En vers ou en prose

aile68

 On fait semblant d'aimer la littérature sans savoir que la littérature c'est la vie qui dit oui à un cornet de frites. C'est une vieille dame qui sourit avec les yeux parce qu'elle n'a pas de dents. On croit que la littérature ne sert à rien face aux "priorités" de la vie, "passe ton bac d'abord!". Moi je me cache derrière des rochers pour manger une glace en secret loin des cousins et des cousines. La nuit j'ai peur du noir quand je cherche mon chemin à travers les ombres glauques des arbres qui gesticulent sur les murs de ma chambre. La littérature ce ne sont pas des bonshommes qui débattent sans fin sur le pourquoi d'un début, c'est le genre humain qui souffre en vers ou en prose, c'est l'enfant qui rit ou qui pleure à l'autre bout du monde, juste à côté de moi. 

La littérature ce sont ces bourlingueurs qui ont sillonné des routes, des chemins, des idées, pour rendre possible l'impossible. C'est ma voisine qui rentre éreintée des courses, et qui dit bonjour dans un soupir. C'est la mer qui gronde dans la tempête de la nuit, c'est le jour qui rentre par la fenêtre. J'ai vu l'aurore se lever un jour, j'attendais mon petit frère de retour de colonie. Pour lui la littérature était ennuyeuse, il ne savait pas que ses cartes étaient comme les petits-enfants des romans de vacances.  Toutes ces lettres qu'on trace dans le sable pour l'être aimé, tous ces coquillages qui nous chantent les vagues là-bas nous racontent l'histoire de personnages que nous avons été le temps d'un été. 

La littérature ce sont toutes les histoires de l'univers réunies en livres de chevet, une bibliothèque à ciel ouvert.

Et même si elle est toute de guingois, elle nous séduit car on sait qu'elle a vécu. 

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