Fascination du mal
Jean Claude Blanc
Fascination du mal
Notre obsédante lucarne, fait le siège au salon
On nous en montre de belles, à la télévision
Des séries sanguinaires, importées des ricains
Aux mœurs si diverses qu'ils innovent sans fin
Pour nous faire frissonner, les films sont corsés
Pour faire de l'audience, il faut en rajouter
Des seaux d'hémoglobine, d'images saturées
Les voyeurs se terrent, juste pour se rassasier
Notre esprit est hanté, de criminelles violences
On se croit insensibles, à ces scènes d'outrance
Mais qu'on va au lit, toute la nuit on y pense
Ça travaille le cerveau, on n'en a pas conscience
C'est la réalité, écrite en italique
Des histoires tordues, trop fantasmagoriques
Des pulsions non compatibles, avec notre quotidien
N'empêche que les fêlés, assouvissent leur faim
Fiction vite oubliée ou plaisir frustré
Ne voudrais pas parier, sur le dos des distraits
Car le passage à l'acte, ça peut encourager
C'est dans la déraison, que se cachent les timbrés
Notre nature humaine, ne peut y échapper
L'instinct de l'animal, en nous est aux aguets
A différence près, que les bêtes sont douées
Pour assurer survie, faut sans arrêt chasser
Fascination du mal, obscurité de l'âme
Le vicelard qui est en nous, un jour, peut s'éveiller
A force de taquiner nos neurones égarés
Le sauvage qui sommeille, va dégainer son arme
« L'Homme est un loup pour l'Homme », philosophique formule
A force de s'en convaincre, l'humanité recule
Tout est banalisé, le crime, l'indécence
Faut pas être devin, est foutue notre engeance
On nous parle tous les jours, de l'insécurité
Nos rues sont incertaines, et nos forêts hantées
On ne peut plus se fier, même à son propre voisin
En regardant sa gueule, à l'air d'un assassin
Une forme de paranoïa, de nous s'est emparée
Les studios de télé, en ont fait leur marché
Vous voulez de la haine, l'envers de société
Z'allez être servis, on va vous en gaver
Déjà climat social, en a un coup dans le nez
Pourquoi en rajouter, venir nous inquiéter
Notre esprit torturé, pas qu'au sens figuré
Transmet à notre cœur, ses blessures imagées
Pour justifier ses films, aux horreurs sans nom
Le réalisateur, nous ment, prend pour des cons
Pour expurger pulsions, qu'en nous sont enfermées
Séries sont là pour ça, pour tout démystifier
On se met dans la peau, du méchant tavelé
Pour mieux le débusquer, son rôle on doit jouer
Ces belles métaphores, les psys en sont avides
Qu'est-ce qu'on ne ferait pas, pour excuser l'horrible
« En regardant l'abysse, l'abysse voit en vous »
J'ai emprunté à Nietzsche, l'inquiétante pensée
Traduis à ma façon, à force d'être fasciné
On est hypnotisé, on devient fou à lier
« Lumière ne peut briller, que dans l'obscurité »
Une autre définition, inspirée de Bacon
C'est vrai, que désigner, les sauvages furibonds
Ça sert à définir, l'humaine dignité
Fascination du mal, secrète intimité
Sur notre corde raide, on avance apeurés
Si dérape ton pied, y'a pas de rémission
Tu plonges dans le vide, t'écrases pour de bon
Il ne faut pas grand-chose, pour perdre la raison
On est téléguidé par notre inconscient
Si tu perds patience, dans la file d'attente
Tu te surprends honteux, à proférer jurons
Je prends tout au sérieux, je suis un vieux barbon
Mais aux contes de fée, je n'y crois plus vraiment
On manipule sans cesse, la publique opinion
Brassée notre cervelle, finis les sentiments
Bien sûr, je l'ai compris, y'a le blanc et le noir
Moi, j'ai choisi le gris, pour couleur d'espoir
Me fais pas d'illusions, mais souvent ça m'embête
Qu'on vienne chagriner, nos tendres blondes têtes
Parents bien obligés, à nous de décrypter
Le progrès va trop vite, les enfants nous dépassent
On tente d'expliquer, tellement ça nous tracasse
Eux, nous en apprendraient, rayon virtualité…
JC Blanc septembre 2022 (l'Homme est un loup pour l'Homme, bien que les loups eux vivent en bandent, et ne chassent que pour bouffer)