Enfer scolaire

franekbalboa

Ce matin en se levant, elle prend comme d'habitude son petit déjeuner. Puis elle file à la douche, des bleus un peu partout sur son corps fragile. Elle est au collège depuis deux ans, et depuis un an et demi elle prend des coups. Les adultes lui ont dit que c'était pour s'amuser. Alors elle l'a cru. Au début ce n'étaient que quelques mots, des moqueries, insultes. Puis les coups ont commencé à tomber. Ça fait un peu plus de deux moins maintenant. Les vacances en sont vraiment pour elle. Elle attend les prochaines avec impatience. 

Arrivant au collège, première série d'insultes, elle les ignore. Puis quelqu'un prend son sac et le jette au sol en la bousculant. Elle le ramasse, les gens rient. Un surveillant et un professeur discutent un peu plus loin, ils n'ont aucune réaction, mais ont bien vu ce qui s'était passé. Pour eux ce ne sont que des jeux, des jeux où cette petite, elle, ne s'amuse pas le moins du monde. 

Écorchée vive, elle pleure en silence, sans larmes. Elle file se réfugier aux toilettes. Elle pleure cette fois pour de vrai. Dix minutes. Cela lui fait du bien. Elle s'éponge les yeux et sort. La cloche sonne et elle entre en cours. Après quelques minutes, elle sent des coups dans son dos, elle avance sa chaise, l'élève derrière elle s'avance de nouveau. Elle vient lui couper une mèche avec sa paire de ciseaux. Puis son manteau. Elle entend le déchirement, une envie de pleurer la reprend, elle se lève, le professeur lui intime de se rasseoir. Elle n'en peut plus, elle s'enfuit en courant et en pleurant alors que derrière elle, les rires moqueurs des autres élèves et le cri du prof qui la suit dans le couloir. 

Elle a tout pour réussir, elle est intelligente, mais malgré tout personne ne veut la croire. Elle s'enfuit en courant, il doit faire à peine 10 degrés dehors, mais peu importe. Elle court, elle bouscule le surveillant à la porte du collège, il lui crie quelque chose, elle continue à courir, à pleurer. 

Puis elle arrive sur ce pont, ce pont qui surplombe la voie de chemin de fer. Elle s'arrête mollement. Le coin est désert. Elle enjambe la rambarde, et s'arrête un instant. Elle repense à toutes ces brimades, ces coups, ces humiliations, ces vols... Et ces adultes qui n'ont jamais rien fait. Ces plaintes qui ont été déposées, ce changement d'établissement, ce renouvellement de violence... 

Elle pense à ses parents, à sa grande sœur, à ses cousins, cousines, à sa famille, à ses amis, bien loin, et les larmes la reprennent de plus belle. 

Elle n'en peut plus, lassée, usée par ces appels au secours, elle fait un pas vers le vide, maladroite et tremblante, croisant les bras sur son torse, elle hésite un instant, puis se laisse tomber en bas, tête la première. A l'impact, c'est le noir, la libération. Fini la douleur, enfin la paix. 

Son corps sera retrouvé quelques heures plus tard, on qualifiera son histoire de drame, cependant rien ne sera fait pour que d'autres ne subissent pas le même sort. On la pleurera. Ses proches qui l'aimaient et louaient son sourire, sa force, son intelligence. Sa vie à peine commencée qu'elle devait déjà se terminer. Elle aura résisté un an et demi. Elle aura eu l'impression de vivre une éternité de souffrances. 

Sa douleur était telle qu'elle n'en put plus. Son acte était un appel à l'aide sans possibilité de réponse. Du moins pas pour elle. Elle n'en avait plus l'envie. Exit cette vie injuste, cette continuité de souffrance. Elle s'est libérée d'un fardeau, ses proches en ont hérité. Et on dira encore que malgré ce qui lui est arrivé, ceux qui l'ont provoqué ne sont que des gamins. 

Non. 

Quand on tue quelqu'un on n'est pas un gamin. Cessez de dire ça. De le penser même. Cessez de vous complaire dans ces faux-semblants, dans cette illusion du "ils sont jeunes, laissez les s'amuser". 

Rien de tout ça n'est amusement. 

Qu'attendez-vous pour faire ce qu'il faut ? 

  • J'ai mal pour elle ! J'ai mal pour toi, peut-être ! J'ai mal tout court.

    · Il y a presque 5 ans ·
    Photo rv livre

    Hervé Lénervé

    • J'ai vécu ces saletés là, mais rien de comparable. J'ai mal pour toutes celles et tous ceux qui tombent, victimes de ces crimes silencieux...

      · Il y a presque 5 ans ·
      Djinn

      franekbalboa

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