Impitoyable Megara

Sarah

Histoire de l'une de mes personnage de jeu de rôle : Megara Debussy. Le jeu prend place à Chicago, dans l'univers des gangs américains. Agée de 38 ans, Megara est trafiquante d'organe pour son gang.

Tout comme on ne choisit sa famille, on ne choisit son milieu. Les choses seraient tellement plus simples, si on avait le choix pour absolument tout, mais ne serait-ce pas si dystopique ? Vous avez quatre heures. 
Une petite fille. Née dans le milieu des gangs. Cela ne semble-t-il pas malheureux ? « Qu'est-ce que tu vas en faire ? » Qu'on lui disait. « Elle n'a pas sa place ici, ouvre les yeux Victor. » Qu'elle lui répétait. 


Des notes s'envolent. Douce, mélodieuses, des notes qui font taire le vacarme de ses pensées. Ses doigts voguent sur les touches d'ivoire. Innocente fillette, innocente Megara qui ne se préoccupait de l'extérieur. Un léger sourire voguait sur ses lèvres. Le plancher craque, une main vient se poser sur son épaule, l'autre caresse ses cheveux châtains. 
« Madame la Reine est de sortie, que dirais-tu de m'accompagner au travail, princesse ? »
Son sourire grandit. La mélodie se tait. Elle sait ce que cela veut dire. Son papa est un héros. Son papa donne des organes à ceux qui en manquent. Son papa est un héros. Et elle l'admire. 
Pourtant, elle ne comprend pas. Pourquoi sa maman l'empêche d'admirer son héros ? Pourquoi doit-il l'emmener seulement quand elle s'absente ?  
« On va sauver qui aujourd'hui ? »
Il aurait dû les voir. Ses démons, gravitant autour de sa progéniture tels des vautours affamés. Mais n'est-ce pas ce qu'il souhaite ? Que cache ce sourire satisfait lorsqu'il la voit intéressée, penchée au-dessus d'un corps inanimé teinté de pointillés irréguliers couleur carmin ?


« C'est une petite fille. »
Megara a treize ans. Ses larmes sont silencieuses. Teresa est née, Emmeline est morte. Victor pleure, tenant le nourrisson dans ses bras. Le désespoir les envahit. Ils ne s'en sortiront pas à trois. C'est impossible. Comment pourraient-ils ?
Et pourtant ils s'en sortent. Avec de l'aide, parfois sans. Les années filent, Teresa grandit et petit à petit la facilité refait surface. Megara adopte un rôle de maman, laissant un peu de côté les corps donneurs. Mais ça lui manque. Le manque du son sourd de la balle, le manque de la minutieuse extraction d'un rein ou d'un poumon. 
Elle connait le gang. Elle sait ce que Victor fait au sein de celui-là. Elle connait ses membres, ses démons qui se profilent. Mais ça lui plait. Un jour, elle sera comme lui. 
Elle choisit. Un choix important qu'est son cursus scolaire. Bêtes à poils, bêtes à plumes, mais aussi et surtout chirurgie. Si son papa sauve des gens, alors elle sauvera leurs animaux. Si elle apprend à extraire des organes, alors elle œuvrera auprès de lui comme il le lui a promis. 
Sa petite princesse deviendra héroïne à son tour. 


Pan. Pan.
Megara a dix-sept ans. Le laquais s'échappe de ses mains. Ses mains pures maintenant salies. Sa première victime. Elle regarde le cadavre, s'en approche. Puis rive ses yeux océans sur le côté de la sombre ruelle. Ici gît un autre cadavre. Elle vient, passe la main dans sa douce fourrure maculée d'une trainée écarlate. Un léger murmure s'échappe des lèvres de la jeune fille.
« Tu es vengé. »
Elle regarde à nouveau le corps humain gisant près du chien. Elle regarde à nouveau le corps humain gisant près du chien. Mépris, dégout, vengeuse. Saisit son téléphone portable.
« Je t'ai trouvé un donneur. »
Ils sont là. Lui rongent la peau. Démons vengeurs, ils ont pris ce qui lui restait d'innocence, le peu qu'il lui restait. Megara a tué. Son premier meurtre, celui qui lui fit ressentir satisfaction. Goûter à l'odeur du sang frais. Venger quelqu'un, venger quelque chose. Et ce n'est que le début d'une longue série.


Vingt-cinq ans. Elle attend. Dans l'appartement, seule la voix de Teresa résonne. Une voix rythmée, une poésie dont les mots sont à peine audibles. Ça fait deux heures. Il n'est toujours pas rentré et ce n'est pas normal. Elle fait les cent pas. Elle attend. Un coup de fil, un signe de vie. Rien. Elle fait le premier pas, appelle. Pas de réponse. Bip… Bip… Bip… Son cellulaire s'envole, heurte un mur. 
Puis il sonne. Coup de chance, coup du destin, on n'en saura jamais rien. Ce n'est pas son père. Mais l'un de ses amis proches. Pourquoi son cœur tambourine-t-il dans sa poitrine ? Aurait-elle dû s'en douter ? S'en doute-t-elle, à cet instant précis ?
« Victor est mort. Une mission qui a mal tournée… Je suis désolé. » Dit une voix tremblante derrière l'appareil. 
Elle s'effondre. 
Mais elle n'en restera pas là. 
Les années défilent, Megara devient importante au sein du gang. Elle reprend le flambeau de Victor Debussy, le héros d'une enfant innocente mort au combat. Les voilà désormais orphelines. Megara et Teresa Debussy. Elle n'aura jamais pris son rôle de grande sœur autant à cœur que maintenant. 


Il trouve ses cibles, elle s'en charge. Il les attire, les emmène à elle. Admire son tableau couleur rouge vermeille. Peint avec subtilité, minutie et violence. Vengeance pour un être plus faible que son agresseur. Pour une pauvre créature qui n'avait rien demandé. 
Bonnie&Clyde. 
Megara&Andrew. 
Il fait partie du gang depuis autant d'années qu'elle. Il la couvre, elle agit. Elle charcute, il vend. Passent par le grossiste, très souvent. Ils sont complémentaires. La lune, le soleil. L'évidence est là, l'engagement lui ne l'est pas. Peur ? Indifférence ? C'est elle qui ne veut pas. Il insiste, elle cède parfois. Mais rien ne va plus loin. Pourtant, le ressenti est là. Pourtant, ça semble être lui et pas un autre. Mais. Car toujours il y a un "mais".

Aujourd'hui, Megara se partage. Son travail, son gang, son trafic, Teresa. Elles vivent encore ensemble. Mais pour combien de temps ? Elle ne partage pas les mêmes valeurs qu'elle. Teresa n'aime pas tuer. Et pourtant, elle fait partie du gang, comme sa grande-sœur. Ne serait-ce pas à contre-cœur ? 
Elle ne sait que penser. Beaucoup de choses à gérer. Elle se bat pour y arriver, car jamais elle n'abandonnera ne serait-ce que l'une de ses tâches. 

La petite princesse a bien grandi. 
Ses mains innocentes se sont salies. 
Ses démons vengeurs l'ont assaillie. 

L'impitoyable Megara, trafiquante d'organes pour les Hunter Bloods.

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