Immobilité...( 610 )

Jean Marc Frelier


Flots vivants...(8)

poème symphonique n° 11

Majorana (57)





Ô musique

d'un flot qui emporte

d'un flot qui enroule

d'un flot qui déferle

d'un flot en force

d'un flot en douceur

d'un flot qui caresse

d'un flot qui secoue

ô musique

d'un flot qui cogne à la montée

d'un flot qui dévisse à la cime

d'un flot en force

d'un flot en douceur

nous pleurons toujours de la mer

comme notre sang parle

parle et reparle encore

du trop-plein de l'excès

des mémoires indivises

d'un flot qui garde

et d'un flot qui regarde

possessif nourricier

d'un flot qui devient

mains mains et multitudes

à nous hommes et femmes du poème

à nous le soleil qui point

quelque tête qu'il exprime

depuis nos nuitées longues

ô musique

ô musique

d'un flot qui longe et longe encore

d'un flot qui tournoie

d'un flot qui ouvre devant lui

jusqu'à joindre et jouxter

le ciel unique de chaque visage

comme l'alvéole se remplit

comme l'alvéole se remplit

comme le poumon s'élance

comme le poumon s'élance

comme le coeur se charge

se charge de ce qu'ensemble

ce qu'ensemble les yeux s'allument

les yeux s'irriguent

d'un flot éternel d'un flot éternel

qui conduit sa musique

d'être mots surgis en être mots surgis

aussi réels que nous croyons l'être

que nous le sommes

que nous le sommes

quand l'amour nous choisit de nouveau

quand l'amour nous choisit de nouveau

pour message et messagers

pour message et messagers

en seule et dernière réponse

à son flot incessant à son flot incessant

dont certes les voix meurent

les unes après les autres

dont certes les voix meurent

les unes après les autres

mais jamais non jamais

ses tourbillons d'encre

ô musique

ô musique

d'un flot irrésistible

dont l'offrande ne peut se tarir

d'un flot irrésistible

dont l'offrande ne peut se tarir

qui vient rompre l'entrave

l'entrave injustifiée de la chaîne

l'entrave injustifiée de la chaîne

délivrer le baume et l'onguent

délivrer le baume et l'onguent

auprès de tous les affligés

auprès de tous les démunis

auprès de tous les affligés

auprès de tous les démunis

qui fait rempart à la détresse

qui fait rempart à la détresse

et qui connaît mieux que quiconque

pour l'avoir vaincu

qui connaît mieux que quiconque

pour l'avoir vaincu

le souvenir inacceptable

le souvenir inacceptable

ô musique

ô musique

d'un flot dont l'offrande

ne peut se tarir

d'un flot dont l'offrande

ne peut se tarir

qui entre partout où se ferme le jour

qui entre partout où se ferme le jour

du sommet écrasant des tribunes

au fin fond scellé des cachots

du sommet écrasant des tribunes

au fin fond scellé des cachots

des bravoures restées pour toujours

anonymes

jusqu'aux murmures séditieux des manteaux

des bravoures restées pour toujours

anonymes

jusqu'aux murmures séditieux des manteaux

à travers l'insondable secret des crânes

dans l'intimité silencieuse des esprits

à travers l'insondable secret des crânes

dans l'intimité silencieuse des esprits

à l'écoute à l'écoute invariante de sa musique

de sa musique qui s'oppose et refuse

alors même que la nuit se résigne

à l'écoute à l'écoute invariante de sa musique

de sa musique qui s'oppose et refuse

alors même que la nuit se résigne

tout aussi et autant nécessaire

que l'eau et le pain rassasient

tout aussi et autant nécessaire

que l'eau et le pain rassasient

respire en toi les mots moissons les mots sacrés

du présent comme tous ceux du passé lointain

encore gravés dessus les pierres

respire en toi les mots moissons les mots sacrés

du présent comme tous ceux du passé lointain

encore gravés dessus les pierres

respire leur souffle immense

qui te maintient en vie

respire leur souffle immense

qui te maintient vivant

ô musique

ô musique

d'un flot invisible

investi de mystère

d'un flot permanent

transvasé sans portance

d'un flot invisible

investi de mystère

d'un flot permanent

transvasé sans portance

dans l'espace cérébral tout entier

aux délimitations inexplicablement abolies

aux délimitations inexplicablement abolies

où malgré son absence avérée

malgré son absence avérée

parviennent toujours distinctement à t'atteindre

le toucher vibratile si particulier de sa proximité

le parfum exhalé par la chorégraphie reconstruite

de ses gestes probables de ses gestes probables

le goût imaginaire le goût imaginaire

de ses lèvres débordantes le goût imaginaire

de ses lèvres débordantes

les tonalités même les tonalités même

qu'elle prenait en certaines occasions

pour te faire entendre l'impératif

de son impatience l'impératif de son impatience

comme si quelque part présente

quelque part présente

elle savait à distance te les insuffler

elle savait à distance te les insuffler

hommes et femmes du poème

hommes et femmes du poème

L'oiseau fou de porte-bonheur

apparaît disparaît comme il veut

sous la meule insipide

des nuits de charbon blanc

non loin des soleils alunis

qui font bouger l'eau petite

en contrebas de montagnes

aux horoscopes imprévus

où ses roues d'ampleur fictive

grincent sur les sables

grisés cotonneux de jours

aux influences insalubres

qui voudraient lui faire croire

à l'engrenage éventuel de leur valeur ajoutée

voilier qui vacille sur place

dans les couloirs encore obscurcis

d'empreintes inutiles

dont les contraintes ubuesques s'évaporent

sur les parois infléchies de ses ailes

qui scintillent à plus soif

de tous les camaïeux éblouissants

que sans cesse les forêts réinventent

l'oiseau fou de porte-bonheur

téphra bercé autour de ton cou minéral

qui nidifie tes sommeils en boucle

de brindilles et de limbes

de corolles et de mousses

patiemment déposés par son rêve enfantin

sur les reliefs réversibles

de ton âme indispensable

n'apprivoise-t-il pas d'un signe oublié

toute l'obscurité des nuages qu'il rencontre

en s'enroulant promptement de mémoire

alors qu'il bat plus que jamais

d'alternances en symétries

alors qu'il bat plus que jamais

d'alternances en symétries

du mouvement ouvert

de chacun de tes yeux éveillés

qu'il en manque un seul

qui ne puisse plus répondre de sa présence

cloué violemment au sol venimeux

que déjà voix nouvelle traverse d'un sillage

toute l'aurore envolée

reprendre auprès de toi qui l'attends

sa place où le frisson naît

ô musique

ô musique

ample libre

plus véloce

que le safran

lancé d'une aile

qui sillonne

et fend d'un souffle

la verrière intacte

de l'eau figée

en apparence égale

ô musique

Oeil sans regard

qui voit entend

détecte devine

le signe infirme

pointer du fond

si tranquille

sa gueule hideuse

et gémissante

sous le manteau

beaucoup trop lisse

du faux vernis

des tout va bien

qui repère toujours

derrière le masque vif

et mal assemblé

du plus ouvert

des paraître

l'origine imperceptible

de la brûlure initiale

l'anomalie sous-jacente

de sa gerçure en expansion

ô musique

aux médecines inexplicables

...

ô musique

aux médecines inexplicables

qui repèrent toujours

derrière le masque vif

et mal assemblé

du plus ouvert

des paraître

l'origine imperceptible

de la brûlure initiale

l'anomalie sous-jacente

de sa gerçure en expansion

ô musique

Oeil sans regard

qui voit entend

détecte devine

le signe infirme

pointer du fond

si tranquille

sa gueule hideuse

et gémissante

sous le manteau

beaucoup trop lisse

du faux vernis

des tout va bien

ô musique

ô musique

ample libre

plus véloce

que le safran

lancé d'une aile

qui sillonne

et fend d'un souffle

la verrière intacte

de l'eau figée

en apparence égale !


jean-marc frelier 30/12/2018 (ev)

“ dynamiques du vide “

copyright exclusif

Dédicace : M. Toson Shimasaki

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