Je préférais

aile68

Je préférais quand c'était avant, qu'on se partageait le pain et le lait, quand les vacances c'était ici et maintenant au royaume de nos rêves et de nos jeux inventés. Les copains c'était notre richesse, la famille très éloignée un  imaginaire un peu triste, on n'avait pas l'argent pour y aller tous les ans, alors on imaginait une terre d'origine avec des histoires d'héritage, et des oncles gentils, des moissons abondantes et des vendanges bénies. Le nougat qu'on nous envoyait à Noël, le bidon d'huile d'olive, l'autre de vin, les produits d'une terre du Sud esseulée en plein hiver, en pleine campagne. Les cartes de voeux, les photos d'une cousine mariée, et les maisons de famille qui s'écroulent avec le temps, avec le départ éternel des grands-parents.

C'était mieux quand on était petit, le monde était à nous, le ballon pour le foot, les raquettes, le volant et la voisine du premier étage qui nous renvoyait les balles de son balcon. Notre bonheur c'était nos vraies valeurs, un monde propre à notre famille, l'amitié, la télé, le jardin de papa. On était riche d'amour et de rires, maman et ses fourneaux, les gâteaux du dimanche, l'amie d'enfance comme une deuxième soeur. Que reste-t-il de ce temps-là? Des souvenirs, des photos, des réconciliations, beaucoup de nostalgie, quelques larmes à l'intérieur, les plus dures, les plus douloureuses. On s'est fait d'autres amis, ma terre d'origine je l'ai parcourue comme un rêve éveillé avec un tapis rouge devant moi, un vrai film, une comédie de moeurs, la meilleure dans le genre. Ouverture sur le monde et d'autres valeurs, la tolérance et le respect qui ont pris la forme d'une sorte de délicatesse pour les autres, mes amis potentiels, le bonheur en puissance malgré les aléas de la vie, sans qui cette dernière ne serait que morne platitude. 

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