Le Hollande 2.012

Florent Lassale

Tout est vrai. Le 11 septembre a eu lieu un vendredi 13. La terre est plate et les extra-terrestres sont parmi nous. Les grands de ce monde sont des robots ou bien des mutants. Tout est conspiranoia !



Chapitre lambda



C'était le point presse de l'Élysée. Le Hollande 2.012 venait de cafouiller, les mots se télescopaient dans sa bouche : « Le reste, ce sont des commentaires qui ne peuvent pas s'ajouter à des commentaires. »

Il lançait cette formule de sa voix atone et un peu mécanique avec un air de colère contrefaite.

Le directeur de cabinet lança un regard noir au technicien, l'ingénieur Antonin Matois, un jeune homme d'une trentaine d'années au visage anguleux et cependant précocement chauve. Le Directeur, ancien préfet aux cheveux grisonnants et au visage également sec commenta :


- Il devient incompréhensible et vraiment nul.


Ils se tenaient tout deux hors-champ à droite du Président L'ingénieur haussa les sourcils et dit :


- Je ne trouve pas. C'est encore un petit bug, ça va passer… Les sous-routines IA vont s'occuper des X-runs de redondances sémantiques. Pour moi, je trouve que ce cafouillage rend un effet assez……humain. Cela ne veut pas dire grand-chose, cette phrase, mais le programme d'émulation stratégique individuante tourne bien.


Le directeur de cabinet se raidit un peu plus et lança d'une voix sèche, aiguisée par un accent martial :


- Vous m'énervez de plus en plus Adrien, certes les sous-routines bla bla bla, mais à la fin ça devient vraiment trop ridicule. Ces gens sont des journalistes, ils sont intelligents et pour certains, lucides, alors ne me racontez pas d'histoires. Le service maintenance et processing est catastrophique, je me permets de vous le dire.


L'ingénieur le toisa avec un sourire glacé :


- Ecoutez, Jean-Pierre, je fais mon boulot et c'est tout, comme on me le demande. J'ignore même qui me le demande et je vous soupçonne de n'en pas savoir beaucoup plus que moi. Voilà six mois que je réclame un update des bases de données du Hollande 2.012 si on veut en faire un Hollande 2.017 mais je m'oppose à un refus systématique. En plus vous sabotez mon boulot avec la sortie d'un livre qu'il ignore même avoir écrit.


Le Directeur de cabinet répondit gravement :


- Le Conseil Secret a voté contre cet update. C'est tout ce que vous devez savoir. Secret défense.


- Alors ne vous étonnez pas si le 2.012 produit du bug, répondit l'ingénieur cybernétique, pour moi c'est vraiment une honte : cet androïde est une merveille d'usinage cutting edge technology et le hardware fonctionne à la perfection. Mais son intelligence artificielle demande également à être implémentée : plus vous attendez et plus il retombe en quelque sorte en enfance, il perd en pertinence et en crédibilité.


Le Directeur grinça presque des dents, son tempérament le trahissait parfois, il avait la voix basse sourde de colère contenue :


- Arrêtez de me cutting edge technologiser et de me hardouèrer ! Votre boulot c'est de le faire fonctionner : il ne reste plus très longtemps à tenir et bientôt il sera retiré du circuit démocratique. La Machine prépare le Macron 2.017 dont les performances aux tests sont très très prometteuses.


L'ingénieur le regarda perdre contrôle pendant trois longues secondes puis rehaussa avec indifférence ses lunettes sur son nez et dit :

- Encore un augure du Conseil  je suppose, alors le Hollande 2.012 restera un pantin articulé jusqu'au dernier moment avec quelques phrases dans la bouche comme des chewing-gums qui auront perdu leur parfum : voilà le résultat de ces décisions. L'élément humain dans la prise de décisions aussi importantes augmente le taux d'erreur.

- La Machine nous fait confiance, elle sait ce qu'elle fait ! Elle nous a choisi Adrien !

- Oui, dit l'autre, au commencement était le Nombre.

- Au commencement était le Nombre.

Pendant ce temps-là le Hollande 2.012 reprenait : les sous-programmes avait repris la main en 562 millisecondes il poursuivait :

« Messieurs mesdames, je vous remercie. » 

Il fit un demi-tour un peu maladroit et disparu par la sortie en coulisses.

Les nombreux journalistes le regardaient éberlués ; cette sorte d'apathie en mouvement et la déambulation un peu grotesque faisait penser à un jouet mécanique qui s'agitait au bout du ressort.

- Mon Dieu. Il est vraiment fatigué : 4 % opinions positives ça doit vraiment le travailler. On dirait un robot. 


- Nous sommes en Démocratie, il devrait démissionner à mon sens, sa légitimité démocratique est quasi nulle, c'est un facteur de désordre supplémentaire.


C'était Ruth Elkrief qui parlait à son collègue Jean-Jacques Bourdin. 






Signaler ce texte