Je t'attends

Möly Mö

"J'aimerais te rencontrer vraiment par hasard. Je ne veux pas d'amis entremetteurs: pas de soirée à quatre qui devient gênante, pas de grosse soirée où l'on te prévient qu'il y aura pleins de charmants jeunes hommes. Non, je ne veux pas être prévenue, je veux être surprise, je ne veux pas m'y attendre. Je veux que tu me tombes dessus comme une averse soudaine. Je voudrais que ton visage apparaisse comme par magie au beau milieu d'un endroit, que je tourne mon regard vers toi instinctivement. Je voudrais que tu sois celui qui a oublié de confirmer sa présence à un anniversaire, le cousin qui est arrivé à l'improviste. Je voudrais que tu sois avec tes amis dans le même bar que moi, avec les miens. Que soudain, les deux groupes interagissent et que nos yeux se croisent, se fixent, se sachent. D'une douce évidence électrique.

Je voudrais que tu sois anglais, québécois, vietnamien, argentin, suédois. Je voudrais que tu sois au détour d'un voyage, l'inattendu d'un périple. Dans l'avion, dans une auberge de jeunesse, un habitant serviable et agréable qui rend service. Et dont la beauté folle ne me laisse pas indifférente.

Tu peux tout aussi bien être français, apparaître dans le bus, ma rue. Tu serais un garçon que je croise souvent sans l'avoir remarqué et qui, un jour, se démarque. Tu travaillerais au supermarché, la boulangerie ou dans le nouveau restaurant que je veux tester. Ou tu vendrais des livres sur le marché.

Je voudrais qu'une aura de mystère t'entoure, que tout commence lentement, doucement, pudiquement. Je voudrais échanger un regard, puis un sourire, un rire, une discussion passionnée, un frôlement de mains, un baiser, un corps-à-corps…Tout ça s'étirant dans le temps, laissant le temps au désir, à la passion, de s'installer ; puis timidement, à l'amour de nous éprendre.

Je te vois brun, blond, roux; je m'en fiche. De grands yeux bleus ou verts, de grands yeux clairs seraient une arme redoutable pour me séduire. Mais des yeux noisette ou des yeux noirs peuvent aussi bien me conquérir. Je te veux souriant, pétillant. Et surtout charmeur et séduisant. Drôle, souvent.

J'imagine notre rencontre comme un coup de tonnerre dans le cœur, comme un croche-pattes sur un nuage de coton. Je nous vois nous rapprocher l'un de l'autre inconsciemment, entamer une discussion. S'enfoncer de plus en plus dans les questions, les réactions, les blagues, les effusions de rire, les points de vue divergents et convergents, les évidences. Puis un silence, comme rarement les silences peuvent être beaux, qui durerait des millions de seconde durant lesquelles nous nous fixons, détaillons le visage de l'autre. Puis, nous redescendons sur terre, nous reprenons prise avec le réel. Laissant s'installer une gêne qui veut tout dire, en somme.

Je t'imagine beau, grand, m'emmenant sur des terres nouvelles, me faisant rêver jusqu'à plus soif, nous embarquant dans l'inconnu mais en confiance. Un amant, un complice. Un soutien. Je m'imagine déjà t'aimer, très fort, t'aimer comme jamais et me faire la remarque que "non ça ne m'était encore jamais arrivé avant d'aimer de cette façon, c'est comme être soudainement sûre et certaine".

J'ai déjà hâte, je patienterais, mais je t'attends…"

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