Férule de l'assassin

Christian Lemoine

De quel pouvoir se réclame-t-il ? celui qui assassine, quelle que soit la semence d'où germe sa fureur. Qu'elle se soit nourrie de cette noire colère, plantée dans son cœur labouré à force d'humiliations, de coups, de mépris. Qu'elle ait vu sa fécondation au feu des déjections d'un sentiment sans garde-fou, quand le désiré devient tant sien qu'il en fomente la ruine. Qu'elle plongeât ses racines dans les tourbillons affolés où se noie la raison, inextricable confusion de ses sens fulminés par l'insane intercession de substances corruptrices. Qu'elle prît ente dans le bouturage impensé de l'avidité et de la réfutation d'un autre réduit à l'encombre. Ou encore, qu'elle occurât d'un jeu de circonstances, dans les épisodes incontrôlés, irruption du tragique, où l'absurde se fait raison, et emporte les suffrages du sort. Aussi bien, qu'elle ait pu échoir à ce rétiaire par la sommation du devoir ou l'injonction des hiérarchies. Ou qu'en dernier ressort, il en eût reçu l'assignation de tel souverain invisible et vénéré, au nom de qui sa main prétend répandre le jugement extrême.

De quel pouvoir se réclame-t-il ? De quelle justice est-il le nervi ? Sa conviction sans faille l'imbue du droit qu'il croit. Eût-il reçu de la fortune l'extravagant pouvoir de résurrection, alors peut-être pourrait-il lui être reconnu quelque don exceptionnel. Mais le pouvoir d'occire ! D'un dieu ou d'un hasard, toute vie connaît qu'elle est condamnée. L'outil des trépas n'est en rien, jamais, éminent. Et il se voit puissant par la mort qu'il répand, alors qu'il n'est que dérisoire.

Signaler ce texte