En principe

-         Vous pourriez allumer votre radio ?

-         Impossible !

-         Elle ne marche pas ?

-         Si, très bien, mais je ne fais jamais deux choses en même temps !

-         Pardon ?

-         Je conduis, je ne peux pas écouter la radio. Si vous voulez écouter la radio, je m'arrête et on écoute la radio. Voilà, une chose à la fois. Simple ?

-         D'accord, simple, je comprends. Mais vous pourriez ouvrir un peu votre fenêtre, la mienne ne marche pas.

-         La vôtre, façon de parler, c'est quand même ma voiture, disons, la commande à votre portée fonctionne très bien, mais je l'ai bloquée. Je préfère tout commander pour ne pas avoir de mauvaises surprises.

-         OK, mais je n'avais pas l'intention de me jeter par la fenêtre.

-         Oh, ça, je m'en fous, vous avez payé l'essence d'avance. Vos obsessions morbides, ça ne me regarde pas. Moi, je garde les fenêtres et les portes sous control, c'est tout !

-         Ok ! Alors, auriez-vous l'obligeance d'ouvrir votre fenêtre, car la fumée m'indispose.

-         Ah, ça, c'est bien la première fois que j'entends que la fumée de ma pipe incommode. Ça sent bon le gros gris des tranchées, toute une époque. Vous ne pouvez pas connaître.

-         Vous, non plus, il me semble.

-         Oui, mais pépé m'a tout raconté, la rigolade !

-         Non, en fait, c'est que je suis asthmatique.

-         C'est différent si c'est médical, j'accède à votre demande. Vous avez votre certificat ?

-         Pardon ?

-         Un certificat médical, voyons, qui prouve votre handicap. Il y a des tricheurs dans le covoiturage.

-         Non, je n'ai pas d'ordonnances sur moi, désolé.

-         C'est un tort ! On devrait toujours avoir ses ordonnances sur soi, en cas de mort subite. Dans ce cas, je n'éteins pas ma pipe et je n'ouvre pas la fenêtre, car je crains les courants d'air. Alors, de quoi voulez-vous discuter ?

-         On en a encore pour longtemps ?

-         Ça dépend, si je n'étais pas sans cesse perturbé dans la concentration de la conduite de ma voiture, j'aurais pu passer la troisième. Et en troisième c'est plus rapide.

-         Vous n'avez que trois vitesses ?

-         Non ! j'ai autant de vitesses que comme tout le monde, mais moi je ne dépasse pas la troisième, c'est un principe et je suis un homme de principes.

-         Oui, j'avais un peu remarqué. Mais, par curiosité, comme ça, juste pour savoir, il s'étaye sur quoi ce principe ?

-         Sur rien ! Le principe n'a pas besoin de se s'étayer sur une raison valable pour exister, le principe se tient très bien tout seul. C'est ça qu'est bien avec le principe !

-         Et vous en avez beaucoup ?

-         Oh, là, là, oui, beaucoup, je n'ai jamais compté.

-         Et vous n'avez pas peur d'en perdre en les oubliant.

-         Votre remarque a du sens. Je vais m'arrêter à cette station essence pour les compter, les répertorier, les sérier, les indicer...

-         Vous pourriez le faire une fois arrivé à destination, pour mon avion, non ?

Surtout pas, c'est une urgence prioritairement urgente. Je suis sûr d'en avoir déjà perdu plusieurs. Alors que des avions il y en a plein, vous prendrez le suivant. Le mien d'avion, j'ai tout le temps, j'ai pris un jour d'avance, je ne suis pas fou, je me connais !