Fratricide

mesnil-au-pain

 


Je me présente à vous mon père et me confesse
Car je m'apprête à commettre un crime
Et je vous supplie de pardonner ma victime

Ces paroles que dans cet isoloir je professe
S'expriment en essence d'un fruit trop mur
Gisant délaissé des bêtes sous leur paumure

Qui à cette présence leur tête dressent.
Trop longtemps ainsi en moi macère
Ce constat, ces conclusions, cet ulcère.

Mon père s'il vous plaît j'aimerais qu'on me pardonne
Je la revois encore comme au premier jour
Dans ces lieux ternes, et pourtant nul séjour

N'aurait pu déteindre sur cette paix qu'elle donne
Au monde, de sa leste présence
Alors que chacun de ses gestes se présente comme une danse

Qu'elle surgisse là, céleste Madone
Souriant de ses lèvres graciles,
Le monde avait un sens, beau et subtil

Ou peut-être était-ce son parfum
Qui tout de sa lumière ou de son essence l'air embaume
Qui exprime dans chacun de ces petits arômes

Qu'on a perçu chaque jour jusqu'à la fin
Cette finesse du goût qui s'affine
Comme ses formes félines et ses lignes fines.

Mon père n'avez-vous vu la procession des Séraphins
Descendus en colonnes de ces blanches nuées ?
Voyez comme face à eux nous nous trouvons diminués,

Tandis qu'eux tous en cohorte, face à elle sereine,
Ne sont qu'heureux serfs
Grattant leur sol de leurs fronts de cerfs.

Regardez les, voyez cette mise en scène
Ils ont composé pour son frère ce cortège
Qui va s'en aller ainsi, triste stratège.

Oui je mettrai fin à sa peine
A lui qu'elle a frôlé de sa grâce
En sournoiserie du destin, sinistre farce

Quand déroulant avec douceur de sa voix
Ces envoûtantes paroles qui me transformèrent
D'inculte inconnu en captif frère

Qui m'enveloppent dans le velours et la soie
Me firent renoncer à mes rêves et raisons
J'aurai pu vivre pour ses passions

Mais mon père ce soir sans plus de foi
Alors que je retrouve enfin lucide
Mon père ce soir je serai son fratricide.


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