Jacques Nannan et les cafés théâtres de Bruxelles. Effervescence d'après-guerre.

Coryse Mwape Dolin

Dessinateur, graveur, passionné de théâtre, Jacques Nannan (1928-2008) mime, crée des décors et rencontre des artistes parisiens dans les cafés théâtres bruxellois (Barbara...) dans les années 1950.


Après son année de service militaire, Jacques Nannan se replonge dans le théâtre et participe à l'effervescence musicale et littéraire qui gagne Bruxelles au sortir de la Deuxième Guerre Mondiale. 

De nombreux cafés théâtres apparaissent un peu partout dans la capitale mais aussi en province. Les spectacles présentés sortent des schémas des programmations officielles ; chansons, mimes à la manière de Marceau [1] ou bien, récitation de textes de Prévert, de Michaux, de Lorca …

Ambiance « Rive gauche » où s'y produisent des artistes comme Léo Férré, Barbara [2], Boris Vian.

Jacques Nannan fonde avec Jo Dekmine, notamment, des groupes de théâtre[3], tels que : La Poubelle, le Cheval Blanc, les Enfants Terribles. Et l'un de ses amis de cette époque évoque ces années animées en ces termes : « cette jeunesse allait écouter et danser sur du jazz New Orleans à la Poubelle, la Diligence, le Grillon, la Rose Noire, sans oublier quelques caves transformées en dancing ou lieu de rencontres poético-littéraires[4]. »

Jacques Nannan fait des représentations en divers endroits en Belgique, comme à Verviers, aux Temps Mêlés, par exemple. On l'y voit sur des photographies en noir et blanc au visage maquillé et faisant des mimiques expressives. De nombreux articles de presse qu'il a conservé dans ses archives personnelles font d'ailleurs l'éloge de ses prestations scéniques. 

Toute cette ambiance piquante et vivante apparue dans les années 1950, n'a malheureusement pas laissé beaucoup de traces. Peu de lieux existent encore aujourd'hui. Insufflée essentiellement par le monde estudiantin, la relève des cafés-théâtres s'est surtout faite au sein d'institutions (anciennes ou nouvellement créées) mais peu de lieux emblématiques comme les caves et les cafés ont persistés.

Jacques Nannan créait les affiches des spectacles des troupes de théâtre qu'il animait, ainsi que des décors et parfois des costumes. Certaines de ces affiches sont encore visibles [5], malheureusement les décors réalisés en papier kraft ont disparus. Ephémères et spontanés, peu de choses ont subsisté, à notre grand regret. Car, outre l'histoire d'un artiste, c'est un aspect de la culture belge d'après-guerre qui s'est évaporée également.


[1]Activité théâtrale de Jacques Nannan.

[2]Dans son ouvrage autobiographique, Il était un piano noir… : mémoires interrompus (Fayard, 1998), Barbara raconte ces lieux où elle s'est produit durant les années 1950 : « En haut de la chaussée d'Ixelles, non loin de la maison de la Malibran, devenue aujourd'hui la maison communale d'Ixelles, il y avait une banale ‘friture' qui s'appelait le Cheval Blanc. Tout au fond de cette friture malodorante et mal éclairée se trouvait une salle de bal équipée d'une petite scène sans coulisse. Mais, grand luxe, avec un rideau ! Les murs de la salle étaient superbement décorés par un jeune peintre qui s'appelait Jacques Nannan. C'est tout à fait surréaliste de trouver pareil décor au milieu des relents de friture et tomates darcies à la crevette ! (…) Il (Jo Dekmine) avait réussi à monter un des premiers spectacles, ‘Rive gauche' de Bruxelles. Il avait baptisé cet endroit ‘La Poubelle' et c'est lui qui avait confié la décoration à Jacques Nannan ». Remarquons que pour ces événements, Jacques Nannan a réalisé aussi les affiches (reproduites dans ce catalogue raisonné).

[3]Voir à ce sujet le courrier (contrat de collaboration) entre Jo Dekmine et Jacques Nannan au sujet de créations de décors et affiches pour les événements théâtraux.

[4]Référence au courrier de John Bergeret adressée à Marie Nannan en date du 29 juin 2015 au sujet de sa relation avec Jacques Nannan.

[5]De nombreuses affiches font encore partie de la collection personnelle de Madame Nannan. L'ensemble est visible dans la partie consacrée au Catalogue raisonné.




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