Ici et là-bas

Louer un château pour les cousinades en France, parler de ceux qui sont restés à l'étranger, des vacances au pays, des étés brûlants de là-bas qui grillent champs et collines. Taire les secrets que tout le monde connaît, mentir pour enjoliver les choses, partager quelques confidences, mentir à sa mère sous les yeux du bon Dieu qui tremble, prier une madone oubliée, perdue dans une vie dite moderne. Qu'est-ce que le progrès quand tout change tout à coup au mépris de l'humanité?

La maison familiale, celle d'ici, était un vrai château pour les enfants, deux bouts de chou autour desquels le monde tournait, Antoine et Téa ont bien grandi depuis. Le garçon a dépassé son père, l'aînée a bientôt dix-huit ans. Le temps passe tellement vite! La vielle maison au pays, celle qui a vu passer tant de cousins, tient encore debout. Elle est faite de poussière et de souvenirs séculaires, grandes tablées et grandes retrouvailles avec ceux qui vivent loin, elle rapproche et supprime les distances avec cette chaude proximité qui caractérise les familles du grand Sud. Même si leur amour est fait de vieilles querelles et de vieilles rancoeurs (mais pas que..) il est bien ancré dans les coeurs. Avec ma mère on compte en siècles, le temps s'étire comme une aile (Cabrel et ses colchiques m'inspirent), on remonte jusqu'à l'arrière grand-mère...

C'est dimanche aujourd'hui, le jour des mamans, beaucoup sont veuves dans la famille, le soleil est de la partie même si celui de février nous épargne de sa cruauté. Ici ou là-bas, il peut être féroce et implacable, au pays il nous assomme de sa vielle chaleur sur le bitume où poussent des caprons sauvages. Là-bas dans la fraîcheur des greniers en pierre je cherchais des bouquins, des traces d'un passé que je pouvais garder avec moi, j'ai trouvé des photos que j'ai soigneusement rangées dans un album de famille. Des albums de famille il y en a beaucoup chez ma mère, il y en a même un chez moi que je n'arrive pas à finir, un qui est dédié à mon père avec des super souvenirs où ici et là-bas se mêlent dans une joie indicible, malgré le souvenir des rancoeurs et des souffrances.