Je suis un chien

arthur-roubignolle

Je suis un chien !


Il y a des fois, je suis comme un chien, j'attends, seul dans mon coin, qu'une main se pose sur moi et me DONNE une caresse...

Je peux ainsi attendre pendant des heures, couché sur le paillasson de l'entrée, en poussant de temps en temps de grands et gros soupirs, "seul comme un chien" puisque telle est l'expression consacrée...


Mais personne ne vient...

Enfin si, des fois le facteur, et j'ai alors envie de le mordre ce facteur, parce que je n'aime pas son uniforme, ni sa casquette, et puis parce qu'il ne m'apporte que des factures ce facteur, et jamais de lettres d'amour...


Plus personne n'écris des lettres d'amour de nos jours, c'est fini !

On se « textote ! »

On ne fait plus de litote, on pianote...


« Je t'M » - « Moi oci ! » - « Kan cé kon se voi ? »


Il y a des fois je suis comme un chien, je renifle les culs dans la rue, je sais que ce n'est pas bien, mais je ne peux pas m'en empêcher.

Comme j'aimerai me frotter aux jambes si longues et si galbées de cette femme si belle qui passe...

Mais je ne peux pas...


Il y a des fois je suis comme un chien, j'attends ma gamelle, c'est à dire ma paie du mois, mon salaire de rien, mon salaire de misère... Pour lequel je suis traité presque comme un chien dans ce grand magasin...

Ce grand magasin qui vend de la nourriture pour chiens...


Il y a des fois je suis comme un chien joyeux, tout fou, avec l'envie de courir partout, de faire n'importe quoi, mais il y a toujours quelqu'un qui tire sur la laisse invisible autour de mon cou...


Un flic, un passant, un « honnête gens », qui me regarde comme si j'étais un fou...


Et je rentre dans le rang, je redeviens un bon et brave toutou...


Il y a des fois, comme un chien, je hurle à la mort, mais aucun son ne sort de ma gueule, ça ferait peur aux voisins...


Il y a des fois j'ai envie de mordre, de déchirer, mais j'ai été bien dressé, alors je ne le fais pas, puis à quoi ça servirait, on m'abattrait....comme un chien...

Ou l'on me mettrait une muselière.


Il y a des fois oui, je me sens comme abandonné au bord d'une autoroute, à regarder passer mes frères humains (mes frères chiens?). Je ne sais pas ou ils vont, ils ont l'air de fuir quelque chose, mais je ne sais pas quoi...

Tout ce que je sais c'est qu'ils m'ont abandonné, moi qui leur tend la main pour avoir de quoi manger.

Moi et mon (vrai) chien, assis devant ce supermarché...


Il y a des fois je suis comme un chien qui cherche une chienne. Je vais, je viens, en quête d'une saillie animale.

Mais ce qu'il faut faire de simagrées pour l'obtenir... Ce qu'il faut faire, c'est bien trop humain pour moi, à moi qui me sens pareil à un chien...


Pourtant, j'en suis certain, il y a des femmes qui se sentent aussi chiennes que je me sens chien, et qui hurlent à la mort parce qu'elles sont en chaleur aussi et qui voudraient bien qu'on les prennent... comme des chiennes...


Mais ça ne se fait pas, dans le grand chenil de la société, non ça ne se fait pas...


Il faut savoir bien s'y tenir, faire semblant d'y être un être humain, alors qu'au fond, on sait bien qu'on y est rien qu'un chien...


Il y a des fois, j'envie même certains chiens, qui sont si bien soignés, si bien choyés, si bien aimés, si bien nourris, peignés, bichonnés...


Me donne t-on tout cela à moi qui ne suis pas un chien ?


Non, je dois aller le quémander, le supplier, et remuer la queue, avoir l'air toujours content et joyeux. Je dois faire un peu le pitre aussi, pour obtenir quelques miettes d'amour et de reconnaissance...

Je dois faire le beau pour obtenir mon petit susucre, tout en jappant joyeusement...



Et je vous l'avoue, je rampe parfois sous les coups aussi, peureux, honteux, humilié, soumis comme un chien...



Mais  ne les oubliant jamais ces coups.


Un chien n'oublie jamais l'amour qu'on lui a donné, ni la douleur qu'on lui a infligé...

Comme un humain !


















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