Fêlure

Susanne Derève

Il me semble que je suis pareille à ce vase …

Non pas celui, ma douce, où tu déposes

amoureusement les fleurs de tes doigts fins,

où tu plonges un sourire  en fredonnant

au point que les roses en pâlissent,  

et dont tu gardes l'odeur sur les mains.

 

Non, celui que tu as voulu jeter tout à l'heure,

avec son écusson et ses fêlures

d'où s'enfuyaient  la sève des fleurs

et le murmure.




Illustration : " Méditation " Odilon Redon

  • Je garde de toi la sève des fleurs,
    de tes lèvres , le murmure,
    qui me sussure
    l'impatience et la langueur ...
    C'est en échangeant nos écrits au quotidien,
    que j'ai l'idée de tes doigts fins,
    plongés dans la mousse
    des sensations , d'où tout surgit ou repousse.

    Je ne sais où les couleurs m'emportent,
    mais de l'offrante écriture ,
    je n'ai pu trouver la fêlure :
    ton sourire est une porte
    qui donne autant qu'il aime recevoir ,
    nos mots ont cette source constante
    qui ignore l'eau stagnante ,
    nous aimons nous y désaltérer et y boire .

    Tu dis être semblable à ce vase :
    ( les fleurs qu'on y dépose
    renouvellent indéfiniment leur rose ) ,
    et mes phrases, avec les tiennes s'entrecroisent .
    Ainsi, jamais l'encre ne sèche ,
    car une amoureuse écriture
    comble nos fêlures :
    ton vase reçoit, et je t'aide à colmater ses brèches...


    René C

    · Il y a plus de 5 ans ·
    Tulip  avr  21  03

    rechab

  • Triste mais jolie métaphore !

    · Il y a presque 6 ans ·
    Louve blanche

    Louve

  • Dans ce poème on peut voir SD rejoindre SP dans l'évocation d'un coup d'éventail.

    · Il y a presque 6 ans ·
    Photo 1 orig

    Alain Balussou

    • Merci pour les devinettes et charades …
      Ou .. C’est en écrivant qu’on s’instruit ! Je n'ai pas du le relire depuis le collège !

      Le vase où meurt cette verveine
      D'un coup d'éventail fut fêlé ;
      Le coup dut l'effleurer à peine :
      Aucun bruit ne l'a révélé.

      Mais la légère meurtrissure,
      Mordant le cristal chaque jour,
      D'une marche invisible et sûre,
      En a fait lentement le tour.

      Son eau fraîche a fui goutte à goutte,
      Le suc des fleurs s'est épuisé ;
      Personne encore ne s'en doute,
      N'y touchez pas, il est brisé.

      Souvent aussi la main qu'on aime,
      Effleurant le cœur, le meurtrit ;
      Puis le cœur se fend de lui-même,
      La fleur de son amour périt ;

      Toujours intact aux yeux du monde,
      Il sent croître et pleurer tout bas
      Sa blessure fine et profonde ;
      Il est brisé, n'y touchez pas.
      — Sully Prudhomme, Stances et Poèmes, Le Vase brisé

      · Il y a presque 6 ans ·
      Photo

      Susanne Derève

    • Très beau texte Susanne, et merci d'évoquer Sully Prudhomme qui est l'auteur de ce chef d'oeuvre :

      Les stalactites

      J'aime les grottes où la torche
      Ensanglante une épaisse nuit,
      Où l'écho fait, de porche en porche,
      Un grand soupir du moindre bruit.

      Les stalactites à la voûte
      Pendent en pleurs pétrifiés
      Dont l'humidité, goutte à goutte,
      Tombe lentement à mes pieds.

      Il me semble qu'en ces ténèbres
      Règne une douloureuse paix ;
      Et devant ces longs pleurs funèbres
      Suspendus sans sécher jamais,

      Je pense aux âmes affligées
      Où dorment d'anciennes amours :
      Toutes les larmes sont figées,
      Quelque chose y pleure toujours.

      René-François SULLY PRUDHOMME (1839-1907)

      · Il y a presque 6 ans ·
      Profil

      Julien Darowski

    • c'est Alain Balussou qu'il faut remercier , et vous aussi pour ce partage.

      · Il y a presque 6 ans ·
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      Susanne Derève

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