Du mythe au revenant

Christian Le Meur

Hitler, du mythe au revenant.


En lui attribuant la stature d'un mythe, les hommes ont définitivement inscrit Hitler et son œuvre macabre comme une référence dans la mémoire de l'humanité.

Brève définition du mythe : du Grec muthos, initialement ce mot signifiait histoire, parole. Suite aux récits d'Hérodote sur les guerres Médiques, ce mot finit par évoquer une notion de fiction.

Cette fiction étant en général une tentative de l'imaginaire pour donner une réponse acceptable aux grandes énigmes de la vie, attendu que très souvent ces mythes trouvent leur ancrage dans les phénomènes naturels ou historiques, mais aux desseins contradictoires et donc conflictuels.


De fait, dès la fin de la guerre, et prenant conscience de l'ampleur du cataclysme qui dépassait les limites de l'entendement humain, le personnage Hitler, dans la conscience collective, s'est attribué une place au panthéon de l'abomination. Il incarne ce mal absolu qui, en prenant les traits d'un être démiurgique nanti de pouvoirs maléfiques, envoûta une nation dans le but d'accomplir l'œuvre qui lui était assignée: l'apocalypse.

Cette reconstruction du cours de l'Histoire offre l'avantage de nous proposer une vision manichéenne des faits, partageant les protagonistes en deux camps bien distincts. Les forces du mal opposées aux forces du bien qui, armées du glaive salvateur, sont missionnées pour terrasser la bête immonde.

Le second avantage de cette composition est qu'elle fige dans un intervalle de temps bien précis le début, les agissements et la fin de cette catastrophe de l'Histoire. Période qui court au-delà de la date du suicide du Führeur dans son bunker puisqu'elle se clôture au procès de Nuremberg et donc, à l'éradication que l'on espérait définitive de l'idéologie nazie.

Malheureusement pour nous et les générations futures, le nazisme, semblable à un virus particulièrement virulent, ne s'est pas propagé suite à l'ouverture inopinée des portes de l'Enfer. Il est le fruit dégénéré du long mûrissement de ces tares idéologiques qui gangrenèrent l'émergence de notre monde contemporain et de notre mode de société occidentale arrogante et brutale.

La classe populaire du vieux continent,dans son ensemble, se retrouva malmenée par la révolution industrielle et son contingent de crises, l'accélération de la mutation des valeurs traditionnelles et morales auxquels vint se rajouter le traumatisme de la grande guerre de 14/18. Le peuple en vint à honnir le parlementarisme et à plébisciter la voix de la révolution prolétarienne internationale, ou son contraire, le renfermement nationaliste avec son culte de l' homme providentiel protecteur et garant de l'ordre, et doté d'une carrure à la symbolique totémique.

Dans ce contexte social sous tension, les conséquences du Krash boursier de 1929, seront fatales pour l'Allemagne déjà exsangue. Plongée dans une crise économique sans issue puisque entretenue par l'intransigeance des alliés, particulièrement la France qui la privera des débouchés économiques de cette nation industrielle exportatrice. De plus elle persistera ,malgré la situation, à lui réclamer le remboursement de dommages de guerre exorbitants.

L'Allemagne réorientera sa production, y compris d'armement, vers son marché intérieur.

Les victorieux et incompétents dirigeants de l'époque oublièrent que sur le front de la première guerre mondiale, les soldats des deux bords vécurent les mêmes épreuves, et des deux côtés du front les familles pleurèrent leurs morts avec la même douleur.

Ce sont ces humiliations ajoutées au chômage de masse et à ce contexte social déjà en place, qui offrirent une voie royale aux idéologies ultra-nationalistes qui allaient accoucher du nazisme.


Nation et nationalisme :

Le principe de nation, création récente dans l'Histoire, se caractérise par, ses contours fluctuants qui intègrent ou excluent une partie de territoire ou frange de population ( Ethnie/minorité) au gré des mouvances et des intérêts du moment. Objet de vénération collective, dont le rejet mène au statut de dissident, le culte de la nation, qui est inculqué dès la naissance, s'accompagne de rites et d'accessoires cultuels ( drapeau, hymne, guerriers héroïques ) autour desquels le peuple communie et s'identifie . Au coq et à la pucelle Jeanne d'Arc ( symbolisant la vierge combattante au destin funeste mais christique) les Allemands opposèrent l'aigle romain et le césarisme.

C'est d'ailleurs dans le décorum de cette mascarade antique que les gladiateurs sportifs de toutes les nations dites civilisées défilèrent aux JO de Berlin en 1936 saluant du signe nazi (ex salut romain) le nouveau César.

Preuve qu'à cette période, et malgré sa politique d'exclusion et de répression, le gouvernement nazi demeurait un régime fréquentable, ayant entre autres comme fervent sympathisant le roi d'Angleterre qui admirait sans doute la détermination de ce parti contre un fléau bien pire à ses yeux: le bolchevisme.

Ironie de l'histoire, pour s'amender d'avoir participé à cette forfaiture, les Etats Unis élevèrent leur compatriote et athlète Jesse Owens au rang de légende héroïque, puisque, nous dit-on, il fut mandaté pour humilier les nazis et leur Führeur.

Cela leur permit surtout de nous faire oublier que dans les années trente, particulièrement dans les Etats du sud, l'égalité des droits civiques et même des droits élémentaires de ce petit-fils d'esclaves avec ses concitoyens blancs ne faisait pas honneur à une démocratie digne de ce nom.

Ce qui nous amène à ce deuxième fléau qui allait gangrener et gangrène encore fréquemment notre société et les esprits. En cultivant la supériorité de leur mode de civilisation voire de leur race, les nationalismes de tous bords engendrent invariablement des pulsions xénophobes et des théories racistes souvent teintées de discours pseudo humanistes servant d'alibi à l'impérialisme colonial ou (et) économique.


Le racisme, principe d'état:

«Je répète qu'il y a pour les races supérieures un droit, parce qu'il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures..» Jules Ferry; Discours devant l'assemblée nationale française le 28 juillet 1885.

«Le racisme est la valorisation généralisée et définitive de différences réelles ou imaginaires, au profit de l'accusateur et au détriment de sa victime, afin de légitimer une agression ou des privilèges» Albert Memmi note n°1

De même qu'aujourd'hui le principe d'égalité des droits est un des piliers de notre démocratie, à l'époque le discours identitaire, et donc raciste, s'érigeait en un principe d'état . ( Exemple, l'apartheid qui perdura en Afrique du sud )

De là à gravir un échelon supérieur dans l'ignominie, c'est ce que feront les nazis en faisant du racisme la légitimité même de leur unité nationale avec un objectif: la pureté de la race.

Malheureusement pour l'Histoire de l'humanité ce principe abject aboutira, en janvier 1942, lors de la conférence de Wannsee ( En réalité, simple réunion de travail qui dura 2 heures ) sur: la solution finale à la question des Juifs et des Tziganes d'Europe, autrement dit, l'abatage de millions d'êtres humains à l'échelle industrielle.


L'accession et la prise de pouvoir:

C'est bel et bien dans ce contexte fangeux et nauséeux du début des années 20, qu'un personnage insignifiant, revanchard et haineux, deviendra le porte parole d'un intellectuel cynique ( Dietrich Eckart), alors membre influent d'un petit parti NSDAP . ( NAzional soZIalistiche deutscher arbeiter partei ) Eckart repérera et encouragera les qualités d'acteur-orateur de ce petit caporal autrichien qu'il recruta pour débiter à sa place les vociférations que l'on sait.

Commença alors l'irrésistible ascension vers le pouvoir .

Quelques années plus tard , le 29 janvier 1933, Hindenburg nomma chancelier ce même caporal Hitler, accompagné de sa clique monstrueuse d'aventuriers opportunistes, belliqueux, experts dans la maitrise de la propagande de masse mais souffrant tous de la même pathologie : l'absence totale d'humanité.

Ensemble, ils parachèveront un État policier si puissant que ses diktats les plus fous s'imposeront à la conscience des citoyens.

Cette état totalitaire se nommera Le III e Reich Note N° 2

La guerre, une surprise ? Voici ce que prédisait publiquement Hitler dès 1936 : « l'humanité découvre à sa stupéfaction que le dieu de la guerre n'a pas déposé son armure mais qu'il avance sur la terre plus lourdement cuirassé que jamais» Hitler note n° 3

Mais qu'enseignaient nos manuels scolaires tricolores quelques années plus tôt?

«Oui, il est doux, il est beau de mourir pour la patrie. Et, si l'hygiène apprend aux hommes à économiser leur vie dans les circonstances ordinaires,c'est pour qu'ils puissent, dans les jours d'épreuve, en faire le sacrifice à leur pays» Hector Georges note n°4.


Quand l'enseignement du passé nous fait défaut:

Dans les années quatre-vingt, en légitimant et réintégrant les théories d'un parti marginal réactionnaire dans le discours politique, une certaine classe politique libéra cette idéologie du sarcophage dans lequel, après guerre, des humanistes responsables et clairvoyants l'avaient enfermée. Ce faisant ces politiciens irresponsables fragilisèrent les fondations de notre démocratie et notre modèle social, tout en abandonnant le peuple aux dérives de cette guerre économique mondialisée et ultra libérale, qui ,par son essence même, génère une précarité sociale et engendre un nouveau cycle de repli nationaliste.

Les élections présidentielles 2017 sont révélatrices d'un fait important et surtout inquiétant pour l'avenir : la quasi disparition de programmes humanistes intégrant notre relation aux monde ,à l'écologie, au partage équitable des richesses produites , à la tolérance et au respect.


Notes de lecture :

1 Albert Memmi Le racisme édition gallimard

2 William L.Shirer Le III REICH édition Stock

3 Discours prononcé au reichstag le 7 mars 1936

Fascicule de 1936 Editeur M.Müller et Sohn Berlin traduction Française

4 Hector Georges Leçons élémentaires d'hygiène destinées école normale primaire et des lycées français édition 1885



  • Tout est dit ! Diabolique certainement, Hitler était aussi un génie. Il a inventé la com, la pub, la propagande, le conditionnement ... Bref, tout ce qui marche aujourd'hui ! Nos politiques dirigeants ont bien compris (et tonton Mitterrand le premier) comment on conditionne les masses, comment on forge une opinion populaire, comment il faut penser ce qui est bien et ce qui est mal ! Si demain il faut désigner un méchant pour lequel le peuple doit se sacrifier, il suffirait d'un coup de bluff des médias et le tour serait joué.
    Qui a dit "l'histoire est un éternel recommencement" ? :o) Je ne suis pas un adepte de la théorie du complot mais le fait est que nous sommes fragiles.

    · Il y a environ 6 ans ·
    Gaston

    daniel-m

  • J'apprends. ..

    · Il y a plus de 6 ans ·
    1338191980

    unrienlabime

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