Ecriture inclusive

petisaintleu

La frisée Germaine ne se faisait jamais visiter par un frisé ou par toute autre espèce de Germain. Elle fit le parallèle avec son cousin qui, à l'âge où la découverte prime sur la plastique avait préféré faire le mort et rester sourd à ses avances.

Par dépit, elle longea les quais, dans l'espoir que la mousse qui débordait de ses lèvres attirerait un jeune matelot encore innocent. Même si la cougar est à la mode, elle sortait du moule des fantasmes qu'un jouvenceau est en droit d'espérer. Un voile de tristesse se lut dans son regard quand le navire leva l'ancre s'extirpant de la vase du chenal, la laissant à sec. Les yeux dans le vague, elle s'imagina son petit bonhomme de mousse secoué par les vagues et par un enseigne de vaisseau éduqué à bonne enseigne, celle de la voile et de la vapeur.

Elle arpenta les terrains d'aviation. Elle se rêvait de défier les lois de la physique et d'être à la merci d'un pilote qui saurait faire mentir l'apesanteur pour faire décoller ses livres grâce à la position de l'hélicoptère, les mains collées au poste de pilotage dans l'attente que la foudre s'abatte dans le cockpit. Elle fut reconduite à la guérite sans un merci.

Elle ne se laissa pas abattre, certaine que sa faune – on peut y inclure quelques curiosités mycologiques – pourrait intéresser un faune voire un vieux bouc pourvu qu'il y eut l'extase. Par exemple, un légionnaire en permission qui remplirait son office en se gourmandant à l'office après des mois de privations, quitte à le tenir à sa solde. Elle n'attendait que cela, de baisser la garde. Qu'importe qu'il ne fût pas un foudre de guerre, la seule condition étant qu'un plastique vienne protéger son physique d'une éventuelle épizootie caprine. Même s'il était bête comme un manche ou un âne, l'essentiel était de gagner la manche, même à la nage. Elle se moquait qu'il fût de la famille des tuyaux de poêle, pourvu qu'il se régalât de sa poêle iodée. Elle se serait contentée d'un pupille de la Nation, dès lors que dans sa pupille dilatée se lise un manœuvre aussi prompt qu'un garde d'artillerie à la manœuvre. Elle prêcha dans le désert.

Pour se redonner du baume au cœur, elle loua un gîte dans l'arrière-pays varois. Elle y fit la connaissance d'un barde qui, après lui avoir fait écouter ses œuvres sur sa platine, l'emmena dans un rade à Toulon. Ils y dégustèrent une crêpe au chichi fregi et des moules de Bouzigues. Il lui proposa d'honorer sa barde. C'est face à la rade qui lui donna de la gîte, arrachant enfin le crêpe qu'elle vêtait depuis des lustres, signe de sa virginité préservée.

Le gros-œuvre achevé, ils s'octroyèrent un somme dans un champ de lavande et rejoignirent la Sainte-Baume. Il l'emmena faire un tour dans un de ces charmants villages provençaux où des artisans façonnent des colifichets pour la plus grande joie des touristes. L'aède qui était apparemment un homme charmant lui offrit un superbe collier en platine et un vase en terre cuite. Elle se dit qu'elle allait enfin tourner la page d'années de vache maigre. Elle était si subjuguée qu'elle était sûre que la greffe avait pris et que leur passion serait sans fin, avec un page qui serait à la merci de ses vices qu'elle ne cacherait pas.

C'était trop beau pour être vrai.  Elle aménagea avec lui jusqu'au jour où elle s'aperçut que le bellâtre l'arnaquait. Il avait profité de sa bonté et de sa candeur. Elle découvrit que le solde de son compte était largement débiteur et qu'il y avait puisé une somme astronomique. Il avait produit un faux en écriture pour s'accaparer une partie de ses richesses. La mort dans l'âme, elle se rendit au greffe du tribunal pour y déposer plainte.

Elle regagna sa tour de banlieue en mode déprime. Pour tuer le temps, avant que la faux ne vienne la cueillir, elle s'attaqua à l'écriture d'un mémoire qu'elle porta à la poste et elle finit par se jeter par la fenêtre de son appartement. Les parallèles entre l'inanité de sa vie et l'abîme du néant se rejoignirent. Le livre parut à l'automne avec pour titre, Un(e) hymne à l'amour en fin d'après-midi.

Signaler ce texte