, à leurs soucis, à ce qui leur plaît, à leur vision de l'actualité, etc. Mais je n'ai pas à dévoiler mon opinion, à détailler des réflexions sur cette dernière, telles que je les développe dans des articles la concernant que je vous propose ici.

Pour ma sœur, parce que je passe mes journées derrière un ordinateur – à faire quoi, elle n'en sait rien, et après tout ce n'est pas son problème -, je me « tourne les pouces ». Pour elle, « je ferais mieux de me lever à l'aube, comme elle, pour entretenir son club équestre. Je ferais mieux de venir l'aider à nettoyer le fumier. Car ça, c'est un vrai travail. ».

Savez-vous que ma sœur n'est jamais venu me rendre visite à mon domicile dans la Manche depuis treize ans que j'y suis installé ? Par contre, partir régulièrement en vacances dans notre maison familiale du Doubs n'est pas un souci !!! Savez-vous que je ne suis pas retourné dans cette même maison du Doubs qui est si importante à mes yeux parce que c'est là que se situent mes racines, depuis la mort de mon grand-père maternel en 2007 ? Ma mère et ma grand-mère s'y rendent deux fois l'an environ. Mais comme il y a la cage pour les chiens qui prend tout le coffre de la voiture, moi, la personne de ma famille ayant la sclérose en plaques dont je m'occupe, et nos bagages, nous sommes trop volumineux pour qu'on puisse nous faire de la place !!! Il faudrait que cette personne ayant la sclérose en plaques ne pouvant se déplacer qu'à l'aide d'un déambulateur, et moi, prenions le train pour les y rejoindre.

Ce qui est évidemment impossible vu l'état de santé de cette personne. Comme ce n'est pas important que cette personne soit lente pour se laver, pour s'habiller, pour manger. Le plus important est que nous soyons à table à 12h00 ; pas 12h05 ou 12h02 le midi, ou à 19h15 et pas à 19h18 le soir. Parce qu'il faut absolument avoir fini de manger, avoir débarrassé les couverts, et être dans le salon à regarder le journal de 13h ou de 20h à temps. Alors, on bouscule cette personne malade sans état d'âme pour la presser. Et on ne l'attend pas pour faire défiler les plats, mème si elle n'a pas terminé son assiette. Tant pis, elle nous rejoindra au salon quand elle aura fini.

De mon coté, je suis son rythme, c'est évident. J'ai appris à aller plus lentement. Je l'attends entre chaque plat. Ce n'est mème pas une question qu'elle soit distraite parce que la télévision est allumée. Le moindre petit bruit, le moindre échange de parole, n'importe quoi, détourne son attention de son assiette. Ce manque d'attention chronique appartient pleinement aux symptômes de sa maladie ; elle ne peut le surmonter ou s'en défaire. Pire encore, lorsqu'on appuie sur les défaillances dont elle est victime malgré elle, c'est une source d'humiliation, de honte, de souffrance, pour elle. Elle se sent incapable, inutile, incompétente. Et ça, c'est quelque chose qui me blesse au plus haut point. Non pas pour moi, mais pour cette personne qui n'a pas demandée à être affligée d'une sclérose en plaques ; et des contraintes qui découlent de son état.

Mais ça, comme me le répète souvent ma mère « ce n'est pas mon problème. C'est toi qui vis avec. C'est à toi de t'en débrouiller. Le tout c'est que moi – ma maman – et ta grand-mère ne soyons pas incommodées par ses défaillances. ».

Par contre, dans ce même registre, ce qui est à spécifier, c'est que lorsque des invités impromptus sonnent à la porte de chez ma maman quelques minutes avant qu'il ne soit l'heure de manger, elle n'y voit pas d'inconvénient. Elle les accueille avec joie, leur offre l'apéritif, discute des sujets qu'ils ont à développer en commun. Elle prend son temps, mème si souvent ça agace ma grand-mère qui n'y est pas le centre de l'attention. Même si cette dernière montre des signes d'impatience parce qu'elle a faim et que ce dont discute ma mère avec ses invités l'ennuie. Mais il est vrai que comme sa cour n'a d'yeux que pour elle, que ce sont des activités où elle est parti prenante, ça ne lui pose aucun souci.

Ma grand-mère agit d'ailleurs exactement de la même façon quand elle même est celle qui mène les conversations. Cet horaire si primordial lorsque moi à la personne ayant la sclérose en plaques le bousculons de quelques minutes, n'est plus si vital. En fait, il n'y a parce que c'est moi ou cette personne, qui ne parvenons à tenir leur délais, que c'est un problème.

C'est autant vrai lorsque nous sommes plusieurs semaines en villégiature chez ma mère, que lorsqu'elle et ma grand-mère viennent nous rendre visite à mon domicile.

Car lorsqu'elles séjournent chez moi, là aussi, il faut suivre leur rythme de vie. Cette personne affublée d'une sclérose en plaques, moi, essayons tant bien que mal de répondre au chronomètre, quitte à nous épuiser physiquement et moralement. Il faut avouer que notre appartement est un pied à terre formidable. Il leur permet d'aller se promener dans les endroits qu'elles affectionnent particulièrement, comme Saint-Vaast la Hougue par exemple. Il leur permet d'acheter des produits régionaux qu'elles apprécient. J'avoue que je suis toujours très heureux de les accueillir. Ça me fait toujours plaisir de savoir qu'elles sont heureuses dans l'environnement qui m'est familier, mème si c'est loin d'être celui auquel elles sont habituées. A chaque fois, j'essaye de leur trouver des films qui les intéresseront, elles qui aiment les films d'action. J'essaye de leur faire découvrir des films inédits, qui n'ont pas encore été diffusés à la télévision. Maman, ça ne lui pose pas de difficultés. Mais une fois sur deux, ma grand-mère va se coucher au bout d'un quart d'heure ou d'une demi-heure parce qu'elle préférerait une série comme « les Experts », « Profilage », ou autre, dont elle a vu et revu les épisodes une bonne demi-douzaine de fois chacun. Or, comme elle ne s'en souvient pas, ça ne la dérange pas.

A chaque fois, j'en suis triste. Parce que j'y mets de la bonne volonté, de l'enthousiasme. A chaque fois, j'espère que ce sera différent. Mais non. Et j'en suis meurtri.

Par ailleurs, quand c'est l'heure de manger, on me dit d'arriver tout de suite. Je tente désespérément de trouver une coupure aisément récupérable par la suite. Mais plus on me presse, plus je perds de ma concentration, et plus ça me retarde. Ma maman me dit : « mais pourquoi, l'heure de déjeuner ou de dîner approchant, tu ne te prépare pas à stopper ton texte préventivement ? ». Sauf que quand j'écris, quand je suis aspiré par mon récit, je n'ai pas l'œil fixé sur l'horloge. Sinon, autant ne rien écrire du tout.

Or, quand on est écrivain, arrêter un article, une nouvelle, un texte, dans la précipitation, est le meilleur moyen de lui en faire perdre le fil. Non seulement cela, mais tout le travail exécuté les heures, les jours, les semaines, ou les mois précédents, peut s'en retrouver détruit. Car quand on écrit, il est vital de ne pas perdre le fil de ce qu'on inscrit sur le papier. Il est essentiel de ne pas perdre le fil de sa pensée. Il est important que le rythme qu'on lui insuffle ne soit pas perturbé.

Hélas, ma mère et ma grand-mère, non seulement ne comprennent pas cette contrainte. Mais elles ne tolèrent pas qu'elle les oblige à modifier légèrement leur tacon de fonctionner le temps où nous sommes ensemble. Je rajouterai d'ailleurs que je fais des efforts considérables quand je suis chez ma maman afin d'alléger mon travail. Je réduis au maximum ce sur quoi je me penche. Ce n'est cependant jamais suffisant. Et puis, évidemment, il y a les impondérables. Et ça, je ne le prévois pas. Mais elles ne le voient pas, ça ne les concerne pas.

Ma maman me dit aussi souvent que je ne me rends pas compte qu'elle et ma grand-mère font des efforts pour s'adapter à ma façon de fonctionner quand je suis chez elle. Qu'elle font des efforts vis-à-vis de la personne ayant la sclérose en plaques avec laquelle je vis. Je n'en doute pas. Je n'en n'ai jamais douté. Et je n'ai jamais remis leurs efforts en question. Je tiens à le souligner et à le surligner autant de fois qu'il sera nécessaire pour que ce soit assimilé. Chacun fait des efforts. Qui à affirmé le contraire ? Comment aurai-je l'outrecuidance, l'égocentrisme, de ne pas m'en rendre compte ? Ce serait présomptueux de ma part. Et pour ceux et celles qui me connaissent un tant soi-peu, ils savent que ce n'est pas dans ma nature. Je préférerai mille fois faire passer l'intérêt des gens que j'aime avant le mien. Je l'ai déjà fais à de nombreuses reprises, et je le referais volontiers si c'est nécessaire. Et sans en attendre de retour.

Sinon, je ne vivrai pas avec une personne atteinte de sclérose en plaques ; malgré toutes les difficultés au quotidien que cela implique. Sinon, je n'aurai pas été aux cotés de ma mère à chaque fois qu'elle a vécu une des épreuves que j'ai décrites au début de ce texte. Je n'en n'attends aucun remerciement. Je le fais parce que ce sont les membres de ma famille. Et qu'il est naturel que je sois présent quand ils ont besoin de moi. J'abandonnerai sur le champs toutes mes activités si c'est utile.

C'est pareil en ce qui concerne cette personne qui a la sclérose en plaques. Quand, il y a cinq ans, elle a été hospitalisée à la suite de la découverte de sa maladie. Chaque jour, pendant deux mois, j'ai consacré mes journées à être à ses cotés. Parallèlement, on m'a insulté, on m'a dit que je ne l'aimais pas, que si je n'étais pas handicapé, on me casserait la figure ; et bien d'autres choses encore. Je me suis battu de toutes mes forces pour qu'elle puisse avoir une vie à elle. Pour que la famille n'exerce pas son emprise sur elle afin de la soumettre à leur diktat ; souhaitant ainsi m'écarter comme un gêneur, un importun. J'ai été traumatisé au point d'en faire des crises d'angoisses ensuite pendant des mois. Dès que je me levais de mon lit le matin, j'étais tellement terrorisé par les menaces physiques qu'on avait proféré à mon encontre, que je courais aux toilettes pour vomir toute ma bile.

Ça s'est progressivement calmé, et heureusement. Mais pendant longtemps par la suite, au moindre petit incident, cette angoisse ressurgissait. Et ces vomissements reprenaient. Je n'arrivais pas à les contrôler, alors que ma maman ne comprenait pas comment et pourquoi je me mettais dans des états pareils. Alors qu'elle me disait qu'avec de la volonté, j'étais capable de le surmonter.

Tout ceci est loin, maintenant ; c'est heureux. Mais si ma maman et ma grand-mère sont vieilles et qu'elles aspirent à la paix, au calme, à la tranquillité, à la sérénité, que devrais-je dire ?

Ce n'est pas une question d'âge. Je ne leur demande pas de changer. Elles sont comme elles sont. Elles ont leur personnalité, leur vécu, tout ce qui a fait qu'elles sont construites ainsi. Je n'ai pas à les juger ou à les condamner pour cela. Jamais. Et je m'y emploierai jamais. Je sais trop bien par tout ce par quoi elles sont passé. J'en suis peut-être même trop conscient. Et c'est pour cette raison que je me tais la plupart du temps, alors qu'intérieurement je hurle de douleur, de désespoir, de tristesse, quand elles sont si autoritaires, si dénuées de compassion, si inattentives à ma détresse.

Quand ma maman me dis que « je rabâche », que « je la saoule avec mes états d'âme ». Quand je vois ma mère, ma grand-mère, et ma sœur prendre toute la place dans la maisonnée à mes dépends et aux dépends de cette personne qui a la sclérose en plaques. Quand je les laisse palabrer à longueur d'heures avec les gens autour de la tablée. Quand je me réfugie dans le bureau sur mon ordinateur, afin d'avoir des échanges avec des gens qui ont de la considération et du respect pour la personne que je suis réellement. Avec des gens qui sont heureux de discuter avec moi de ce que je partage au travers de mes textes et articles. Avec des gens qui louent ma curiosité intellectuelle, ma culture, et qui ne les voient pas comme quelque chose de tabou. Je me tais le plus souvent parce que je suis en permanence conscient des épreuves qu'elles ont vécu.

C'est difficile pour moi, à chaque fois, d'aborder le thème de ma famille. J'en souffre éminemment parce que je ne désire pas la stigmatiser. Je ne souhaite pas la montrer du doigt comme une famille indigne, qui m'abandonne sur le bord de la route du fait que je suis fragile, hyper-sensible. Ce n'est pas mon but, ce ne l'a jamais été, ce ne le sera jamais. Je ne souhaite pas, non plus, les voir changer – combien de fois devrai-je le répéter -, je suis conscient de l'âge que ma mère et ma grand-mère ont. Ça me fait du mal de devoir régulièrement revenir sur tout ça. Je préférerais que ce ne soit pas le cas. Je préférerais me plonger dans mes recherches sur le Nazisme, et avancer mon livre.

Dois-je me taire pour autant sur ce que j'endure – et la personne atteinte de la sclérose en plaques qui vis avec moi ? Dois-je éternellement subir tout ceci ? Ainsi que tout ce que je n'ai pas révélé dans ce récit ou les précédents ? Parce que j'en oublie en cours de route, ou qu'il me faudrait 400 ou 500 pages pour venir à bout de tout ce que j'aurai à dévoiler sur ce qu'a été, ce qu'est, ma vie personnelle ou familiale.

Je ne le pense pas, et je ne le veux pas. Autant pour moi, que pour cette personne atteinte de la sclérose en plaques, ou que chacun de membres de ma famille. Cette façon de fonctionner n'est pas saine. Elle est destructrice, dévastatrice. Les mensonges, les secrets, les non-dits qui ont parsemé mon existence, et celle de ma mère, démontrent bien cela. A vouloir cacher, à vouloir faire semblant, à vouloir montrer une image bien lisse, sans accrocs, ça finit par nous exploser à la figure. Ça a des effets dévastateurs au-delà de ce qu'on peut imaginer. L'épisode de mon père et de son homosexualité refoulée pendant quarante ans auraient dû le leur enseigner.

Moi, il m'a servi d'exemple à ne pas suivre. L'égoïsme de mon père, pour avoir une image correcte, respectable, honorable, le faisant briller aux yeux de tous, s'est trouvée réduite à néant du jour au lendemain. Et il nous a tous entraîné dans un puits sans fonds duquel nous ne sommes jamais véritablement sortis indemnes. Les événements antérieurs et ultérieurs y ont participé aussi. Pour ma part, il y a un Dominique d'avant, et un Dominique d'après. Celui d'avant était différent de celui d'aujourd'hui. Je l'accepte, je n'en n'ai pas honte, je n'en tire pas orgueil non plus. Mais je ne veux pas, je ne peux pas, taire tout cela. Ça fait parti de mon existence, avec ses bons et ses mauvais cotés, avec ses forces et ses faiblesses, avec ses victoires et ses défaites, avec ses fiertés et ses indignités.

Ce que me montrent ma mère et ma grand-mère aujourd'hui par leur comportement, ce n'est pas un exemple que je veux suivre. Le monde auquel elles se réfèrent est mort depuis longtemps. Le respect n'est pas synonyme de soumission. Le respect n'a rien à voir avec le pouvoir de l'argent. Ce sont des concepts d'un autre âge. Ce n'est pas en les imposant coûte que coûte pour avoir le sentiment d'exister aux yeux des autres, que ça les rendra plus réels. Ce n'est pas en dissimulant certains aspects de qui on est – et en obligeant ceux et celles qui n'entrent pas dans ces critères – que ça les effacera. Au contraire, ils n'en seront qu'exacerbés, et se déverseront par flots incontrôlables dès que l'occasion leur en est donnée. Avec les déflagrations inévitables qui s'ensuivent.

Ma mère et ma grand-mère ne réalisent pas – en sont-elles capables ? - que plus elles s'arc-bouteront sur leurs certitudes, sur le sentiments que ce qu'elles pensent, que ce qu'elles veulent, que ce qu'elles croient, sont des vérités inaliénables gravées dans le marbre, plus elles dévoilent d'elles ce qu'elles reprochent tant aux autres. Elles ne voient pas que les gens qu'elles côtoient ne sont pas dupes. Elles ne saisissent pas qu'elles n'ont pas besoin de briller, d'avoir l'impression de se sentir supérieures, de se montrer autoritaires et intransigeantes, pour qu'on les apprécie ou qu'on les aime. Elles ne se rendent pas compte que le respect n'est pas une question d'age ou de statut social, de profession ou de centre d'intérêt. Le plus humble des hommes – ou femme – a autant de valeur que celui ou celle qui est richissime. Que l'intellectuel a autant à apporter, à partager, à offrir, que l'individu qui travaille la terre de ses mains.

Je les aime, je les admire. Je suis heureux qu'elles soient ma mère et ma grand-mère. Et, quelle que soit la situation, jour comme nuit, elles me trouveront toujours à leurs cotés. Ces différends qui nous opposent ne sont rien comparé à ce qui nous lie. Le tout, c'est qu'elles prennent en compte mes spécificités, ma fragilité, mon hyper-sensibilité, et la façon dont je les exprime. Qui sont, forcément, totalement différentes de la façon dont, elles, les expriment.

J'espère de tout cœur que ce texte éclairera ma maman sur ce qui est muselé en moi depuis tant d'années. J'espère de tout cœur qu'elle adaptera légèrement son comportement, et qu'elle incitera ma grand-mère à en faire de mème, pour que nous puissions tous vivre en bonne harmonie lorsque nous sommes ensemble. Il ne faudrait pas grand-chose, sincèrement, pour cela. Vraiment…

Vœu pieux ?...








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