Et

My Martin

La mort est un gain pour moi

Le Chevalier d'Éon

Charles Geneviève Louis Auguste André Thimothée d'Éon de Beaumont

Charles Geneviève ; il est courant à l'époque d'ajouter un prénom féminin, en l'occurrence Geneviève, prénom de la marraine de Charles -sa tante, Geneviève d'Éon



diplomate, espion, officier, homme de lettres français du XVIIIe siècle



né le 5 octobre 1728 à l'hôtel d'Uzès -Tonnerre -Yonne, Bourgogne

mort le 21 mai 1810, à Londres 81 ans



Diplomate de Louis XV

Pour ses missions, il joue de son androgynie, souvent d'apparence féminine

Le mystère de son genre passionne l'Europe, de Paris à Londres, Saint-Pétersbourg



*



Versailles, modèle pour les Cours d'Europe.

Au temps de sa jeunesse, Louis XIV a paru en femme, lorsqu'il dansait.



Musée du Louvre. Portrait de Louis XIV en costume de sacre. Réalisé en 1701 par le peintre français Hyacinthe Rigaud.

Roi vieillissant (63 ans), au faîte de sa gloire. La majesté par excellence.

Louis XIV exige que ses traits soient « véritables » : Rigaud exécute le visage sur une toile rectangulaire, cousue ensuite à petits points sur une toile plus importante.

Le monarque, en perruque léonine et habits de cour.

Chemise à jabot et manchettes en dentelles, rhingrave -ample haut-de-chausses attaché par des rubans- en brocart de Sedan, souliers à talons rouges ornés de boucles de diamants, bas de soie maintenus par des jarretières.

Il porte le collier de l'Ordre du Saint-Esprit et le manteau royal, rejeté sur l'épaule, pour mettre en évidence l'épée et ses fines jambes de danseur. A la demande du Roi, représentées en position de quatrième -danse classique.

Talons pour grandir le Roi, jambes montrées pour afficher la bonne santé du monarque âgé ?



A Versailles, les codes de comportement sont réglementés : les hommes sont fardés, poudrés, maquillés. Perruques, rouge à lèvres, mouches -morceau de taffetas ou de velours, de couleur noire collé sur le visage, qui imite un grain de beauté. Parfums -odeurs épouvantables, pas de latrines dans le palais.

Le teint blanc est le signe distinctif des gens de qualité. Les hommes qui travaillent au-dehors -les paysans- ont le teint hâlé par le soleil.

Jeu, travestissement, masque : l'apparence est déterminante. Politesse, galanterie, raffinement des mœurs ?



Que des hommes se travestissent n'est pas inhabituel à la Cour de Versailles.

Philippe d'Orléans 1640-1701, frère de Louis XIV, plus connu sous le nom de Monsieur, revêt bijoux, parures et jolies robes.

Sa cousine, la Grande Mademoiselle 1627-1793. « Quand j'arrivais au Louvre, Monsieur était habillé en fille, avec des cheveux blonds ; la Reine me disait qu'il me ressemblait. »

Philippe d'Orléans -clairement identifié de sexe masculin- a des épouses, des enfants. Le cas du Chevalier d'Éon, plus complexe, dépasse le simple goût du travestissement.



En raison de leur rang, les princes et aristocrates ne sont jamais inquiétés, en dépit des positions de l'Église, pourtant non équivoques. Dans les autres couches de la société -anonymes sans naissance ni protections-, la situation est différente.

Jean de La Fontaine, "Les Animaux malades de la peste" 1678

« Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. »



*



1722. Louis XV crée "le Secret du Roi", premier cabinet d'espionnage, à lui directement rattaché ; il lui procure des informations sur les Cours d'Europe. Diplomatie parallèle, à l'insu des représentants officiels résidant dans les pays concernés. Les hommes discrets de ce réseau sont appelés "les Bons amis du Roi".

Dirigé par le prince de Conti, Louis-François de Bourbon 1717-1776, cousin du Roi. Célèbre pour sa bravoure militaire. "Propre à tout, capable de rien".

Charles-François, comte de Broglie 1719-1781. Jean-Pierre Tercier 1704-1767. Durand.

32 agents secrets.

Le Secret du Roi est dissous par Louis XVI mais la pratique de l'espionnage d'État perdure, destinée à prospérer.



*



5 octobre 1728. Hôtel d'Uzès, à Tonnerre

Famille d'avocats

Charles Geneviève est le fils benjamin de

Louis Déon (ou d'Éon) de Beaumont 1695-1749, noble, avocat au parlement de Paris. Directeur des domaines viticoles du Roi. Maire de Tonnerre. Noblesse de province appauvrie.

Françoise de Charanton 1704-1792, fille d'un commissaire général des guerres aux armées d'Espagne et d'Italie.



Une sœur, un frère

Marguerite Françoise-Victoire d'Éon 1724

Théodore André Timothée Louis César d'Éon de Beaumont né et mort en 1727



1728. Charles Geneviève Louis Auguste Andrée Thimothée naît à l'hôtel d'Uzès, à Tonnerre.

Ses Mémoires : à sa naissance, le médecin fut incapable de déterminer son sexe, dissimulé par du placenta.



Puis déménagement, il habite dans une maison que fait construire son père, bordant l'Armançon, -22 rue du Pont. Actuel musée du Chevalier d'Éon -épées, jupons.



Charles Geneviève grandit à Tonnerre. Élevé à la dure - à coups de verges par son précepteur, le rigoureux abbé de Marcenay. Il se distingue par son don pour l'art oratoire et l'écriture.



1742. Charles Geneviève (14 ans) est envoyé au collège Mazarin à Paris, où sont formés les cadres du royaume. Il loge chez son oncle, Michel d'Éon de Germigny



Au collège, il se lie d'amitié avec Louis-Jules Mancini-Mazarini -le duc de Nivernais 1716-1798. Futur ambassadeur, ministre d'État, épistolier, poète, académicien et auteur dramatique français.



1746. Charles Geneviève apprend l'escrime chez Teillagorry, maître d'armes. A 18 ans, "la meilleure épée de Paris". Cavalier émérite.



Écrivain. Essai historique, "Considérations historiques et politiques". Remarqué par Louis XV. Voltaire écrit "je viens de découvrir l'esprit le plus brillant du siècle."

Charles Geneviève se fait des relations, dont le prince de Conti, cousin du roi Louis XV -il écrit ou améliore ses couplets et madrigaux.



1748. Le prince de Conti nomme Charles Geneviève (20 ans), censeur pour l'Histoire et les Belles-Lettres. Il examine et censure les livres destinés à la publication.



1748-1749. Charles Geneviève devient avocat au Parlement de Paris. Il n'hérite pas d'une fortune importante à la mort de son père en 1749.



Charles Geneviève est fin, d'allure androgyne. La maîtresse du duc de Nivernais -Mme de Rochefort- l'incite à s'habiller en fille, savamment maquillé, pour un bal masqué à Versailles. L'illusion est parfaite.



1756. L'ancien soutien de Louis XV, Frédéric de Prusse, signe un traité d'amitié avec l'Angleterre. Il nomme son chien "Pompadour", ce qui blesse la favorite de Louis XV.

L'Angleterre menace les possessions françaises en Amérique. La guerre est inévitable.

Des discussions sont entamées avec l'Autriche pour renverser les alliances ; l'ennemi héréditaire de la France depuis deux siècles, va devenir son alliée.

Louis XV souhaite transmettre un pli cacheté à la tsarine Élisabeth Ire 1709-1762. Le prince de Conti mandate pour cette mission, Alexandre Pierre de Mackenzie-Douglas 1713-1765, espion écossais, géologue. Percé à jour, il est congédié.

Une femme aurait plus de chance d'approcher la tsarine ? Le prince prend ses renseignements et convoque Charles Geneviève -remarqué lors des bals à Versailles, admirablement travesti en jolie femme. Il rejoint le cabinet du Roi ; secret absolu, sous peine de mort.

Idée saugrenue : Charles Geneviève va reprendre le port de jupes, entrer dans l'intimité de la tsarine et lui remettre le courrier cacheté de Louis XV. Prélude à la conclusion d'un traité d'alliance. A l'insu de son entourage.

Le Chevalier part à Saint-Pétersbourg en femme -Lia de Beaumont. Extravagante, intelligente, Lia obtient le poste de lectrice d'Élisabeth -dupe, pas dupe ? Lia remet à la tsarine, la lettre du Roi. La tsarine se désunit de l'Angleterre et de la Prusse. Le traité d'alliance est signé.



A Paris, Charles Geneviève (28 ans) rend compte de sa mission. En récompense, le roi lui remet une forte somme. Il reçoit le brevet de capitaine des Dragons. Une belle carrière dans les armes en perspective.



1758-1760. La carrière militaire du Chevalier d'Éon est brève, en Allemagne, sous les ordres du maréchal Victor-François, duc de Broglie 1718-1804. Dernières campagnes de la guerre de Sept Ans. Excellent soldat. Il est blessé sur le champ de bataille. Il revient vers ses activités d'agent secret.



1762. Mission en Angleterre, à Londres. Secrétaire de l'ambassade de France pour la conclusion de la paix générale. Auprès de l'ambassadeur -son ancien camarade de collège-, le duc de Nivernais. Préparation du traité de paix de Paris, qui clôt la guerre de Sept Ans. Selon les missions, Charles Geneviève se présente en homme ou en femme.

Au cours d'un dîner fort arrosé, Charles Geneviève subtilise un document à un négociateur anglais. La liste des concessions que l'Angleterre était prête à faire, dans le cadre des discussions avec la France. Le document est communiqué aux diplomates à Paris.

Il reçoit une récompense de 6 000 livres et l'Ordre de Saint-Louis -Croix avec diamants.



*



1756-1763, guerre de Sept Ans. Conflit majeur de l'histoire européenne, premier conflit mondial : Europe, Inde, Amérique et en mer.

L'Angleterre et la Prusse

contre la France, l'Autriche, la Russie, la Suède, l'Espagne et les princes allemands.

Le traité final est signé le 10 février 1763, à Paris.

Victoire de l'Angleterre, maîtresse des mers. Elle ravit à la France de vastes possessions coloniales : le Canada, l'Est de la Louisiane, une partie des Antilles, le Sénégal.

Victoire de la Prusse, l'une des premières puissances militaires en Europe.



*



Louis XV demande à Charles Geneviève de préparer les plans, pour un débarquement en Angleterre. Pendant 14 mois, plus de cent fois, Charles Geneviève s'habille en femme. Il part en calèche pour la côte Sud. Française, artiste, la jolie femme s'installe à proximité des forteresses, les examine en détail pour peindre ses aquarelles. Les soldats anglais sont sous le charme, ils causent plus que de raison.

En France, une armée est rassemblée à l'embouchure de la Loire. Les flottes de Toulon et de Brest assureront la maîtrise des mers. Mais la flotte de Toulon -chef d'escadre La Clue-Sabran- est battue par la flotte britannique de l'amiral Edward Boscawen, à la bataille de Lagos, Portugal 18-19 août 1859.

Bataille des Cardinaux en baie de Quiberon 20 novembre 1859. L'amiral Edward Hawke défait la flotte de Brest -maréchal de Conflans.

Louis XV renonce à son projet. Il demande à Charles Geneviève de restituer les documents secrets relatifs à ce projet.



1803-1805. Les plans sont conservés, étudiés par Napoléon « Toutes mes pensées sont dirigées vers l'Angleterre. Je veux seulement un vent favorable pour planter l'aigle impérial sur la Tour de Londres ». Avortement du projet. Désastre naval de Trafalgar 21 octobre 1805.



Après l'arrivée de Charles Geneviève à Londres, le duc de Nivernais tombe malade.

A l'ambassade, Charles Geneviève assure l'intérim ; se prend pour l'ambassadeur.

Il organise les réceptions les plus fastueuses de Londres. L'aristocratie se presse à l'ambassade, le Roi Georges III adore Charles Geneviève qui dépense sans compter. Il ne travaille plus. Louis XV le désavoue, lui retire ses fonctions.



Charles Geneviève est en conflit avec Claude-Louis-François de Régnier, comte de Guerchy 1715-1767, nouvel ambassadeur de France à la Cour de Londres. Charles Geneviève est démis de sa charge et perd sa rente.



Charles Geneviève prend à témoin la presse britannique, du sort qui lui est réservé. Il divulgue des documents de second ordre. Il porte son affaire en justice, obtient réparation ; il retrouve ses fonctions et sa rente, contre son silence sur les documents diplomatiques.



Ses relations avec la Cour de France se dégradent. Des sbires du Roi tentent de l'empoisonner.

Charles Geneviève provoque, arbore des vêtements féminins, clame qu'il est une femme. Examen par plusieurs médecins, qui confirment. Passionnés, les Anglais engagent des paris -sommes importantes- sur son sexe. Pool de paris à la Bourse.

Louis XV demande à Charles Geneviève par courrier de certifier son genre. Charles Geneviève atteste par écrit qu'il est de sexe féminin.

Une femme : alors, fini l'armée, la diplomatie et les revenus correspondants.

Charles Geneviève reçoit une rente. Il demande le droit de porter à nouveau des vêtements d'homme. Refus de Louis XV, puis de Louis XVI (Roi en 1774) : pour avoir le droit de revenir en France et conserver son droit à une rente viagère, Charles Geneviève doit désormais s'habiller en femme.

Même après la mort de Louis XVI (1793), la Révolution -sa pension supprimée-, Charles Geneviève ne reprend pas des vêtements d'homme.



1775. Louis XVI demande à Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais, le célèbre dramaturge et homme d'affaires, de se rendre à Londres et de récupérer des documents secrets que conserve Charles Geneviève (47 ans). Beaumarchais séjourne plusieurs mois à Londres.



Une rumeur, en Angleterre : Charles Geneviève a été l'amant de la reine d'Angleterre Sophie-Charlotte, qu'il a connue à Saint-Pétersbourg ; il est le vrai père du prince de Galles, futur George IV 1762-1830, le fils aîné et l'héritier du roi George III.



1777. Charles Geneviève (49 ans) revient en France. On se gausse de son allure à la Versailles. Habillé par Melle Rose Bertin, la couturière de Marie-Antoinette -bras velus, barbe naissante sous la poudre.



1779. Charles de Beaumont (51 ans) en habit féminin, dessiné et gravé par Jean Baptiste Bradel (1768-1783). Visage fin, collier ras-de-cou avec croix pendante.



Charles Geneviève est assigné à résidence à Tonnerre.

Robe à longue traîne, volants sur les manches. Attitude et conversation d'un grenadier.



Il reçoit un courrier de son logeur londonien -38 Brewer Street-, qui lui réclame des loyers impayés. Il menace de vendre ses livres pour se payer -remarquable bibliothèque, 8 000 livres.



Charles Geneviève publie "La Vie militaire, politique et privée de Mademoiselle d'Éon". Il demande l'autorisation de retourner en Angleterre.



1785, autorisation accordée. Charles Geneviève (57 ans) part à Londres.

Pour gagner de l'argent, il se donne en spectacle, des combats à l'escrime. Paris, foule importante. Le 9 avril 1787, contre Monsieur de Saint George -Guadeloupe, 1745-1779-, le meilleur escrimeur de Londres (42 ans). Charles Geneviève (59 ans) -habillé en femme- gagne le duel.

Des gravures anglaises le représentent lors de ces combats, robe noire et Croix de St-Louis.



Charles Geneviève en femme, démonstrations d'escrime, nouvelle carrière : forte renommée en Angleterre. Des estampes populaires diffusent son image, épée en main. Intérêt passionné du public. Spéculations, paris sur le sexe de Charles Geneviève.



Malgré un manque de « délicatesse » féminine, Charles Geneviève est soutenu par des féministes pionnières, la poétesse Mary Robinson 1757-1800 et la femme de lettres Mary Wollstonecraft 1759-1797 : un brillant exemple de « la force féminine », à laquelle les femmes britanniques peuvent aspirer.



Quand la Révolution française éclate en 1789, sa pension -versée par le Roi sur la cassette royale- est supprimée.

« Je ne comprends pas pourquoi, sous prétexte de faire un peu de ménage dans sa maison, on éprouve le besoin de l'incendier. »



1792. Portrait du Chevalier d'Éon (64 ans) par le peintre anglais Thomas Stewart 1766-1801. National Portrait Gallery. Copie du portrait peint par Jean-Laurent Mosnier (Paris, 1743-Saint-Pétersbourg, 1808) en 1791.

Chapeau noir, plumes d'autruche blanches, gros nœud en ruban bleu-blanc-rouge. Large col de dentelle, robe boutonnée noire. Médaille, ruban rouge Croix de Saint-Louis.

Charles Geneviève porte la cocarde d'un partisan de la Révolution française. En 1792, il écrit à la nouvelle Assemblée nationale française : il propose de diriger une armée de femmes « amazones », contre les ennemis de la France. Cette lettre est largement relayée dans la presse britannique. Charles Geneviève est félicité pour faire preuve de courage et de patriotisme. La sympathie de Charles Geneviève pour le nouveau régime en France prend fin avec l'exécution de la famille royale française, en 1793.



Le 26 août 1796 à Southampton, lors d'un assaut en public, Charles Geneviève est grièvement blessé (68 ans, dernier combat) : le bouton du fleuret se casse, à un pouce de l'extrémité. La blessure dans le creux du bras droit s'étend sur près de 10 centimètres.



Charles Geneviève est ruiné. Cinq mois de prison pour dettes. Il loue une chambre à Londres, chez une logeuse aussi pauvre que lui -Mrs Mary Cole, d'origine française, veuve d'un ingénieur de la Marine royale. New-Wilman Street, n° 26.

Rue bordée de maisons mitoyennes, occupées par des artisans, proche de Coram Fields Sud et de l'hôpital Foundling.



Mrs Mary Cole héberge Charles Geneviève de 1796, à son décès en 1810 (14 ans).

La marquise de Townshend, le duc de Queensberry, mistress Crawford lui envoient régulièrement de l'argent.

Embonpoint, visage lourd. Il écrit ses Mémoires.

Quatre dernières années, il est atteint d'infirmité, alité, malade.



21 mai 1810, Charles Geneviève (81 ans) meurt.



Mary Cole déshabille sa fidèle amie, pour faire sa toilette mortuaire et découvre avec stupéfaction, le sexe de Charles Geneviève. Elle alerte les autorités.

Le lendemain, un groupe de 11 personnes se présente. Dont

le contre-amiral Sir Sidney Smith -exécuteur testamentaire de Charles Geneviève

Marie-Vincent Talochon 1753-1817 -'Le père Élisée'-, un émigré français de 57 ans, ancien chirurgien et ami intime de Louis XVI, qui a assisté Charles Geneviève dans les derniers temps

M. Richardson, libraire de Cornhill.

Autopsie par le chirurgien Thomas Copeland -29 ans. Il est de retour depuis moins d'un an d'Espagne, où il a fait un passage en tant que chirurgien militaire pendant la guerre. Il a déjà publié une remarquable étude sur les principales maladies du rectum.

William Turner (35 ans), peintre 1775-1851.

Pour vérifier la conformité interne,Thomas Copeland tranche et dissèque le modeste sexe circoncis -pénis, testicules-, avec ciseaux et scalpel.

Le chirurgien, membre du Royal College of Surgeons, signe une attestation de genre. Le peintre (35 ans) dessine le masque mortuaire et le sexe masculin de Charles Geneviève, afin de mettre fin aux rumeurs. Les gentlemen lèvent un sourcil interrogateur.

Des centaines de personnes -trois femmes pour un homme- défilent New-Wilman Street, n° 26, pour voir le corps. Des bocaux contenant des organes, partent vers plusieurs hôpitaux.



Un journal propose par abonnement, un exemplaire du masque mortuaire du Chevalier, ainsi qu'une gravure du dessin original du corps. La gravure, une fois publiée, sera signée par Messieurs de la Faculté, attestant de son exactitude. Publié et gravé par C. Turner, n° 50 Warren-Street, Fitzroy-Square.



21 mai 1810, à Londres

Charles Geneviève est inhumé dans une parcelle privée à St Pancras Old Church, Londres. La sépulture des Catholiques Romains, à Londres. A sa demande, près de son cousin, Charles-Maurice d'Éon de Mouloise, 1735-1765.

40 ans / 40 ans. Il a passé la première moitié de sa vie, habillé en homme et l'autre moitié, habillé en femme.



En Angleterre, le statut de célébrité de Charles Geneviève est une remarquable réussite : il est le premier homme ouvertement travesti de l'histoire britannique. Jusqu'à la fin du XXe siècle, aucun travesti ou transsexuel ne bénéficie d'une telle reconnaissance publique.

Registre Annuel anglais : "Il faut en effet reconnaître qu'elle est la personne la plus extraordinaire de l'époque … nous n'avons vu personne qui a réuni autant de talents militaires, politiques et littéraires."



Charles Geneviève. Testament olographe -écrit à la main, pas d'intervention d'un notaire. Il institue exécuteur testamentaire Sir Sydney Smith, amiral britannique Londres, 1764-Paris, 1840. Il a témoigné à Londres, quant au genre de Charles Geneviève.

"Le Lion des Mers". Louis-Antoine Bourrienne, secrétaire de Napoléon : « le plus grand ennemi ».

Précurseur du renseignement stratégique, spécialiste des opérations commandos de Marine. 18 juin 1815, bataille de Waterloo, Il organise l'évacuation des blessés de toutes nationalités avec Dominique-Jean Larrey, chirurgien en chef de Bonaparte.



Le testament est précédé d'un préambule, avec en tête « Soli Deo Gloria et Honor », à Dieu seul la gloire et l'honneur.

Il commence par : « Mihi Mori Lucrum » -Épître aux Philippiens (1-21) ... «  la mort est un gain pour moi ».

Et se termine par ce bref quatrain :



    « Nu du ciel, je suis descendu,

    Et nu je suis, sous cette pierre :

    Donc pour avoir vécu sur cette terre,

    Je n'ai ni gagné, ni perdu. »



*



1860. Construction de la gare de St Pancras, voie ferrée de la Midland Railway. Une partie du cimetière où se trouve la tombe du Chevalier, est amputée par les travaux. Ses restes -avec des milliers d'autres ossements-, sont rassemblés dans une fosse commune, au St Pancras Coroner's Court. Mention sur le mémorial de Burdett Coutts.



Années 1950. The strange story of Dr. James Barry, par Isobel Rae

James Miranda Steuart Barry né à Cork, vers 1789-décédé à Londres en 1865.

Armée britannique, premier médecin transgenre connu. Brillant chirurgien militaire, anti-esclavagiste, colérique, héroïque. Il réforme les normes médicales sur trois continents, dirige les hôpitaux du Canada et réalise la première césarienne des colonies. À sa mort, sa servante découvre que James est de sexe féminin.

Les archives de l'armée sont scellées pour cent ans. Dans les années 1950, l'historienne Isobel Rae accède aux documents.



Début des années 1990. Disparus des archives diplomatiques à Paris à une date inconnue, l'attestation et les documents relatifs à la succession de Charles Geneviève, sont retrouvés par hasard dans une librairie de Nantes, par un érudit local. Il les restitue en 1999 au Ministère des Affaires Étrangères.



*

Signaler ce texte