IV

franekbalboa

Câblé et accablé, une fois encore...

Alors que l'infirmière s'attelle à brancher tout le circuit, je sens en moi une bouffée d'épuisement. Épuisement moral, oui, ça faisait bien longtemps que je n'y avais pas eu droit, mais visiblement trop longtemps. A croire que certains n'attendaient que cela... Le temps est venu pour ce produit affreux de forcer sa présence en moi, l'intraveineuse jouera son rôle, je devrais jouer le mien. La douleur a gagné... J'acceptais cette fois ci... A contrecoeur c'est vrai, ne pouvant plus tenir... Je sentis alors que les premiers fluides se mélangeaient à mon sang, la désagréable chaleur dans mon bras, elle remonta petit à petit, puis atteint ce point quelque part dans ma gorge. A partir de ce moment, elle sembla se diffuser partout. Je sentis jusque chaque cellule de mon corps chauffer désagréablement, s'engourdir... Je sentis avec les longues minutes les douleurs se faire moins nettes, je sentis également cet effroyable goût de métal m'envahir la bouche, et ce, de la langue à la gorge... La nausée montait dangereusement, l'infirmière dut le voir, elle brancha assez rapidement une seconde poche, l'antivomitif... J'avais bien trop de produits mais celui-ci était nécessaire, ou j'aurai tapissé ce lit d'une peinture acide, une horrible peinture nauséabonde, aussi mauvaise que laide... 

Quelques longues minutes après, je perdis la sensation de nausée, je sentis alors cette sécheresse en bouche, rêvant d'une langue remuant humidement, je me tus et subis cette torture, cette impression d'avoir du sable enflammé dans cette aride cavité buccale... Patiemment je pris sur moi, il faut dire que je n'avais pas le choix...

Je n'avais jamais été un patient facile, dur à soigner, très dur à convaincre, résistant, têtu, un peu arrogant... Rien ne se passerait comme on le souhaite avec moi. J'ai vomi ces médicaments que je ne voulais pas voir en peinture, j'ai dû en prendre contre mon gré, échec... Échec des thérapies, j'avançais en aveugle, fut même un temps où, trop arrogant, j'arrachai ce câble qui, relié à ma veine, me donnait plus de douleurs qu'il m'en enlevait... Trop de câbles, trop de blanc, trop proche de ce monde aseptisé... 

Je crois tout simplement que je suis épuisé...

Je m'écroulerai sûrement sans m'y attendre, sous les yeux de l'infirmière qui ne me lâchera pas, pas avant que tout ne soit passé, pas avant que mon corps ait tout absorbé... Jusqu'à l'ultime goutte de cet odieux mélange, jusqu'à ce que les cris de mon âme s'arrangent, jusqu'à ce que ceux de mon corps cessent... Jusqu'à ce que ces foutues douleurs se taisent...

  • Terrible souffrance pour vivre un peu d’apaisement. Subir encore et toujours le savoir medical imposant souvent la torture pour nous guérir... déshumanisant le peu d’humanité dont nous aurions pourtant tant besoin dans ces moments critiques

    · Il y a plus de 5 ans ·
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    nehara

    • Je travaille dans ce monde là. Ils font ce qu'ils peuvent... Débordés, sans moyens. J'aimerai guérir... Mais ces nuits n'ont de but que le soulagement en réalité... Pas la guérison

      · Il y a plus de 5 ans ·
      Djinn

      franekbalboa

  • Comme c'est glacial. Cette sensation d'inhumanité. Se faire libérer de ses douleurs dans une prison aseptisée où l'on n'est libre de rien, pas même de son intégrité morale...
    je hais la médication, même si elle est necessaire... parfois... je la hais, car au fond elle nous éradique bien plus que nous soigne... du fer en bouche... Cher Volverine...

    · Il y a plus de 5 ans ·
    00

    gone

    • Le pire c'est que ça ne me libère pas. Ça me décharge quelques heures... Ça allège légèrement le fardeau...
      M'enfin... Étant dans le domaine, parfois on n'a pas le choix...

      · Il y a plus de 5 ans ·
      Djinn

      franekbalboa

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