Fêlure
Susanne Derève
Il me semble que je suis pareille à ce vase …
Non pas celui, ma douce, où tu déposes
amoureusement les fleurs de tes doigts fins,
où tu plonges un sourire en fredonnant
au point que les roses en pâlissent,
et dont tu gardes l'odeur sur les mains.
Non, celui que tu as voulu jeter tout à l'heure,
avec son écusson et ses fêlures
d'où s'enfuyaient la sève des fleurs
et le murmure.
· Il y a plus de 5 ans ·Je garde de toi la sève des fleurs,
de tes lèvres , le murmure,
qui me sussure
l'impatience et la langueur ...
C'est en échangeant nos écrits au quotidien,
que j'ai l'idée de tes doigts fins,
plongés dans la mousse
des sensations , d'où tout surgit ou repousse.
Je ne sais où les couleurs m'emportent,
mais de l'offrante écriture ,
je n'ai pu trouver la fêlure :
ton sourire est une porte
qui donne autant qu'il aime recevoir ,
nos mots ont cette source constante
qui ignore l'eau stagnante ,
nous aimons nous y désaltérer et y boire .
Tu dis être semblable à ce vase :
( les fleurs qu'on y dépose
renouvellent indéfiniment leur rose ) ,
et mes phrases, avec les tiennes s'entrecroisent .
Ainsi, jamais l'encre ne sèche ,
car une amoureuse écriture
comble nos fêlures :
ton vase reçoit, et je t'aide à colmater ses brèches...
René C
rechab
Triste mais jolie métaphore !
· Il y a presque 6 ans ·Louve
merci !
· Il y a presque 6 ans ·Susanne Derève
Dans ce poème on peut voir SD rejoindre SP dans l'évocation d'un coup d'éventail.
· Il y a presque 6 ans ·Alain Balussou
Merci pour les devinettes et charades …
· Il y a presque 6 ans ·Ou .. C’est en écrivant qu’on s’instruit ! Je n'ai pas du le relire depuis le collège !
Le vase où meurt cette verveine
D'un coup d'éventail fut fêlé ;
Le coup dut l'effleurer à peine :
Aucun bruit ne l'a révélé.
Mais la légère meurtrissure,
Mordant le cristal chaque jour,
D'une marche invisible et sûre,
En a fait lentement le tour.
Son eau fraîche a fui goutte à goutte,
Le suc des fleurs s'est épuisé ;
Personne encore ne s'en doute,
N'y touchez pas, il est brisé.
Souvent aussi la main qu'on aime,
Effleurant le cœur, le meurtrit ;
Puis le cœur se fend de lui-même,
La fleur de son amour périt ;
Toujours intact aux yeux du monde,
Il sent croître et pleurer tout bas
Sa blessure fine et profonde ;
Il est brisé, n'y touchez pas.
— Sully Prudhomme, Stances et Poèmes, Le Vase brisé
Susanne Derève
Très beau texte Susanne, et merci d'évoquer Sully Prudhomme qui est l'auteur de ce chef d'oeuvre :
· Il y a presque 6 ans ·Les stalactites
J'aime les grottes où la torche
Ensanglante une épaisse nuit,
Où l'écho fait, de porche en porche,
Un grand soupir du moindre bruit.
Les stalactites à la voûte
Pendent en pleurs pétrifiés
Dont l'humidité, goutte à goutte,
Tombe lentement à mes pieds.
Il me semble qu'en ces ténèbres
Règne une douloureuse paix ;
Et devant ces longs pleurs funèbres
Suspendus sans sécher jamais,
Je pense aux âmes affligées
Où dorment d'anciennes amours :
Toutes les larmes sont figées,
Quelque chose y pleure toujours.
René-François SULLY PRUDHOMME (1839-1907)
Julien Darowski
c'est Alain Balussou qu'il faut remercier , et vous aussi pour ce partage.
· Il y a presque 6 ans ·Susanne Derève