Ici ou ailleurs
aile68
Les jours de grande chaleur, c'est-à-dire tous les jours, la sieste nous happait dans la torpeur du repas de midi prolongé par l'odeur du café et la saveur des gros biscuits à la pâte d'amande. J'ai vu les amandiers en fleurs une année où je m'étais rendue là-bas dans le grand Sud pour Pâques. Les champs étaient tout blancs, ça sentait bon cette odeur aigrelette des fleurs d'amandiers, la récolte promettait d'être bonne. Le soleil et le petit vent doux jouaient avec les branches des bougainvilliers touffus dont les fleurs tapissaient le chemin qui allait au cimetière. Il passait devant la maison de la tante Tia qui ne faisait entrer aucun bouquet dans sa maison, à cause de son allergie au pollen, et des saletés que ça pouvait faire par terre. Elle aimait se mettre dans l'encadrement de sa porte, assise sur une vieille chaise de corde et de bois usés, elle semblait avoir cent ans avec son fichu noir sur la tête. Elle ne sortait que pour arroser ses herbes aromatiques et ses légumes qui lui réservaient à elle et ses convives de précieux bouillons aux différentes vertus curatives.
A Pâques on faisait des biscuits en forme de panier avec des oeufs sucrés à l'intérieur, on les offrait avec des petits bouquets de giroflée des murailles au parfum si rustique, si particulier. Je réalise qu'elle sentait le bon bois humide du matin, au bord de l'unique rivière de là-bas dont l'eau n'était pas encore tarie. Sur la place du peuple on représentait la crucifixion du Christ, un spectacle très émouvant que j'ai vu une fois avec de la famille dont la tante Carmela qui avait sorti la fourrure pour l'occasion comme tant d'autres dames de là-bas. C'est comme les dames qui à Cannes dans la douceur de l'hiver, revêtent élégamment leur vison sur la croisette...
Je retournerai peut-être dans le grand Sud d'un là-bas que je préfère tenir secret. Vacances, étés suffocants, vins qui tournent la tête, odeur des caves entêtant, avec le temps on préfère les chevaux aux vieilles mules harassées de travail, chargées de sacs de paille et de fèves. Les vieux portails des jardins ont rouillé, on a changé les serrures, les grosses clefs sont exposées au Musée du village, une des pièces maîtresse est un magnifique pressoir qui a appartenu à la famille pendant longtemps, longtemps. Cet adverbe peut être associé au terme autrefois, qui nous emporte au temps des vieux fers à repasser tout en métal et des amphores qui maintenaient frais l'eau et le vin qu'on emmenait aux champs. Tous les cousins se réunissaient au temps des moissons parmi eux il y avait mon père, fort, beau et quelques oncles, tous jeunes, avant qu'ils ne fassent leur vie ici ou ailleurs.
C'est beau ! J'ai été bouleversé par ce tableau de mots bien choisis auquel il ne manque visuellement que les couleurs.
· Il y a presque 3 ans ·daniel-m
Merci j'aime tant parler de ce là-bas où j'ai vécu des moments si forts...
· Il y a presque 3 ans ·aile68
Comme on aurait aimé y vivre. Bravo pour ce tableau, nostalgie heureuse, si j'ose dire.
· Il y a presque 3 ans ·Christophe Hulé
Merci y a des endroits, des choses qui marquent tant...
· Il y a presque 3 ans ·aile68