Gardiens - Chapitre I

Candice Laudrin

Chapitre 1 : Gardienne d'Esaenad

D'aussi loin qu'il pût s'en souvenir, Will Eudoïn n'avait jamais eu de parents, ni même de quelconque famille. Il lui avait toujours semblé être seul, ou tout du moins vivre seul dans les vestiges de son village délabré. Il y avait bien eu cet autre petit garçon, probablement du même âge que lui – à vrai dire il ne s'en souvenait plus vraiment -, mais lui aussi avait été tué. Will lui avait creusé une tombe des plus gaies qu'il avait recouverte de fleurs blanches, ses préférées.

Les corbeaux se posaient sur les deux morceaux de bois qu'il avait planté dans le sol afin de marquer l'endroit et croassaient lors des matins brumeux, cela l'avait toujours amusé. Il appréciait les corbeaux anormalement nombreux qui chargeaient l'air lourd de leurs ombres fugitives, ils ne l'avaient pas abandonné malgré les années passant. Ils venaient des Bois Grimaçants comme aimait appeler l'enfant une étendue morne et sèche plus au nord où rien ne poussait.

Peu lui importait que ces vestiges du passé étendent leurs bras desséchés vers lui, il avait sa propre forêt verdoyante. Il y poussait toutes sortes d'arbres bien plus grands que lui qu'il ne savait pas reconnaître et qui lui fournissaient de la nourriture. Un troupeau de cerfs passait fréquemment non loin de la bâtisse qu'il habitait, il parvenait parfois à en abattre un et profitait de la douce saveur de leur chair.

Will ne ressentait ni l'envie ni le besoin de quitter l'endroit où il paraissait être né, les terres qui s'étendaient tout autour de lui sur des milliers de kilomètres ne le préoccupaient pas, il n'avait peut-être tout simplement pas conscience qu'un monde bien plus vaste que tout ce qu'il aurait pu imaginer était là, hors de la forêt. Que pourrait-il y découvrir ?

 Jusqu'à maintenant, il n'avait croisé la route d'aucun autre humain extérieur à son village, il trouvait amusant de se persuader qu'il était le dernier représentant de cette espèce. Quelqu'un lui avait appris à se servir d'un arc et d'un couteau pour dépecer ses proies dans une enfance antérieure à celle-ci, il y avait eu plusieurs centaines de personnes autrefois ici, vivant paisiblement. Mais la guerre avait frappé et emporté maints Hommes dans cette contrée, très peu en avaient réchappés.

Puis un jour, Elle était arrivée, Elle avait fauché l'agressive meute de loups qui s'en prenaient à lui comme s'ils n'étaient que de vulgaires chiots. L'un des canidés avait été tué ce jour-là, cela avait attristé Will, son pelage gris était tout tâché de sang, mais Elle l'avait aidé à l'enterrer. Puis Elle était repartie et avait quitté le couvert des arbres tous ébouriffés par les bourrasques chargées de flocons qu'apportait l'hiver. L'enfant s'était même aventuré jusqu'à la lisière des arbres le lendemain pour la voir arriver, mais Elle n'était jamais revenue.

Will avait donc regagné sa demeure, pauvre maisonnette au plancher et au toit délabrés, percés par quelque chute de branche et dévoilant le sol couvert d'une herbe grasse.

Il ne restait plus grand-chose de ce petit bâtiment, tout le village semblait avoir été soufflé par une violente tempête, seuls résistaient au temps les décombres noircis des autres habitations. L'endroit avait pourtant été pittoresque bien des années plus tôt, le garçon se remémorait parfois ses montées et descentes d'escaliers ponctuées de chutes douloureuses mais finissant toujours dans le rire.

La porte d'entrée était encore pratiquement intacte, quelques planches suffisaient à faire taire le hurlement du vent qui cherchait à s'infiltrer par tous les moyens dans le moindre interstice. Une volée de marches y menait, autrefois bordées par des œillets rouges fort vivaces, puis l'on entrait dans une pièce aux multiples usages, servant de salle à manger et de cuisine, mais aussi d'un terrain de jeu qu'affectionnait particulièrement Will.

Le mobilier était sommaire, une table en bois de chêne occupait le centre de l'espace, deux bancs étaient disposés de façon à s'asseoir, le reste était composé d'une armoire massive où l'on rangeait le couvert contre le mur de gauche, à droite se trouvait un divan bleu couvert de broderies dorées sous lequel courait un tapis vermeil qui étirait ses fils ébène et acier jusqu'à l'âtre d'une cheminée où flambait un feu crépitant.

Un mince escalier, tout grinçant qu'il était, éclairé par une fenêtre donnant sur l'extérieur menait à l'étage. Deux chambres modestes où était soigneusement rangée une quantité folle de livres que Will ne savait pas lire ainsi qu'une pièce où l'on pouvait se laver à sa guise constituaient ainsi le reste de la bâtisse.

L'un des bancs avait été brisé, le second tenait encore difficilement debout, la majeure partie de la demeure était complètement inutilisable, jonchée de feuilles mortes et de divers végétaux en décomposition, elle offrait un refuge idéal aux chouettes qui s'y installaient parfois et se laissaient approcher par l'enfant qui s'émerveillait de ces grands oiseaux tachetés et silencieux.

Près d'une centaine de printemps s'étaient écoulés depuis le dixième anniversaire de Will, le vingt juin, il était désormais âgé de seize ans et avait grandement changé. Son visage s'était aminci, non seulement coloré par ses joues légèrement roses, mais surtout illuminé par de splendides yeux en amande d'un vert émeraude pur où se perdaient des paillettes d'or lui conférant un regard troublant. Les cheveux châtains foncé coupés courts, quelques mèches rebelles lui tombaient toutefois sur le front. L'extrémité de son sourcil gauche était barrée par une petite cicatrice, sa bouche demeurait la majeure partie du temps droite, soumise à peu d'amusement.

Il commençait à songer à ce qui se trouvait hors de la forêt, l'envie de quitter ce village désolé se faisait chaque jour plus pressante, mais où irait-il, seul comme il l'était ? Malgré tout, il ne désirait pas finir son existence ici, il se rendait fréquemment à l'orée de l'étendue boisée et contemplait l'horizon peuplé de dépouilles grises d'arbres aux bras nus. Peut-être que le vaste monde n'était que cela, vaste étendue morne et triste ?

Allongé sur le divan bleu usé par le temps, une couverture le recouvrant, il réfléchissait à tout cela sous les rayons enchanteurs de la pleine lune qui parvenaient jusqu'à lui au travers d'une fenêtre poussiéreuse. L'astre nocturne était magnifique ce soir-là, tout respirait d'une tranquillité reposante, seuls résonnaient de temps à autre de fugaces battements d'ailes ou de martèlement de sabots sur le sol tendre de ce début de printemps. Les températures commençaient lentement à remonter et la vie s'épanouissait, faisant fleurir les bois et les vallées, chargeant les plantes de feuilles aux vives teintes vertes caractéristique des suites de l'hiver.

La nuit était chargée de parfums divers mais celui des fleurs de cerisier était sans conteste le plus présent d'entre eux. Leurs pétales d'un rose délicat recouvraient toutes les branches et se dispersaient au gré du vent, apportant une légère gaieté dans les décombres, mais ils ne duraient que très peu, comme chaque année, Will appréciait tout particulièrement de s'allonger contre les racines de l'arbre et d'observer la lente course des nuages dans le ciel bleu, un livre dont il ne comprenait mot à la main, s'imaginant ce qui pouvait être écrit. Histoire de quelque monstre abracadabrantesque ou recueil de légendes, qui sait, la plupart de l'encre sur les pages avait coulé, trop longtemps confrontée à l'humidité. Les cieux étaient clairs et limpides en cette nuit d'avril, il avait plu toute la journée durant, d'une pluie fine qui rafraîchissait agréablement, mais la perturbation était passée et laissait les environs détrempés.

La chouette qui nichait à l'étage poussa soudainement un hululement inquiet et s'envola vivement, puis Will entendit résonner le hennissement d'un cheval. Chose curieuse, eux qui ne s'aventuraient jamais jusqu'ici. Le jeune homme cessa tout mouvement, aux aguets, puis il se redressa lentement et s'assit sur le divan, sa main droite agrippant le manche d'une longue dague qui ne le quittait plus depuis des années. Le vent se leva et les arbres se mirent à grincer, puis il y eu comme un cliquetis métallique et un murmure, là, dehors. Pendant un temps, plus rien.

Mais la maison s'ébranla brusquement, comme prise de tremblements, le bois semblait frissonner. La poignée de la porte d'entrée se tourna lentement dans un gémissement effroyable et plaintif et à la plus grande surprise de Will, dévoila une silhouette humaine. Il resta un instant troublé, les battements de son cœur affolé résonnant à tout rompre dans sa poitrine. Il avait la désagréable impression d'être particulièrement vulnérable. Ses bras tremblaient alors qu'il tenait son arme puis il déglutit, remarquant la corde et l'ossature d'un arc se détacher dans l'ombre. Un carquois rempli de plusieurs dizaines de flèches à empennage sombre était également passé dans le dos de l'individu qui, pour le moment, restait immobile. Le jeune homme finit par demander d'une voix bredouillante et mal assurée :

—    Q... Qui êtes-vous ?

Tout son corps était affolé, il ne s'agissait que de sa troisième rencontre avec un autre membre de son espèce, les deux premières étant trop lointaines pour qu'il puisse s'en souvenir correctement. Le feu crépitait joyeusement derrière lui comme pour inviter l'étranger à rejoindre Will près du divan. L'intrus fit un pas, pivota légèrement pour refermer la porte puis retira le capuchon qui lui recouvrait le haut du crâne, arrachant un hoquet de stupeur au garçon.

C'était bien Elle, il la reconnaissait, comment aurait-il pu oublier ces grands yeux rouge sang éclairés par une discrète lueur de tristesse ? Elle avait les cheveux bruns qui lui arrivaient jusqu'aux épaules, une délicate odeur de rose se dégageait de son corps. La peau pâle rehaussée par le vif éclat de ses pupilles cernées de crayon noir, elle était très belle.

Il faisait suffisamment clair pour qu'il puisse détailler sa tenue, elle portait des jambières ébène surmontées de hautes bottes de même teinte à motifs vermeils ainsi qu'un short décoré de fils  écarlates tressés sur ses flancs. Une tunique serrée à manches longues et plus large une fois les avant-bras passés était elle aussi ornée d'arabesques rouges. Elle revêtait également des épaulettes argentées auxquelles était rattachée une longue cape sombre à son extrémité brodée de fils blancs qui dessinaient un arc et une épée croisés. Les deux armes étaient entourées par quatre symboles étranges que Will n'avait jamais eu l'occasion de voir. Elle tendit une main couverte d'un gant court vers le couteau qu'il tenait si fermement, puis elle interrogea :

—    C'est une belle arme que tu possèdes là, où l'as-tu trouvée ?

Bouche bée, l'intéressé mit un moment à répondre, troublé par la soudaine arrivée de cette femme dont il ignorait tout.

—    Je... Il me semble que mes parents me l'ont léguée avant de disparaître, elle a toujours été dans cette maison...

—    Conserve-la précieusement, il n'en existe pas deux semblables, c'est un objet assurément très coûteux.

Elle était encore debout, observant attentivement Will. Il y eu un temps de silence, puis elle reprit d'une voix douce :

—    Mais il me semble que je te dois des explications, à toi qui vis depuis maintes années dans cet endroit de malheur. Je me prénomme Niria Valiamor, nous nous sommes déjà rencontrés il y a bien longtemps mais tu n'étais encore qu'un enfant.

La femme était parvenue à dissiper une partie des craintes du garçon qui inspira profondément et répondit calmement :

—    Je suis Will Eudoïn, mais peut-être en savez-vous plus sur moi que ma propre personne, c'est du moins l'impression que vous me donnez.

Le visage de Niria se fendit d'un sourire, elle se rapprocha quelque peu de Will et poursuivit :

—    A vrai dire, tu attires ma curiosité, Will Eudoïn, tu n'as pas l'air d'être au courant de ce qui se passe à l'extérieur de cette forêt. Pourtant il s'étend par-delà le couvert de ces arbres un monde infiniment vaste que tu ne connais guère. Tu as sans doute eu raison de rester caché jusqu'à aujourd'hui car nombre d'hommes et de créatures sont mauvais dans ce monde, mais je suis venue à ta rencontre pour te proposer de m'accompagner.

—    Ne venez-vous pas de me dire que j'avais bien fait de demeurer en ces bois ?

—    En effet, tu étais auparavant trop jeune, tu serais tôt ou tard tombé face à quelque ennemi et tu n'aurais plus foulé cette terre, toutefois ma protection est la plus sûre qui soit. J'ai parcouru des milliers de kilomètres pour réussir à t'atteindre dans l'espoir que tu aies survécu. Lorsque je t'ai vu pour la première fois, j'ai senti que tu dégageais une certaine aura fort intéressante mais tu étais trop faible pour que je puisse t'emmener. Tu es à présent âgé de près de trois cent printemps, ce qui est suffisant. Ce que je vais te raconter te troublera sans doute, tu n'as après tout jamais eu connaissance de l'univers autour de toi, mais écoute-moi attentivement.

Will hocha la tête et attendit la suite :

—    Nous nous trouvons dans le Royaume d'Esaenad, une immense terre verdoyante et regorgeant de secrets. Je suis membre de l'Ordre de Platine, une confrérie de guerriers œuvrant pour le bien et la sécurité de la population. Nous nous battons contre un second monde bien plus sombre et malfaisant, le Royaume de Kriceosta. Les êtres qui le peuplent n'ont qu'un seul objectif : prendre le contrôle de tout être vivant ici. L'Ordre de Platine se doit de les défendre et de protéger les deux villes restantes : Messtopée et Azur, la cité-mère. L'étendue morne et désolée s'étendant au nord de ton village est le résultat de la Grande Guerre, une horrible période de l'Histoire d'Esaenad, les armées ennemies sont parvenues jusqu'ici et ont ravagé les alentours, elles ont dû faire de même avec les quelques maisons qui étaient autrefois ici. J'ignore qui étaient tes parents et quelle était leur fonction, mais il est fort probable qu'ils aient péri lors de la Grande Guerre, elle a arraché maintes vies que nul ne saurait restaurer.

Ces noms se perdaient dans l'esprit du garçon, il s'agissait pour lui d'un grand nombre d'informations nouvelles, il restait encore abasourdi quand il songeait à son inconscience. Il prit quelques minutes pour réfléchir, puis une nouvelle question franchit le seuil de ses lèvres :

—    Vous voudriez donc que moi, Will Eudoïn, qui ne connaît à l'art du combat, rejoigne les rangs de cet... Ordre de Platine ?

—    Tu pourrais également rester ici mais les périls finiront par t'atteindre et tu seras alors emporté toi aussi. Rejoindre la confrérie à laquelle j'appartiens serait pour toi l'occasion de découvrir Esaenad, toi dont l'existence se résumait à ce seul village. Tu apprendras à te battre, n'aie crainte, et d'autres choses encore, plus nombreuses que tu ne l'imagines. Je suis également membre des quatre mentors qui composent l'Ordre, nous avons pour but de former des élèves afin qu'ils puissent défendre le royaume à nos côtés. Tu rencontreras des personnes de ton âge qui ont elles aussi été choisies par les autres mentors. Alors oui, je te le demande, Will Eudoïn, souhaites-tu m'accompagner dans mon devoir de Gardienne d'Esaenad ?

Will leva les yeux vers le ciel comme il faisait lors de ses moments de réflexion et murmura d'une voix tout juste audible :

—    Qu'en penses-tu, est-ce raisonnable ?

Une bourrasque ébranla l'étage de la maisonnette en sifflant puis la lune, qui s'était vue masquée par un nuage, reparut et éclaira à nouveau la pièce où se trouvaient Niria et Will. Des pétales de fleurs de cerisier voltigèrent et s'élevèrent dans l'air encore frais de la nuit. L'adolescent s'approcha de la fenêtre et resta observer un instant le ciel nocturne où luisaient des dizaines d'étoiles scintillant d'un éclat pâle et fragile, puis il se retourna lentement et conclut :

—    J'accepte votre proposition, mais j'aurai une requête en contrepartie.

—    A ta guise, quelle est-elle ?

—    Avez-vous une famille ?

Niria considéra le jeune homme, le détaillant de ses yeux rouge sang, puis elle lui apporta sa réponse :

—    J'avais autrefois un père mais la maladie l'a rongé et est venue à bout de lui, ma mère et ma sœur ont elles aussi péri il y a fort longtemps. Je n'ai donc plus aucune famille, tout comme toi. Est-ce tout ce que tu souhaitais me demander ?

Will remarqua que l'étincelle de tristesse brillant dans les prunelles de son interlocutrice s'était ravivée, il déclara donc :

—    Oui, du moins pour le moment. Quand allons-nous partir ?

—    Il serait préférable de quitter ces lieux dès à présent, la forêt est certes verte et accueille maintes créatures mais il est de mauvaise augure de rester près d'endroits maudits et hantés par les esprits torturés du passé, les centaines d'arbres morts plus au nord sont emplis d'un mal profond, cela m'est fort désagréable. Je te laisse faire tes adieux seul, rejoins-moi dehors une fois cela fait.

—    Oh, c'est inutile, rien ne me rattache à cette maison ni à ce village hormis cette dague, je la conserverais en guise de souvenir, cela m'est amplement suffisant.

Ce disant, il désigna l'arme qu'il tenait encore entre ses doigts, la lame reflétait la vague silhouette de la pleine lune. Le poignard était fait d'un métal luisant de l'éclat froid de l'acier mais pourtant infiniment plus résistant, le pommeau était incrusté de minuscules diamants blancs formant une sphère sous laquelle s'étirait la fusée ornée de minces morceaux de cuir brun entrelacés. Le pommeau venait ensuite, arc de cercle  ébène orienté vers la pointe de la dague, puis enfin la lame brillant d'un splendide éclat céruléen, elle était couverte d'étranges symboles luisant d'une lumière nacrée.

—    C'est étrange, il m'est impossible de lire à travers elle, je sens la présence d'une magie fort ancienne datant de plusieurs dizaines de millénaires, les runes présentes sur la lame attestent d'un enchantement. Allons-y dans ce cas, nous avons une longue route à parcourir et la nuit est déjà bien avancée. Dans environ dix jours, nous serons parvenus de l'autre côté du royaume, là où se trouve ma demeure.

Elle ouvrit alors la porte d'entrée de la bâtisse et en sortit, précédée par Will qui jeta un dernier regard à son ancien chez-lui. Son attention fut rapidement reportée devant lui, là où se dressait une créature étrange mais gracieuse. Elle ressemblait en tous points à un cheval mais le long de ses flancs étaient repliées deux larges ailes recouvertes de plumes. L'étalon possédait un poil fin et lustré d'un noir profond, il secoua fougueusement sa longue crinière et gratta le sol de ses sabots vigoureux. C'était assurément un animal rapide, il piaffait d'impatience et ses muscles noueux se dessinaient sous son pelage luisant.

 Il ne portait pas de selle mais une simple bride attachée à sa tête fine. Le puissant destrier se tourna vers le garçon et s'approcha de lui, les oreilles pointées vers l'avant, puis il se mit à le humer et finit par pousser un faible hennissement. Ne sachant trop quoi faire, Will se risqua à caresser l'encolure du cheval qui le laissa agir sans broncher.

—    Voici Aerion, mon compagnon de voyage, il nous portera avec plus de célérité que toute autre monture.

A ces mots, Niria enfourcha lestement la monture et tendit la main à Will afin qu'il la rejoigne. L'adolescent attrapa le poignet de la jeune femme et grimpa maladroitement sur le dos d'Aerion. Il s'accrocha comme il le put à Niria puis l'étalon s'envola après quelques foulées et prit de la hauteur, les propulsant quelques mètres au-dessus de la cime des arbres.

Jamais Will n'avait pu contempler tel spectacle, la forêt s'étendait sous ses pieds, large et touffue. La lune offrait une magnifique clarté et faisait resplendir la surface limpide d'un étang en contrebas, là-bas des cerfs couraient harmonieusement, bondissant par-dessus racines et buissons. Le paysage baignait dans une douce atmosphère nocturne peuplée par de perçants hululements et d'ombres mouvantes, les rayons argentés accentuaient la noirceur d'Aerion, son pelage semblait d'obsidienne. La créature se perdait parmi les cieux cobalt, forme incertaine battant de temps à autre des ailes.

Les membres crispés, Will craignait de chuter à chaque instant malgré la fascination qu'il ressentait, ses muscles commençaient à tétaniser. Il tâcha de se détendre, jalousant Niria qui paraissait tout à fait à son aise.

La vue était certes des plus agréables mais le printemps tardait à s'installer, le vent froid de l'hiver régnait encore, subsistant tant bien que mal. Sa morsure était vive, semblable à des pointes d'acier, Will se recroquevilla davantage en frissonnant, regrettant de ne pas être vêtu plus chaudement. Il ne portait qu'une chemise de lin usée par le temps et un pantalon de velours brun déchiré à plusieurs endroits.

Il pouvait apercevoir de lointains nuages gris filant vers le nord, pesamment portés par la fraîche brise. On entendit le roulement du tonnerre plus à l'ouest, l'horizon était troublé, probablement par quelque chute de pluie.

Ils volèrent ainsi durant de nombreuses heures au cours desquelles Will sombra dans un sommeil troublé, bercé par les mouvements réguliers d'Aerion.

 

*

 

Lorsqu'il ouvrit à nouveau les yeux, le soleil commençait sa lente montée dans le ciel devenu orangé. Une immense plaine s'étalait à présent sous eux mais le garçon replongea bientôt dans l'inconscience. Il lui sembla qu'une année entière passa avant que le cheval ne pique vers le sol pour s'y poser.

 

 

 

 

  • Merci pour le commentaire et le conseil !

    · Il y a presque 4 ans ·
    Paysage 8

    Candice Laudrin

    • De rien Candice , comme tu es jeune ce site pourrait parfois te décevoir !! je t' enverrai en privé un site où l y a un comité de lecture etc tu soumets tes écrits et seulement après leur avis l le montre aux autres :)

      · Il y a presque 4 ans ·
      Mcgoohanallnightlongcrop1

      prisonnier

  • jolie et bien écrit , sois prudente tu mets beaucoup à lire , ne mets que des échantillons pour éviter qu' on te pique tes idées

    · Il y a presque 4 ans ·
    Mcgoohanallnightlongcrop1

    prisonnier

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