êtres internes, êtres externes

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alors. je vais vous raconter ce qu'il s'est passé. tout ce qu'il s'est passé. s'est allé tellement vite. cela dure depuis trop longtemps. et depuis 463 jours, tout s'accélèrent. ça a l'air si facile pour vous qui le vivez de l'extérieur.

cruelle. égoïste. mauvaise. profondément mauvaise. depuis que le temps n'existe plus. ou depuis que j'ai compris qu'il n'existait pas, une ou plusieurs formes monstrueuses et hybrides se sont emparées de moi. ont muté à l'intérieur de moi. 

vous m'avez demandé de fixer le temps pendant quelques minutes. effrayée par son apparence, mes yeux s'en sont détournés au bout de six secondes. réitérant l'exercice plusieurs fois. le compte diminuait en arrivant finalement au score de trois.
trois. je ne suis pas capable de projeter quelconque avenir plus loin que ces trois secondes. le temps m'effraie lorsqu'il est matérialisé. le temps n'existe pas.

vous pensez que vous pouvez m'aider? tous? vous, êtres extérieurs. vous qui suivez un chemin tout tracé. vous qui donnez votre avis sur les quelques éléments présentés à mon sujet.
je ne veux plus me trouver de justifications. je ne veux plus me cacher derrière des excuses débiles pour soulager ma conscience.

il y a des choses que je sais. il y a des choses que je ne sais pas. je sais qu'il n'y a que moi qui m'intéresse. je sais que la souffrance est devenue intolérable. je sais que l'extase est devenue drogue. je sais que je ne sais
pas ce qui me compose. je sais que je vous déteste tous. je vous déteste encore plus, vous qui formez mon âme. je sais que je m'éparpille.

mais je ne sais pas où se situe votre souffrance.
comment souffrez-vous? est ce uniquement des maux physiques? à quel point souffrez-vous? ça vous fait comme à moi? avez-vous mal au ventre?
avez vous mal derrière le coeur? bat-il à mille à l'heure? avez-vous la tête remplie d'une cacophonie sombre? vos mains sont-elles lourdes? vos mâchoires serrées?

dormez-vous la nuit? dormez-vous le jour? dormez-vous? vous parlez-vous à haute voix? à qui vous adressez-vous? imaginez-vous tous les champs
des possibles? après quoi courrez-vous? y voyez-vous quelque chose de raisonnable?

rêvez-vous? je ne rêve plus.
et quelles réponses m'apportez-vous hormis le miroir de vos expériences? en rien elles ne résonnent comme les miennes. et aucune virgule de vos histoires n'est semblable à mes récits.

plusieurs peuples à l'intérieur de moi crient ensemble que la douleur doit cesser. et toutes les civilisations de l'âme s'unissent pour se dire qu'elles
ne peuvent plus cohabiter.

alors que faire?
je m'adresse désormais à toi mon amour. toi qui pour la première fois de tous les inconnus sur mes chemins, essaye de comprendre ma nature.
et c'est en train de te tuer.

c'est en train de t'étouffer. de te dévorer. je n'ai jamais aimé comme je t'aime. mais pour toutes les raisons évoquées, je dois arrêter. ça va être très dur à expliquer. vous avez été plusieurs. vous êtes plusieurs. et je
vous parle sincèrement comme s'il n'y avait que vous.
que toi seul mon amour.

et quand vous n'êtes pas là. quand tu n'es pas là. tu n'existes plus. telle une droguée à ta peau, mon corps te réclame les jours suivants. une fois écoulés, tu n'existes plus. et un autre prend ta place.

ça a l'air si facile pour vous. vos maux liés à des évènements. cause. conséquence. et si je vous disais que votre théorie est simple. simpliste. si simple que vous avez trouvé un moyen de la complexifier.

peux-tu m'expliquer ce qui arrive Kant? si je te donne toutes mes cartes. seras-tu en mesure d'expliquer chaque conséquence par une cause?
finalement, est-ce qu'il faut apporter une réponse à tout? vous courrez toujours après le sens. mais quel sens? pourquoi dois-je trouver un sens à tous les ressentis de ma chair? de mon âme? tout expliquer?

aujourd'hui, et pour la première fois de cette ère, je
suis fatiguée. si fatiguée. et je ne veux plus répondre à vos questions.

êtres internes. êtres externes.
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