En quête d'entrain
Jean Claude Blanc
En quête d'entrain
Ayant toujours un train de retard
Hélas, pas pris le bon wagon
Alors en rade sur le quai
Reste planté là comme un oignon
A ruminer mes avatars
En quête d'entrain pour pas crever
Dès mon jeune âge à m'escrimer
Pour conjuguer le verbe « aimer »
Que d'attachements trop pathétiques
Tendres sentiments à sens unique
64 ans et toutes mes dents
Encore alerte, bon vivant
Même si je pète la santé
N'ai que les murs à qui parler
Vous bilez pas, m'arme de courage
Tellement je marne comme un sauvage
Loin des cités, j'ai pris le large
Peinard sur mes verts pâturages
Enfin vaincu mes états d'âme
M'entoure plus de bonnes femmes
Scènes de ménage, n'ai plus le goût
Ni jouer fidèle et brave époux
Désormais sage vieux grigou
Non conformiste, perds pas au change
Pourvu que personne ne me dérange
De mes angoisses je m'en arrange
Pris l'habitude, patience d'ange
Dès que m'envahit l'amertume
Comme sur les cimes où tombe la brume
Pour ne garder aucune rancune
De mes déboires, mes infortunes
Tire sur ma pipe en écume
Afin que s'apaisent mes lunes
Robuste, tenace, c'est principal
Pour m'échiner, ça tombe au poil
Sachant que je crains plus le mal
Sur mes souvenirs, je colle un voile
Ainsi pour me vider la tête
A une copine, je fais sa fête
Vais pas me mettre à la diète
Chasse mes regrets et mes échecs
Célibataire, ça se respecte…
Me fie plus guère à mes augures
Ni aux diseurs de bonne aventure
Brille mon soleil, c'est plus sûr
Rayonne en moi, de chaleur pure
J'ai ramassé bien de gamelles
M'en relever, c'est l'essentiel
Sur cette Terre, même mortel
Je n'attends rien de la grâce du Ciel
M'émancipant de mes soucis
Soudain abondent mes énergies
Même ma carcasse qui sommeillait
S'empare de moi, sans faire prier
Me trouve toujours une bonne raison
Pour pas la perdre en ma maison
L'astique du sol au plafond
Tout bien ranger, mon obsession
Sinon m'emmerde, me morfonds
A réfléchir, je m'interroge
A quoi ça sert que je broge
Ayant le gîte et le couvert
De mes principes, propriétaires
N'ai de visite que les oiseaux
Ça me convient, qu'ils volent haut
Tellement plane mon cerveau
Que de mes bobos, j'en fais des mots
Raté le train, celui du bonheur
Mais pas certain de le rattraper
En agissant selon mes humeurs
Cher mon billet de retraité
Dire qu'il me faudra mourir un jour
En délaissant mes faux amours
Trop d'alléchantes basses cours
Qui ne valaient pas le détour
Me risque pas crier au secours
Vrai dur à cuire de mon pays
D'où je ne suis jamais parti
M'y complaisant, ça m'endurcit
A faire fi de ma nostalgie
Loupé le départ et alors…
Pourvu que j'arrive à bon port
Qu'on n'évoque plus mon triste sort
Encore présent, conjure mes torts
Y'a t'il une autre solution
Pour être gai comme pinson
A ma manière je suis heureux
Pas exigeant, me suffit de peu
N'ai pas choisi la meilleure voie
Manque de choix, manque de foi
Mais cependant respire la joie
En mon Auvergne, villageois
Pas d'autorail sur mes montagnes
Ni de 1ère classe, douce compagne
Finalement salut ma hargne
Et plus de châteaux en Espagne
Veux bien accorder un sursis
Aux tyrannies de mon esprit
A condition qu'on me foute la paix
Dans mon hameau qu'enchante l'été
Crois plus qu'aux forces de la nature
Dont je fais partie, dans le genre gros mâle
N'envisage rien pour le futur
Ça me saperait le moral
Jubilation, hilarité
Satisfaction, jovialité
Tant de synonymes pour faire semblant
De partager de son vivant
La chance qu'on a d'être bien portants
M'en demande pas trop pour le moment
Je sors à peine de mes tourments
Alors juste convalescent
Pour me refaire, je prends mon temps
Mis mes méninges en stand-by
Car ne suis pas encore de taille
A me confronter aux opinions
De ce monde qui ne tourne pas rond
Si je reviens plein d'allégresse
Ne pousserai pas jusqu'à l'ivresse
Fini de faire des prouesses
Pour d'inutiles et vaines caresses
De l'humanité, j'en suis guéri
Demeure planté sur mes acquis
La solitude ça enrichit
Même cruelle m'a permis
De compter sur mes vrais amis JC Blanc juin 2017 (à chacun sa façon de survivre…)