Jean et la rouquine
Paul Robert De La Fauvellerie
Jean est du genre coriace. À ne jamais laisser tomber. Il est plutôt entêté. Quand il a décidé, c'est définitif, irrévocable...
Aujourd'hui, Jean a décidé de laisser tomber tous les mirages qui concernent l'amour, du moins le pense-t-il.... Pour lui, ce n'est qu'une parade grotesque qui s'avère humiliante pour les deux parties. Le rôle de soupirant le fait soupirer d'ennui, et selon lui, ça l'est autant pour les personnes du sexe opposé. Lassitude, quand tu nous tiens !
Il est donc parti ce jour sur ces résolutions, bien décidé à s'y tenir. Il faut savoir que Jean, lors de sa dernière relation, a vu les cornes lui pousser à la tête. Il a surpris celle qu'il croyait être son grand amour en train de jouer à des jeux, qu'il ne croyait réservés qu'à sa seule personne, avec un autre. Un soi-disant ami proche. On n'est jamais trahi que par ses amis, les siens... Il a oscillé entre envie de meurtre et envie de rire.... Il a choisi le rire. Ce dernier étant également un meurtre en soi: celui des illusions....
C'est guilleret qu'il se rend au lavomatique en bas de chez lui. Il n'a que quelques affaires à laver mais il ressent le besoin de s'extérioriser un peu, tout heureux de cette nouvelle liberté qui s'offre à lui. Il entre, met quelques pièces pour obtenir ces foutus jetons, met ses fringues dans la machine, et attend en lisant un magazine people qui parle d'amours compliqués entre débiles friqués ou connus pour être connus... Ça le fait doucement rigoler, le renforçant dans sa nouvelle conviction. Rentre alors une frêle jeune femme, rouquine, avec des tâches de rousseur sur tout le visage. Elle doit avoir dix ans de moins que notre Jean qui a allègrement dépassé le cap de la quarantaine... Ils ne sont que tous les deux, elle lui adresse un timide bonjour, il lui répond à peine mais poliment, fasciné par la bêtise du zoo humain exposé sur papier glacé. Elle s'approche du distributeur de jetons et se rend compte qu'elle a oublié ses pièces de monnaie. Elle se met à crachoter des jurons, suffisamment forts pour que Jean entende... Intrigué, l'homme lui demande ce qui lui arrive. Elle lui explique sa situation, un rien embarrassée par les mots qu'elle a prononcés précédemment. Jean, de bonne humeur, lui prête volontiers quelques pièces pour qu'elle fasse son affaire de lavage. Elle le remercie avec un sourire de joie qui ferait craquer n'importe quelle personne. Elle a un regard pétillant envers cet inconnu qui lui évite de retourner chez elle chercher de la monnaie. Elle décide alors d'engager la conversation. Jean ne sait que répondre, au vu de ses résolutions, mais la jeune femme est tellement gentille et agréable qu'il décide de faire au moins semblant de s'intéresser... Et il se prend à apprécier la discussion avec cette personne. Elle est vive, et intelligente. Sachant apprécier les silences par instants, et n'en disant pas trop non plus. Jean retrouve un sourire, un vrai celui-ci, qu'il n'avait pas eu depuis longtemps. Mais son linge est fini de laver, il se dit qu'il doit s'en aller. Et.... c'est ce qu'il fait. La jeune femme lui demande comment elle va pouvoir faire pour lui rendre la monnaie. Il lui répond qu'ils finiront bien par se recroiser, et que ce n'est pas urgent. Et il s'en va, n'oubliant pas de rendre son sourire à la jeune femme.
Vous devez vous dire "ils vont finir ensemble".... Et bien non! Jean est borné, et pour tout dire un peu con. Il ne se laissera pas séduire, et la jeune femme jettera son dévolu sur un autre, plus futé. FIN DE L'HISTOIRE.
Jolie tranche de vie bien savoureuse
· Il y a presque 7 ans ·nehara
Amusant !!
· Il y a presque 7 ans ·Sy Lou
C'est laverie !
· Il y a presque 7 ans ·yl5