Expérience littéraire n°1

lafaille

Pour une littérature avec des tripes... Des petits changements s'imposent !

Scribouillards de tout bord, je ne fais pas partie du même équipage que vous. Des règles, du bien pensant, du bien coulant à tout va et vous êtes sûr de vous faire éditer par la plus grosse maison d’édition du comté.

Je sais, j’ai essayé dans cette direction et le premier manuscrit envoyé fut accepté par La maison d’édition, si je changeais toutefois quelques lignes d’un paragraphe. Je n’ai rien changé et j’ai décidé de refuser cette offre.

Mais j’ai observé le regard de mes amis lorsque je leur ai annoncé cette nouvelle, ça en dit long sur leur manière de comprendre l’écriture.

Ces scribouillages ne m’intéressent pas, ces auteurs ne me parlent pas, je ne me sens pas concerné par leur univers et leurs personnages. Chers scribouillards arrêtez tout ce brouhaha, vous perdez votre temps. Je ne me reconnais pas dans vos mots. Je ne reconnais rien dans votre maniement académique de la langue. Vous êtes tous intelligents chers auteurs si nous définissons l’intelligence comme cette faculté à s’adapter. Mais l’écrivain doit-il s’adapter à son environnement, est-il d’ailleurs adaptable à son environnement ? Je ne le pense pas.

On vous appelle écrivains je vous appelle torcheurs de papiers, êtres asservis par vos éditeurs. Allez torcher, allez vous torcher mais s’il vous plait arrêtez de vous la raconter. Vous vous dites qu’elle est bien prétentieuse celle-là, nana puant l’égo à tout va, imbus d'elle-même ; loin de là, mais chers édités de mon époque, vous ne me faites aucun effet, bon sang mettez vos tripes à l’air, cherchez pas vos histoires dans la vie des autres, c’est trop facile.

Ecrire, c’est sauter dans le vide sans parachute. Mais c’est fâcheux tous les auteurs de mon temps se baladent facile avec trois parachutes dans le dos. Suceurs de sang de tout genre, usant de la vie et des emmerdes de vos voisins pour vous nourrir, matières du futur roman, vous bavez sur vos feuilles blanches et vous en restez indemnes. Trop facile. Et surtout ne pas trop dépasser les bornes niveau prise de risque de peur de vous voir rejeté. Désolée, mais écrire c’est mettre ses tripes et son cœur sur la table, et peu importe les conséquences, bande de trouillards.

Ecrire c’est se vider de sa substance et explorer les bas-fonds de l’âme, non en se penchant sur celle des voisins, mais en se précipitant vers la vôtre. Je ne souhaite d’être écrivain à personne, remuer la merde qu’on a en soi, quel travail. Sonder son moi profond, universel parce que singulier, avec nausées et vomissements. Oui lorsqu’on écrit avec ses tripes et son sang, et c’est de ça qu’on parle lorsqu’on parle de littérature, c’est avant tout une histoire de tord-boyaux, de tord-cœurs.

L’émotion avant tout.

Plaies ouvertes, cœur prêt à éclater, veines gonflées, pouls rapide, vomissements nausées migraines insomnies, ça se vide quand on écrit.

Alors arrêtez de me la jouer écrivain à tout vent. Feuilles blanches et factures : le combat. Mais les factures ne m’auraient jamais extirpé de mon sommeil, alors que la page blanche si. Je lui dois mes plus belles insomnies. Et le réveil, ce casseur de rêves, sonne toujours lorsque je viens de m’endormir. Considéré vagabond, j’en suis d’autant plus heureuse que c’est vrai. Pourtant, la plupart du temps, le vagabondage ne représente pas une activité heureuse. Et croyez-moi de ce vagabondage, j’en reviens cabossée mais grandie. De toute façon, être un vagabond n’a jamais été à la mode. Et cabossée, que voulez-vous les coups de la vie. Expliquer au monde que tout dans ma vie est prétexte au vagabondage littéraire et que tout le reste je m’en fous royal reste impossible. Et vous en devenez dingue. Alors je n’explique plus rien. Je n’essaie même pas, trop de bosses, et les bosses ça fatigue un Homme. Explication inutile et dangereuse la preuve étant que je me suis déjà retrouvée à l’hosto avec trois côtes cassées tout ça pour avoir dit que ma seule raison de me lever était le vagabondage littéraire. Non trop risqué, je n’évoque plus le sujet depuis bien longtemps. La vie ne commence jamais bien, et ça pour personne mais chut c’est un secret. Le trou, cette origine du monde, ce rien, ce vide d’où tout apparait et d’où tout disparait, c’est louche. Entre la merde, le pipi, les nausées et la gerbe, la naissance est anti-glamour.

Elle a bon dos la vie.

La douleur, les cris, et surtout pas de plaisir, ça pourrait faire mal.

Et le trou final.

J’existe en eaux troubles et je n’ai pas du tout le pied marin. Chers scribouillards en tout genre, une fois pour toute sortez vos tripes, examinez-les à la loupe, méticuleusement, sans rien oublier jusqu’à l’évanouissement, et on pourra enfin se comprendre. A bon entendeur.

Faire éclater la vérité, c’est éclater soi-même.

Mille morceaux de moi. Je suis un boxeur qui ne peut plus sortir du ring. Trop de bosses et je pars direct me reposer à l’hosto, les infirmiers et les docteurs me rendent tellement heureuse. Malheureusement je ne peux une fois de plus en parler.  Pour en rajouter une louche, les hôpitaux que je préfère sont les hôpitaux psychiatriques. Les patients me font sourire, ils ne me sont pas étrangers, et surtout ils ne m’emmerdent pas. Nous nous comprenons sans dire mot, c’est reposant et mon cœur me dit merci. Car de coutume, je suis toujours au bord de la crise cardiaque, mon cœur n’en fait qu’à sa tête, il obéit à ses propres règles et ignore les manuels de biologie. Il a dans l’idée de se faire la malle plus vite que prévu. Je dis rien, à sa place je ferais pareil que lui. Ce cœur ce corps qui ne m’appartenaient pas jusqu’à ce que je rencontre d’autres cœurs d’autres corps. Jusqu’à mes vingt ans j’ai tout tenté pour l’apprivoiser sans succès. Mutilation, brûlure, courir jusqu’à évanouissement, foncer tête la première dans un mur. Ce corps je ne le suivais pas, ce corps il ne me suivait pas. Nous vivions en décalage horaire. Jusqu’à cette rencontre. Malheureusement les souffrances qui en découlèrent furent lourdes de conséquences.

Un écrivain était né.

Ce livre ne sera ni un roman ni une autobiographie mais une expérience. Je m’expérimente en écrivant, et ça palpite de partout.

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