Fatima

Jean Claude Blanc

Ne plus se tromper de colère, qui conduit aux extrêmes en témoigne cette dame kabyle qui fait son job ordinaire auprès des miséreux

          Fatima

Fatima elle habite un quartier retiré

Avec ses 3 gosses, son mari ouvrier

C'est elle qui est la gardienne du foyer des paumés

Un job de la mairie, pour elle bien mitonné

 

Elle a la taille gracile et de profonds yeux noirs

Importée de Kabylie, au sein des Djurdjura

Nantie de son diplôme de médico­-social

D'où la géniale idée, lui fourguer la misère

 

Elle bichonne, console, sa flopée de résidents

Toujours un mot gentil un sourire généreux

Elle sillonne les coursives à longueurs de journées

Je ne connais personne qu'arrive à sa cheville

 

Sa longue crinière brune qu'escamote aucun voile

De femme des Aurès à l'humour facile

Dame disciplinée pour tout organiser

Même les porte flingues, en restent bouche bée

 

Visage enluminé légèrement hâlé

Elle respire la beauté, la chaleur de l'Orient

Un mot tendre pour chacun décerné avec grâce

Humanité tranquille, de modestie sereine

 

Pas bouder son plaisir, de s'enivrer d'étoiles

Au milieu du chaos, on cherche la lumière

Quand on a égaré l'amitié fraternelle

On appelle Fatima pour réchauffer son coeur

 

Quand çà fait du grabuge, arrive à la rescousse

Même que çà lui fait peur les descentes de police

Parce qu'elle est colorée, trois enfants identiques

Et qu'y a toujours un con aux blagues un peu limites

 

Elle sait pas s'ils déconnent ou cherchent à la sauter

Pas sa couleur de peau qui peut les déranger

On ne fait pas dans le chichi chez les ras du bocal

Mais font moins les malins pour grimper les étages

 

On pense au fou furieux qui parle de se jeter

Parce qu'il n'a plus de sous pour se payer sa bière

Malaxant leur matraque de la force publique

Ils jouent à pile ou face pour qui va s'y coller

 

Fatima magnanime arrête le débat

C'est elle qui passe devant avec son jeu de clés

Quelques chuchotements au travers d'une porte

Deux trois mots échangés et l'affaire est réglée

 

Pas d'effusion de sang, c'est chaque fois pareil

On rengaine les armes, à tchao la prochaine

A son air désolé, on sent qu'elle en a marre

De jouer les AS, les sœurs de charité

 

Ne me permettrais pas mettre dans la balance

Mes discours pompeux sur l'humanité

Elle c'est tous les jours qu'elle doit s'les coltiner

J'occuperais son âme s'il y restait de la place

 

Fatima la Princesse au chemisier de soir

Tu es la plus jolie au plus près des étoiles

Moi qui rêve de désert et de soleil couchant

De dunes infinies et de thé à la menthe

 

Devrions de temps en temps remiser dans nos poches

L'aversion, la haine, le racisme et la guerre

Tous sur le même bateau, petits blancs, petits beurs

A Fatima ma sœur, modeste contribution

 

JC Blanc juin 2022 (pour ne plus tomber dans le panneau des extrêmes réacs)

Signaler ce texte