Hier, je me suis indignée...

breinmilliner

S'indigner oui ! Quand une situation choque, interpelle... Mais vérifier la véracité, la source de ce qui indigne, qui le fait ?

Hier, pas tout à fait hier, mais faisons comme si...

A l'écoute d'une station de radio, de retour du bureau, je prête une oreille distraite à la route et examine avec attention le poste cd. Attitude que je déconseille fortement à tout auditeur averti et son pendant, le conducteur, en l'occurrence, la conductrice, responsable.

Et oui, à toutes fins utiles si vous aviez des doutes : n'en déplaise à ce prénom bizarre que je me suis choisie, Brein, qui se traduit par « pointe de flèche », non sans analogie avec celui dont m'ont affublé mes géniteurs et son origine germanique qui  renvoie à « fer de lance », je suis une femme. Non pas que je regrette mon présent état, une paire d'escarpin taille trente-huit, c'est très mignon, et il y a d'autres petits avantages que j'adore. Mais parfois j'envie, non pas, la testostérone de ces messieurs ou leur esprit acéré (Si si j'en connais ! Et j'en ai rencontré, ici sur WLW, cherchez si vous avez des doutes, mais ailleurs aussi !). Non tout simplement, je jalouse un peu leur physique souvent plus résistant. Ainsi, entre pointe de flèche et fer de lance, j'étais destinée semble-t-il à affûter mes armes et les projeter sur des cibles choisies...

Ce fameux jour, je prends la route de mon « home sweet home » en clair et bon français, mon cher nid douillet. Je remise le cd de Tracy Chapman dans la boîte à gants (oui je sais, elle chante en anglais, mais j'aime sa voix et ses mélodies), après m'en être gavée pendant des semaines, jusqu'à friser l'écœurement « mélomanique ». Si ce mot n'existe pas et bien je l'invente ! Et si vous n'êtes pas d'accord, laissez-moi vos coordonnées en message privé, je me perfectionne dans le tir à l'arc et une cible mouvante ça peut aider ! Bref, une fois planqué mon unique cd, je dois me contenter de la radio et j'échoue sur une station nationale plutôt prisée pour la qualité de ses programmes. Je passerai sur la complexité des postes radios d'aujourd'hui avec toutes ces petites touches qui m'agacent et souvent me font virer frappadingue... je requiers régulièrement la sagacité de mon compagnon pour régler la « bête ».

Une émission démarre justement. La musique du générique d'ouverture, du classique pur jus.. Les voix des deux chroniqueurs m'interpellent tandis qu'une pensée aigre surgit : « Purée, ils se la jouent à fond ces deux-là ! ». Des voix étudiées, suaves, franchement le genre qui me hérisse. Un couple : Lui médecin, Elle psychothérapeute... J' hausse un sourcil mais plutôt que de zapper frénétiquement grâce à la petite manette au volant (trop pratique...ma très vieille voiture, précédemment, ne possédait pas ce genre de gadget) je leur laisse une chance, motivée par la réputation de sérieux de Fr....-..... .

J'ai vaguement capté le sujet de l'émission, « le voyage... ». Débarque le premier témoignage, Patrick : il se présente et précise être handicapé suite à un accident de scooter à l'âge de 17 ans. A cette déclaration, la réaction de la chroniqueuse provoque un double haussement de sourcils : elle se permet quelques interjections style « Aie, aïe, ouille, ouille » qui ne profilent rien de bon pour la suite. Effectivement ce ne sera qu'indélicatesses et maladresses tout au long de la très courte intervention de cet homme. Les deux intervenants (Elle et Lui) posent des questions des plus déplacées, placent des commentaires hors de propos. Elle, tout d'abord simple faire-valoir, ne cesse de relever les fautes de français, liaison en « h » et autres détails sans intérêts...

Morceaux choisis :

Lui : « Patrick, vous désirez vous adressez à Moi, le médecin. Patrick, je ne voudrais pas vous faire de fausse joie, vous ne remarcherez jamais ! »

J'avoue qu'à cet instant, je me dis que j'ai forcément mal compris... ou bien que je me suis égarée sur la bande... FM, non pas dans la lande... bretonne.

Plus tard, après que l'auditeur ait confié avoir un enfant :

Lui : « Mais vous l'avez eu avant ? »

Sous-entendu avant votre accident, qu'il a eu à 17 ans, si vous suivez, parce que les chroniqueurs pas du tout.

Patrick : « Non ».

Lui « Votre femme vous l'avez rencontrée  avant ? »

Patrick : « Non ».

Lui : « Votre femme est handicapée ? »

Patrick : « Non ».

Elle : « Et votre fille, est-ce qu'elle vous en veut parfois ? »

Patrick : « De quoi ? »

Elle : « De ne pas pouvoir courir, jouer avec elle … »

Hallucinant, je n'en crois pas mes oreilles : « Mais qui sont ces deux bouffons ? ». Et toute ma sympathie va d'emblée au type qui a eu le malheur de vouloir témoigner. D'ailleurs, sa voix trahit plus que de l'agacement.

Quand Patrick tente d'expliquer pourquoi il en veut à la SNCF (thème du voyage) : la Société de Chemin de Fer ne prévoirait qu'un siège handicapé par train. Le jour de son voyage, le siège étant déjà attribué, et les réservations ne pouvant être faites par internet, il n'a pas pu prendre le train . Là le dialogue devient ubuesque:

Lui : «  vous êtes dans un fauteuil (roulant) toute la journée, en quoi est-ce inconcevable d'y rester ? ».

Patrick : « Parce que j'ai droit à un siège »

Lui : « Vous en avez un toute la journée sous vos fesses ! »

Patrick : «  Vous emportez votre chaise pour prendre le train vous ? »

Lui : commentaire qui pourrait être en aparté sauf qu'il est parfaitement audible « D'accord... conversation impossible... »

Patrick  continue et tente d'expliquer qu'être en fauteuil roulant dans le TGV est très inconfortable (probablement le roulis et les vibrations puisque le dit-fauteuil n'est pas fixé à la structure), qu'il ne peut pas utiliser sa tablette pour travailler...

Lui : « Pour travailler ? Parce que vous avez un travail...

et reprise de :  «  c'était avant ? … »

Le grotesque atteint des sommets, Patrick finit par franchement s'énerver, se le voit reprocher avec une condescendance intolérable, et il met fin à la conversation en raccrochant avec brutalité.

Là-dessus, mon couple de chroniqueurs continue à déblatérer, étaler sa science, sans se préoccuper de la médiocrité de sa propre prestation, trop imbus d'eux-même pour réaliser leur totale absence d'attention, d'empathie, d'écoute...

Et moi, qui vient de garer ma voiture devant la maison, je reste quelques secondes interloquée et passablement indignée. Comment une station aussi réputée peut employer deux personnes si peu professionnelles ?

REPONSE

- Bien sûr, vous auriez su de suite que c'était un canular ? Croyez-moi, vu comme j'ai démarré l'écoute de cette émission, sur le moment ça n'avait rien d'évident. Apparemment je ne suis pas la seule à m'être fait avoir par le passé, mais mea-culpa quand même.

Il s'agissait de « A votre écoute, coûte que coûte » (rien que le titre, aucun doute) et cet épisode a fait l'objet d'une première diffusion le 22 août 2013. Tous les intervenants sont des acteurs. Ma palme revient à l'interprète de « Patrick » pour sa capacité à susciter le soutien et l'empathie malgré un côté un peu rugueux.

Comment je l'ai su ? En allant écouter le pod-cast (encore une de ces petites choses que la technologie nous offre ). En son temps Orson Wells avait terrorisé les foules avec le tout premier canular radiophonique.

MORALE de cette CHRONIQUE :

Pour toutes les fois où je risque de tomber dans le piège !


Rester vigilant ! Ne pas s'emballer ! Ne pas croire tout ce qui est entendu, tout ce qui est vu, via les médias ! Tous les médias ! Surtout les médias ! Vérifier les sources... et celles des sources ! Et la  première de toutes : soi-même avec toutes ces réactions internes et leur motivations cachées... Et enfin bannir les « on dit » ! etc... etc...

Hier, je me suis indignée, aujourd'hui, je me suis fort moquée... de moi !

(D'ailleurs, je vais voir sur le site de la SNCF... histoire de ne pas garder en tête des informations erronées...)


Brein Milliner

Article publié sur le blog :

https://despointssurlesi.wordpress.com


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