Ils avaient tout prévu...
Il avait perdu tout repère après la mort de sa femme. Il décida de la chercher, mais elle restait introuvable. Il trouvera enfin l'univers où elle l'attendait, car "ils avaient tout prévu"...
[...] Il se souvenait du lycée, des roses qu'il avait cueillies pour elle. Il se souvenait de ses sourires les soirs d'été, de ses lèvres glacées qu'il baisait pour réchauffer pendant l'hiver. Il se souvenait de la première danse avec elle, des poèmes qu'il lui chantait près du feu en vacances. Il se souvenait des bons, il se souvenait des durs moments. Deux jours, sans manger, sans boire, sans avoir cligné des yeux, il se remémorait ainsi chaque moment. Ils avaient tout prévu ensemble. Ils avaient prévu de s'enfuir loin du pays, ils avaient prévu maison, voyages, travail. Ils s'aimaient, il s'en souvenait, comme s'il fut réveillé d'un cauchemar atroce. Il fut seul maintenant, seul avec des sentiments sans aucun sens. Il pensait que la vie lui souriait. La vie lui avait tout donné avec cette rencontre. Mais la vie ne voulut plus d'elle, la donna à la mort. Sa femme était morte, la vie était mensonge et trahison. Ils avaient tout prévu, tout prévu, mais pas la mort, non. Il en voulait à la vie, il ne comprenait pas, il lui en voulait tellement, qu'il sentait la sienne s'en allait. Il voulait que la mort le prenne et l'emmène loin de-là, peu importe s'il n'y avait ni soleil, ni horizon. Peu importe qu'il n'y ait qu'ouragan, que tempête, que tristesse et désolation. Oui, qu'importe puisque vie et mort sont trompeuses. Voilà deux semaines qu'il restait assis là, les yeux dans le vide, il n'avait ni mangé ni bu ni cligné des yeux. La mort le visita, il lui tendait les bras, de toutes façons cela importait guère. Là-bas il se mit à la chercher, mais il n'y voyait rien, il criait son nom, le long des mers, sous l'eau aussi. Il marchait sur une montagne triste et déserte, il n'y avait ni végétation, ni animal, il était seul. Il voulut alors mourir dans la mort, il mourut et de la mort il passa à la vie. Il fut plus triste encore, il ne comprenait ni la vie, ni la mort. Alors il reprit ses anciennes habitudes. Le soir il dressait la table comme autrefois, mettant toujours deux plats et dînait avec sa musique préférée. Il jouait du piano, les morceaux qu'elle aimait. Son odeur était partout et même à des endroits où son odeur n'y était pas, il lui suffisait d'y penser pour qu'il respire son doux parfum. Peut-être qu'elle était toujours dans la vie, en ses songes, en ses souvenirs. Peut-être qu'elle était dans ses poèmes, dans ses rêves, dans les lettres qu'il lui écrivait toujours, il l'ignorait, il l'ignorerait sans doute toujours. Il n'y pensait plus finalement, il désespérait, se regardait dans les yeux pendant des heures dans son miroir, attendant sans réfléchir une réponse venue de nulle part, de quelconque horizon et puis son regard se troublait, des larmes coulèrent, ne savait plus s'il vivait, s'il était mort. Si elle était morte ou vivante. Il ne voulait ni vivre, ni mourir, il voulait simplement être en paix. Or il n'y avait la paix ni dans la vie ni dans la mort. Alors, il espérait qu'il y eut autre univers que la vie et la mort. Il devint fou, il hallucinait, la voyait partout. La mort revint, il lui tendit à nouveau les bras. Lorsque son âme sorti de son corps et qu'il se dirigeait vers la mort, il eut une idée. Là, entre la vie et la mort, il y avait une ligne, à laquelle il s'agrippa, les yeux fermés. Pendant quelque temps il restait là, entre la vie et la mort, puis il ouvrit les yeux, il ne faisait ni chaud, ni froid. Elle était là, il la revit enfin. Il y avait un autre univers, qui n'était ni vie, ni mort et elle s'était, comme lui, accrochée à cette ligne. Dans cet autre monde, sans mer, ni montagne, mais avec des paysages inconnus fascinants, ils vécurent encore longtemps. Ils n'étaient pas seuls, il y avait tous ceux qui avaient compris qu'il fallait croire en un monde meilleur que la vie et la mort. Là, au milieu des étoiles qui les entouraient, ils s'embrassèrent et il lui contait le temps perdu. Ils avaient tout prévu, même de se retrouver après la mort. [...]