Écoutez les survivantes

Christian Lemoine

Voilà bien la rançon, celle des fantasques lubies, celle des fantasmes lubriques. La rançon de tous les outrages, l'achèvement des profanations, les enfantements imbéciles de tous les sévices. Sur le cour désert, au bord de la bourrasque grosse de pluie, cette ombre. Elle semble courbée mais insensible, fouettée sans en être griffée ; épargnée des stigmates bien que flagellée. Imperméable. Cette ombre seule dans la tourmente inflige aux bourreaux et aux oppresseurs la vision de leurs infamies. Cependant, pour elle la violence ; pour elle, l'albugo sous les ongles ; pour elle, les ecchymoses et les noirceurs. La vie à peine nommable, ce corps-et-âme désuni qui ne trouve jamais à hurler sa brisure. Sous le joug des sujétions phalliques, seul hypogée de l'âme bleuie : l'onirique. Et pour le corps labouré : la guenille dépouillée. Commerce des décharges. Industrie des détresses. Et lui, tranquille en sa superbe, se goberge sur l'écume des forcements, sur les fontis de tragédies d'enfants avilis, sur les lactescences maculées de sceptres breneux. Il y contemple son portrait, la face gangrenée de sa redevance indéfectible.
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