Je suis

Fionavanessabis

réédition

Je suis minuit et je suis la nuit jusqu'au bout

Je la suis car elle est belle avec sa silhouette de chat ;

Je suis l'insignifiante main qui vous tend votre pain

Je suis ce Bonjour ! que vous entendîtes à peine,

Ce merci ! de même.

Je suis cette ombre penchée sur le pavé qui prie Dieu à genoux, sans les mots, avec la peine,

Je suis la chevelure en bataille et le rouge aux joues

Je suis l'enjambée altière et gaie vers votre rendez-vous

Je me rends à votre embrassade sans ambage de vous à moi mon adoré

 Je suis l'ombre d'un doute

Et la question tapie dans un sourcil levé,

Je suis cette étrange litanie de moi-même.

Je suis ce que je suis, ami.

J'ai passé la barrière des justifications et non,

je ne

retournerai pas en arrière.

Et je ne suis pas toujours ce qu'ils disent de moi

Je suis cet étrange collier de perles qui constitue ma vie

Je suis la terre dans laquelle j'ai mordu

Je suis le sang qui a enfanté

Je suis la note de musique qui a jailli

De l'immensité d'un silence rempli

Je suis ce petit animal pelotonné contre toi qui ronronne et te fait les yeux doux de la reconnaissance

Je suis ces larmes qui sautent de ma gorge et disent, c'est beau, c'est magnifique, je suis éblouie, ragaillardie

Je suis un souffle salé

Un zeste de galet

Un brin de fleur hâlé,

Une mousseline d'écume vite ravalée

Je suis femme dans un monde d'ogres,

Je suis ma sœur et mon frère,

Je suis David chez Goliath,

Je suis dans l'œil du tigre,

Je suis dans ta ligne de mire,

Je suis les pas de mes pères,

J'essuie les travers de mes pairs,

J'essuie les plâtres et j'espère,

J'essuie les larmes d'un revers de main, de mes cheveux, de mes lèvres

 Lorsqu'il n'y a plus assez de mouchoirs.

Je suis la toute petite main qui raccommode les trous aux genoux

Le dos courbé qui sème et repique et plante et ramasse

 et recommence 

Je suis poussière d'étoile chez mon père le ciel,

Je suis fragment de roche chez ma mère la terre

Et je ne connais pas d'autre dieu.

Je ne connais plus hier et ses revers,

Puisque mon cœur tu as ouvert.

Je suis l'infime croissant de lune qu'on devine plus qu'on ne voit

Je suis le sourire que tu as dessiné tout au fond de moi

Qui s'ouvre et se referme, s'ouvre et se referme, bat des mains, bat des mains,

Bat à tout rompre, mon amour.

Je te suis gré d'être toi,

Je te dois d'être encore plus moi,

Je suis toi en un regard

Je suis moi tout entière dans ta main

Je suis si peu que tu ne saches de moi

Je suis tout ce que tu ne me dis pas et dont l'air est rempli

Je suis sourire et sueur et grincement de dents pendant l'effort

Je suis une et je suis un

Je suis si imparfaite

Je suis aspiration

D'être unie à mon Tout

D'être tout en moi qui veille

Je suis les vides et les pleins

D'un mot tracé à la main

Avec tout l'amour d'une ellipse

Tout le soin d'une cursive

Tout l'élan d'un délié

Tout le bon sens d'un mot ami qui veille bien à me dire

Tout l'or du soir tout l'argent d'un regard si vif tout le cuivre reflété dans un instant d'éternité

Je suis la lettre et la caution,

je me recommande à toi

tout comme je me porte garante de toi.

Je te suis à la lettre,

Toi ma simplicité toi ma merveille 

Toi qui jettes à la corbeille

Tout  l'accessoire.

Je suis la petite mélopée qui

de loin en loin

te regarde

droit

dans les yeux

et dans un murmure

Te rappelle à cet instant où nous sommes,

Chante à peine plus haut que le flot,

Juste ce qu'il faut pour réveiller gentiment ton cœur engourdi.

Je suis la main qui passe dans ton dos,

Je suis ta poigne qui me remet en place,

 je suis tes méandres et les miens,

Ces algues qui nourriront nos lendemains.

Je ne suis jamais totalement sans toi ni ne sais vraiment où ce n'est plus moi mais toi,

où ce n'est plus toi mais moi,

Puisque toi, je t'aime Tout, j'aime tout de toi, j'aime tous tes tois, je t'aime malgré moi,

je t'aime jusqu'à ce que nos limites fondent et se confondent dans le tout terrible et beau qui nous dépasse

nous outrepasse nous trépasse et nous fait passer

vers l'autre rive en vie

 loin de dériver loin de vivoter loin de rivaliser

 mais vivre

 en beauté vivre de toutes nos vies étincelés vivre réveillés vivre éberlués

de nous trouver là

dans le tout qu'à tâtons je devine être tout

ce qu'il y a de plus vivant à voir

de plus vif à désirer de plus élevé à respirer

toi mon infiniment petit

toi qui es moi en plus grand et en plus vivant

toi ce cri toi ce chant lancé jusqu'au firmament

toi qui es mon tout dans un battement de cils

toi le cœur du monde qui bat

je suis

ce cœur

qui bat

pour toi.


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