Il était une bouchère

blanzat

Osons un Black-sheep Friday : pour un abattoir fermé, une salle de spectacle ouverte.

Triste podium : cette élue locale, éleveuse d'ovins, rappelle que la Manche est le « premier département bovin » (https://www.ouest-france.fr/normandie/avranches-50300/manche-l-agonie-des-abattoirs-fait-des-remous-7085837).

Difficile alors de voir l'offre d'abattage s'étioler. Dans un journal local, elle appelle les collectivités à soutenir financièrement les abattoirs. Il n'y a pourtant pas de quoi être fière. Mettant en avant son activité de bergère dans des films et des livres, qui sont autant de pratiques lobbyistes, il n'est pas possible de défendre un modèle fondé sur la souffrance animale. Un abattoir public n'est pas « garant de transparence alimentaire, d'équité financière pour les producteurs et de proximité pour les animaux », c'est une usine agro-alimentaire comme une autre, le lieu où l'espérance de vie d'un être sensible est écourtée sans humanité, par des ouvriers travaillant dans des conditions dégradées et dégradantes. Lieux de foyers de contamination en cas d'épidémie, épicentres des zoonoses, on ne peut pas vouloir le maintien de ces filières, publiques ou non. Occuper l'espace médiatique pour demander ce genre de choses est indigne. Il faut flécher les fonds sur une sortie de crise sanitaire, économique, sociale et environnementale.

Économiquement, la production de viande n'enrichit que les grands groupes, elle ne rémunère pas les éleveurs et maintient des emplois précaires.

Écologiquement, c'est catastrophique, et les arguments ne manquent pas. Un omnivore pollue sept fois plus qu'un végétarien, l'élevage est l'activité la plus polluante, la première responsable du réchauffement climatique.

Pour 1 calorie de viande, il faut dépenser 7 calories végétales.

Pour 1 kg de viande, il faut pomper 10 000 litres d'eau.

Pour 1 kg de protéine animale, il faut consommer 7 kg de protéines végétales.

L'argument de nourrir tout le monde ne vaut pas, l'argument de se nourrir ne vaut pas, l'argument de la santé ne vaut pas, l'argument des emplois ne vaut pas non plus.

La bergère veut donner une dimension humaine à son élevage, donner à voir le rapport de l'homme (ou la femme) au monde animal. C'est fatiguant, ces visages identiques, je préfère un visage sensible, désintéressé, celui des animaux.

On met en avant le sort d'hommes et de femmes courageux, faisant un métier difficile. Il ne faut pas s'y tromper, c'est du lobbying, au sens strict d'agir et d'influencer certaines décisions politiques pour des intérêts particuliers (certains se font même élire).

Que des collectivités engagent les fonds publics à perte pour maintenir ces lieux de mort, cela pose question sur la poursuite de l'intérêt général. Qu'un maire et président d'interco autoritaire et favorable à la chasse lève le pouce sur les déclarations de la bergère-Maire, cela mérite une alerte.

Ce petit texte ne vend rien, ne roule pour personne, n'est assorti d'aucun bulletin d'adhésion. Malgré tout, il fait courir le risque à son auteur de représailles pour avoir exprimé une opinion. On pourra le trouver agressif, ce n'est rien en comparaison de la violence infligée aux animaux. On pourra s'alarmer et crier à l'ayatollah, à l'amish, à l'anti, ce n'est rien en comparaison du matraquage publicitaire des industries de la barbaque.

Quand on parle de l'espace qu'occupent ces professionnels, dans la parole, dans les médias, c'est à l'image de l'espace géographique. L'emprise foncière est telle de ces exploiteurs-persécuteurs-exécuteurs que le premier département bovin est aussi le dernier en surface boisée. Dans l'espace public, ce sont les boucheries, les rayons « viande » de supermarchés, les étals des marchés, les abattoirs et les entrepôts en périphérie, les camions et bétaillères sur la route, la fumée des galettes-saucisses. Ils prennent beaucoup trop de place.

Mais l'important, dans le débat public, c'est l'intérêt général, et s'il faut le redire, redisons-le : le bien commun peut se passer des abattoirs.

  • Joli coup de gueule , j'espère juste qu'on tranchera le coup des animaux pour qu'ils ne souffrent pas er qu'on assommera les cons, pour que leur rouerie puisse souffrir...

    · Il y a plus de 3 ans ·
    Facebook

    flodeau

    • oui mais... le coup sur le cou a-t-il un cout?

      · Il y a plus de 3 ans ·
      Autoportrait(small carr%c3%a9)

      Gabriel Meunier

    • Oui certes, le cou sur un coup en valait-t-il le coût?! Le coup du berger amoureux d'une vache, qui pis a du laid, en cavalier fou, sang trois y'a deux tours nés au beurre à la miche carême!! ;0)

      · Il y a plus de 3 ans ·
      Facebook

      flodeau

  • Oui...vous ne m'avez pas convaincu, car je suis déjà à vos côtés.
    Votre texte est sacrément bien balancé, ce qui révèle un fonctionnement cérébral digne, humain et légèrement poétique (ce qui n'est pas pour nous gâcher la journée).

    M'autorisez vous à diffuser ce très beau plaidoyer pour un monde plus juste, que vous pratiquez déjà semble-t-il ? Il faut du temps (court = ds une vie) et long (sur des civilisations) pour arriver à faire passer par l'exemple (comme vous) que nous ne sommes plus des hommes préhistoriques qui ont besoin de viande pour aller à la chasse (concentré d'énergie) et que les légumes offrent des possibilités gustatives, diététiques culinaires esthétiques, etc... infinies ?

    Tout le drame vient de la recherche systématique d'un passage en force, rapide et qui s'accélère toujours plus...pour rien.
    https://short-edition.com/fr/oeuvre/tres-tres-court/adieu-viandards

    · Il y a plus de 3 ans ·
    Autoportrait(small carr%c3%a9)

    Gabriel Meunier

    • Bonjour, merci pour votre soutien. J'affûte mes arguments depuis longtemps, parfois j'ai l'impression d'être un prêcheur évangélique ! Vous pouvez diffuser autant que vous voulez mes propos, c'est important effectivement de provoquer la réflexion sur le fonds. J'adhère pleinement à votre analyse sur la vitesse, je suis lecteur de Paul Virilio qui a su montrer que nos sociétés fonctionnent sur cette accélération, telle la gidouille pataphysique. J'ai étudié la logistique il y a quelques années, et il se trouve que c'est techniquement sur ce modèle que sont construits tous les rapports économiques. Je vais prendre le temps de vous lire, ce sera l'occasion d'échanger à nouveau.
      A bientôt

      · Il y a plus de 3 ans ·
      Ab

      blanzat

  • Merci pour votre opinion et merci de l'avoir exprimée. En ce qui me concerne, je voue une religion au monde animal et au monde végétal. C’est même pour moi l'unique expression d'un dieu hypothétique dans ce monde de plus en plus ambiguë qui m'entoure. Mais voilà, j'aime (j'ai besoin) de manger, ... des légumes, des céréales et de la viande tout comme j'ai besoin de boire. Oui! j'aime la viande ! Alors tout ce débat sans fin sur la souffrance animale commence à me gonfler magistralement. Nous savons élever des animaux, cultiver des légumes etc pour nous nourrir mais nous avons juste oublié cette notion de respect vis à vie de ce qui nous nourrit parce que tout ce que nous faisons est uniquement régit par l'argent et rien d'autre. Le respect, le bon sens, sont des choses qui se meurent dans un paysage triste et non "instagramable" d'un troupeau d'imbéciles maintenus artificiellement heureux.

    · Il y a plus de 3 ans ·
    Gaston

    daniel-m

    • Pour ma part, je ne confesse qu'un seul Dieu, c'est une manie de catholique. Ça pose aussi une base, comme le sermon sur la montagne : tu ne tueras point. Ne pas tuer, c'est une forme radicale de respect, non ? C'est radical au sens que toutes ramifications telles que "j'aime..." ou "j'ai besoin..." sont supplétives. Il y a une question éthique intéressante dans votre commentaire : "nous savons élever des animaux". Nous savons aussi pratiquer la fission nucléaire, nous savons exciser ou circonciser des enfants, nous savons faire tellement de choses. Est-ce que ce sont pour autant des choses que nous devons faire ? Le débat n'est pas sans fin, il s'arrête quand on commence à juger toutes choses égales : élever des animaux n'a rien à voir avec cultiver des légumes, ce n'est même pas une différence de degré, c'est une différence de nature. Le bon sens consiste à moins manier la comparaison que l'analogie, avec discernement.

      · Il y a plus de 3 ans ·
      Ab

      blanzat

  • Bien dit!

    · Il y a plus de 3 ans ·
    Kalvmxlw

    minuitxv

    • Merci ! Il fallait que ça sorte.

      · Il y a plus de 3 ans ·
      Ab

      blanzat

    • Arrêtons de manger et laissons nous mourir doucement alors ! :o)

      · Il y a plus de 3 ans ·
      Gaston

      daniel-m

Signaler ce texte