Guédelon

Je cherchais un coin peinard pour couler une retraite paisible et bien méritée après avoir passé une vie active dans un atelier de chaudronnerie. Ce havre de paix, je le trouvas… vis… vai, à Treigny dans l'Yonne. Pas de coq, pas de vache, pas d'âne, juste les pépiements des oiseaux en trilles mélodiques accordées en Mi mineur… Le calme, le bonheur !

Ça n'allait pas durer. Des hurluberlus sont arrivés de partout, D'où venaient-ils tous ces gugusses ? Du passé c'est sûr, vu leurs fringues ils ne pouvaient pas venir du futur, les extra-terrestres. J'interrogeais au hasard un élément de la tribu.

-         Tient, toi avec ta gueule d'abrutis, dis-moi quel est tout ce chambardement « tintamaresque » ?

-         Gentils autochtone, vous allez être le témoin de la plus grande aventure médiévale de tous les temps non médiévaux, la construction d'un château fort ancien par des gens modernes avec les outils anciens comme dans l'ancien temps post-moderne.

-         Ok ! Et quel intérêt ? Sinon de venir me casser les pieds et surtout les oreilles à taper du matin jusqu'au soir.

-         Brave novice profane, il faut tailler les pierres, elles ne tombent pas du ciel toutes taillées, voyons ! Et quant à l'intérêt, c'est pour la beauté du geste.

-         OK, l'intérêt, y a pas ! Quant à la beauté du geste vous ne pourriez pas le faire en silence, le geste n'en serait pas moins beau. Inspirez-vous des chansons de geste des chevaliers courtois.

-         Non ! Il faut faire tout bien comme avant. Essarter les arbres en forêt, les ramener avec les chevaux de trait attelés de trinqueballes, les équarrir, ici, à coups répétés de doloire pour en faire une poutre maîtresse. Evidemment c'est bruyant !

-         Et ça va durer combien de temps ce tintamarre ?

-         Environ trente ans, oui, c'est long à la main, pour sûr !

-         Putain de merde !

-         Mais après, on fera le village alentour, pour plus de véracité cohérente.

-         J'aurais mieux fait d'acheter près d'une centrale nucléaire, c'est plus sûr.

***

Comme je vais partir en vacances et pour que vous ne vous languissiez  pas trop de moi, je vais vous infliger la nouvelle de Guédelon, extraite d'un recueil de trois nouvelles policières, jamais envoyé (le recueil) à aucune maison d'Edition. C'est une primeur rien que pour vous, bon appétit. (Bon c'est un peu long, quand même.)