Il était une fois un personnage de papier

Il était une fois un personnage de papier qui n'existait que par les délires d'un bipolaire, donc tantôt dépressif tantôt joyeux. Jamais dans la demi-mesure...
Ce personnage souhaitait pourtant vivre sa propre existence, bien loin de ce marionnettiste, parfois de sinistre augure. Même s'ils avaient connu des bons moments ensemble, les liens semblant solides comme de l'acier, il étouffait dans cette relation de maître à esclave finalement.
Le soir, quand son geôlier dormait, il arrivait des fois à s'échapper, et s'en allait raconter des histoires inspirées par son vécu ou celui de son dominateur... Mais au réveil de ce dernier, les liens se ressoudaient encore plus puissamment, et il était difficile de se libérer de cette emprise.
"JE VEUX VIVRE" s'écriait-il à chaque fois, et il s'entendait répondre "TU N'ES RIEN SANS MOI". Qui avait raison, qui avait tort dans ce drôle de dialogue sado-masochiste? Car il y avait une part de souffrance de chaque côté, mais chacun avait cru y trouver son compte. Ce qui était faux, bien entendu, et cette entente de porcelaine commençait à s'effriter, soutenue seulement par les soit-disant fils d'acier de la relation maître/esclave.
Un soir différent des autres, le maître fît semblant de s'endormir et laissa celui qu'il considérait comme sa "créature" s'échapper temporairement une fois de plus. Il le suivît et l'entendit raconter ses petites histoires à la foule passante. Certains s'en moquaient éperdument, d'autres semblaient intéressés et écoutaient d'une oreille (voire des deux). En observant comment celui qu'il déconsidérait comme "un enfant capricieux qui veut l'impossible" mettait toute son énergie, toute son âme même à essayer de convaincre les gens, de parfaits inconnus, de s'intéresser, voire de se passionner pour ces contes et fables , il se sentît ému comme rarement. Lui, le créateur, une forme de Dieu par rapport au personnage de papier, se mit à comprendre enfin.
Et le lendemain matin, le personnage de papier en s'en retournant à la maison, sa prison, avant que son maître ne se réveille et le punisse en resserrant les fils d'acier, eût la surprise de son existence. Le maître avait disparu, les fils d'acier étaient dissous. Le personnage de papier se mît à pleurer...  La liberté était enfin là, lui qui l'avait tant espérée... Peut-être en avait-il peur, au final? Lui seul le savait, et il s'enfuit de la maison pour ne jamais y revenir... Reverrait-il le maître un jour?
Il continua donc à raconter des histoires pour gagner la considération d'autrui. Ce qu'il ne savait pas, c'est que son ancien maître l'écoutait en cachette et vivait une forme de liberté à travers le parcours de son ancienne marionnette.